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Je rappelle que la version qui nous a été donnée à voir dure un peu moins de 8 h, présentée comme la moitié de celle originale diffusée aux Etats-Unis. Ceci peut expliquer son montage comprenant des transitions qui perturbent parfois la chronologie des faits. Cependant, tant de non-dits et de contre-vérités, d’interprétations restreintes des chiffres lorsqu’il s’agit des morts vietnamiens, du tonnage général de bombes tombées sur le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge ou, par exemple, du volume des agents chimiques épandus, entre autres ; d’interprétations élargies jusqu’à la complaisance, voire taiseuses ou bien fausses lorsque sont évoquées les « affaires » américaines liées à cette guerre, tandis que la plupart de ces données sont déclassifiées et documentées. Il n’était pas difficile pour des réalisateurs états-uniens ayant travaillé plus de dix ans sur le sujet de s’emparer d’archives avérées et officielles, me semble-t-il.
PS : Je poserai les épisodes suivants au feu et à mesure
En effet, en 2005, dans le cadre de relations « apaisées » avec les États-Unis, le Viêt Nam révéla officiellement qu’un million de combattants et quatre millions de civils avaient été tués sans qu’aucun pays de la communauté internationale ne remette en cause ce bilan – qui pourrait s’avérer en-deçà de la réalité. Le documentaire Vietnam se tient très éloigné du compte.
La voix off du documentaire Vietnam évoque le tonnage de bombes larguées sur le seul Nord-Viêt-Nam et fait une comparaison à minima avec celui de la Deuxième Guerre mondiale. Or, le Viêt Nam a reçu trois fois et demie (comparer les 7 078 032 tonnes de bombes sur le Viêt Nam aux 2 057 277 tonnes de toute la Seconde Guerre mondiale) le tonnage de bombes larguées durant toute la Deuxième Guerre mondiale. Au cours de la guerre secrète, le petit Laos voisin a pour sa part reçu, à lui seul, une quantité plus importante que durant toute la seconde guerre mondiale à raison d’un raid toutes les 8 minutes pendant 9 ans. Mais cette terrible pesée n’est pas terminée, car nous devons encore y ajouter les bombardements considérables d’une autre guerre, secrète elle aussi, menée parallèlement au Cambodge, qui en reçut peu ou prou autant que le Laos. Ces chiffres ahurissants, inimaginables, suffisent à donner une idée de l’ampleur, et du nombre effroyable de victimes, du conflit. En fait, il est tombé 6 fois le tonnage de bombes de la Seconde Guerre mondiale sur l’ancienne Indochine.
Quant à l’Agent Orange, ce documentaire Vietnam l’occulte quasiment alors qu’il fera des millions de victimes au sens large du terme –, la voix off évoque 72 millions de litres épandus tandis que le dernier rapport financé par l’Académie nationale des Sciences de Washington, réalisé par Jeanne M. Stellman et son équipe de l’Université Columbia de New York au début des années 2000, paru dans la revue scientifique Nature, annonce 84 millions de litres (pour ma part, à l’appui des mêmes documents de l’Armée américaine utilisés par cette éminente scientifique, j’estime qu’en équivalent/hectares ce volume pourrait s’établir à 4 fois ce chiffre). Par ailleurs, le Rapport Stellman montre que 3 851 villages subirent les épandages d’agents chimiques et place le nombre de personnes directement exposées entre 2,1 et 4,8 millions. Ce nombre n’inclut pas les personnes contaminées ultérieurement par leur environnement, ni celles qui seront atteintes par la chaîne alimentaire, ou nées avec des malformations. Ceci ne peut en aucun cas être restreint à deux phrases, comme s’il s’agissait d’un détail de l’Histoire. En effet, à propos de cette guerre chimique, ce documentaire Vietnam n’a qu’une phrase blanche à son début et une à la fin laissant entendre que les USA décontaminent le Viêt Nam. En vérité, il s’agit pour l’instant d’une opération de décontamination de surface qui concerne seulement quelques hectares sur la base de Da Nang faisant partie des 28 points chauds répertoriés. Et les États-Unis ne sont pas seuls à la financer, loin de là. Par contre, l’opération est réalisée par des entreprises états-uniennes, car si la contamination rapporte, la décontamination aussi.
D’autre part, le documentaire Vietnam présente les « incidents du golfe du Tonkin » comme vrais. Or, ces faux « incidents » déterminèrent la suite de la guerre. Les 2 et 3 août 1964, deux destroyers américains croisant à la limite des eaux internationales auraient essuyé des tirs de canonnières nord-vietnamiennes. Puis, le 4 août, la marine US annonça de graves incidents, invoquant le tir de dizaines de torpilles contre elle… des faits qui ne se sont jamais produits. Nous le verrons plus tard avec les grandes « affaires » américaines liées à la Guerre du Viêt Nam. Une méthode vieille comme le monde qui consiste à provoquer (voire inventer) un événement pour en tenir l’ennemi responsable. Que c’est-il passé : en mai 1970, la « guerre secrète au Cambodge », qui suivit la « guerre secrète au Laos », est révélée par le New York Times, relançant la contestation d’une nouvelle guerre « illégale » qui favorisera l’accession des Khmers rouges, et marquera le début de l’affaire des Papiers du Pentagone. Ils ont révélé que le texte de la Résolution du golfe du Tonkin adoptée par le Congrès le 7 août 1964, avait été rédigé par l’administration Johnson plusieurs mois avant que les fameux incidents ne se produisent. Cependant, ils fournirent au Président un prétexte pour faire voter par le Congrès une « Résolution » lui donnant ainsi le feu vert grâce à ce casus belli cousu main. Et « en représailles » Johnson fit bombarder les équipements côtiers nord-vietnamiens. Désormais, l’armée américaine était directement impliquée dans la Guerre du Viêt Nam, sur l’ensemble du territoire s’entend. Le 13 juin, le premier article des Pentagon Papers, paraît dans le New York Times, puis quelques jours plus tard dans le Washington Post. Un premier épisode tiré d’un dossier comptant 7 000 pages (en 47 volumes) établissait l’illégalité de la guerre après le détournement de la Constitution des États-Unis d’Amérique lorsque Johnson trompa le Congrès sur les « incidents du golfe du Tonkin » qui lui permirent d’engager totalement l’armée américaine dans le conflit du Viêt Nam. Mais il indiquait aussi la violation de la Constitution que représentait l’engagement de la guerre secrète au Cambodge (par Nixon, Républicain) sans l’aval du Congrès, comme précédemment son extension de la même manière au Laos (par Johnson, Démocrate). Au regard de la seule loi états-unienne, la guerre s’avérait maintenant illégale aux yeux des élus et du peuple trompés. Fou de rage, Nixon fait interrompre la publication du feuilleton et saisit la Cour suprême, qui le déboute. Ces dossiers secrets d’État ont été remis à la rédaction du journal par Daniel Ellsberg, un esprit brillant ayant appartenu au staff de McNamara. Parallèlement, ces dossiers sont remis à Howard et Roslyn Zinn, et Noam Chomsky, qui les analysèrent. En introduction au dossier Ellsberg écrivait : « Les dirigeants des États-Unis, y compris le Président en exercice, Richard Milhous Nixon, pour les six dernières années au moins, pourraient bien être coupables de crimes de guerre ». Les Papiers du Pentagone seront publiés. Nixon veut alors détruire ceux qui s’opposent à lui et met en place une unité d’espionnage chargée de compromettre ses ennemis politiques dans des affaires douteuses. L’entreprise signera sa perte. Ce sera une nouvelle « affaire » : le Watergate.
Le scandale du Watergate tient son nom d’un complexe d’immeubles situé à Washington dont un des bâtiments abritait des bureaux du Parti démocrate. Dans la nuit du 17 juin 1972, à 1 h 30 du matin, un agent de sécurité de l’immeuble prévient la police. Cinq « cambrioleurs » sont arrêtés, ils portent sur eux un matériel d’écoute sophistiqué. L’un d’eux est un gradé de l’armée de l’Air, ancien du FBI et de la CIA, et de surcroît, membre du Comité pour la réélection du président Nixon. Les cinq ressemblent davantage à des agents secrets qu’à des cambrioleurs ; un carnet d’adresses trouvé sur l’un d’eux révèle des personnes de tout premier rang. Un informateur secret communique à deux journalistes du Washington Post, Robert Woodward et Carl Bernstein, des informations essentielles à propos du Watergate, et des « plombiers de la Maison Blanche » chargés de fabriquer des lettres destinées à ruiner la réputation des candidats démocrates. Les deux journalistes d’investigations parviennent à éclaircir l’affaire avant le département de la Justice (le ministère de la Justice) contrôlé par la Maison Blanche. Leurs articles affirment que les proches du Président, tout comme Nixon lui-même, s’adonnent à toutes sortes de graves malversations : sabotages politiques, corruption, association de malfaiteurs, cambriolages, écoutes clandestines, détournement de fonds, parjures et faux témoignages, obstruction à la justice… Tel que le cambriolage du cabinet d’un psychiatre détenant des éléments compromettant à l’avantage de Nixon. Plus tard, Nixon refusera de remettre les 64 bandes magnétiques d’enregistrement du Bureau ovale à la Justice qui les réclamait. Saisie, la Cour suprême se prononce pour la restitution, certaines bandes seront remises, partiellement effacées : Nixon cherchait à masquer ses propos grossiers et insultants révélant son alcoolisme et les manigances tramées dans le Bureau ovale. Une procédure d’« impeachment » sera déclenchée contre Nixon, premier Président de l’histoire des États-Unis d’Amérique à démissionner afin de ne pas subir l’humiliation de la destitution. Les deux journalistes ne révélèrent jamais l’identité de leur indicateur connu sous le nom de « Gorge profonde ». En 2005, à 91 ans, l’homme sortit lui-même de l’ombre : Mark Felt, ancien directeur adjoint du FBI sous Nixon. À la mort de Hoover, Felt se porta naturellement candidat. Nixon l’écarta et nomma Patrick Gray. Peut-être est-ce là l’origine du plus grand scandale qu’aient jamais connu les États-Unis d’Amérique. Au travers des Papiers du Pentagone et du Watergate, il est facile de comprendre de quelle façon et avec quelle cruauté fut menée la guerre du Viêt Nam. D’après Noam Chomsky, la destitution ne menaça Nixon que parce qu’il s’était attaqué à aussi puissant que lui, et non à cause de pratiques illégales abondamment utilisées contre d’autres personnes de la société jugées subversives pour l’ordre établi.
Sans guerre du Viêt Nam, pas de Pentagon Papers, ni de Watergate, affaire qui poussa Nixon à la démission pour échapper à une destitution plus infâmante encore, qui aurait été une première dans l’Histoire des États-Unis d’Amérique. La fonction présidentielle elle-même en sort profondément affaiblie : le documentaire Vietnam semble la préserver.
Il fallut attendre 2001 pour que l’historien de la National Security Agency (NSA) Robert Hanyok mette en évidence que ces communications sur les « incidents du golfe du Tonkin » avaient été volontairement truquées. L’administration G. W. Bush (dont les justificatifs de la guerre en Irak étaient contestés) interdit la publication de ce rapport interne, et le New York Times n’en divulgua le contenu que cinq ans plus tard. Le documentaire Vietnam ne dit rien là-dessus.
De la bombe atomique, le documentaire Vietnam tait le sujet. Pourtant, son utilisation a été évoquée au moins à trois reprises en ce qui concerne le Viêt Nam.
La première, quand les États-Unis la proposèrent pour aider les Français à Dien Bien Phu.
La seconde, lorsque 6 000 Marines se retrouvèrent encerclés dans « leur » base de Khe San, tout près de là ou la piste Ho Chi Minh passait du Nord-Viêt Nam en territoire Laotien.
La troisième fois, elle est suggérée pour forcer les Vietnamiens à « quémander la paix » à la table des négociations : « Je refuse de croire qu’une petite puissance de quatrième ordre comme le Viêt Nam n’ait pas de point de rupture », disait Kissinger. Afin de dissuader l’entêtement Nord-vietnamien, « l’action doit être brutale », ajoutait-il. En septembre 1969, il donne les instructions à son équipe : « Ce sera la mission de ce groupe que d’étudier l’éventualité d’une attaque impitoyable et décisive contre le Nord-Viêt Nam […] Vous devez vous asseoir et mettre au point ce que serait une attaque impitoyable », ordonna Kissinger, futur Prix Nobel de la Paix. Fin 1969, Nixon décide de mettre à l’étude la terrible opération Duck Hook, dans laquelle il est prêt à tenir le rôle du « bombardier fou ». Des documents déclassifiés révèlent que Henry Kissinger, secrétaire d’État de Nixon, échangeant des notes avec le Président, écrivait :
– « Doit-on songer à l’arme nucléaire ? »
– « L’enchaînement des choses ne doit rien exclure », répond Nixon.
Par ailleurs, le général Curtis E. LeMay était aussi un fervent partisan de l’utilisation de la bombe atomique. Ce chef d’état-major de l’US Air Force la préconisa à chaque conflit. Connu pour transgresser les décisions politiques, ferme partisan de la méthode du fait accompli, Johnson et McNamara l’écartèrent en 1965 craignant d’élargir le conflit à la Chine et à l’Union soviétique. La crainte que l’opinion publique américaine et mondiale ne se déchaîne sauva probablement les Vietnamiens de la vitrification.
Nixon se rabattit sur la « vietnamisation » (évoquée dans le documentaire Vietnam de façon succincte et pour le moins confuse), pouvant remplacer avantageusement « la bombe ». Cette stratégie avait pour but d’endiguer le flot des cercueils recouverts de la bannière étoilée à destination de l’Amérique en faisant se tuer entre eux les Vietnamiens. Elle permettra de réduire le nombre des troupes américaines au combat, sans renier le dessein états-unien. Ce qui fera écrire à l’historien Nguyen Khac Vien dans son livre Vietnam, une longue histoire : La « vietnamisation » dans l’esprit de Nixon, devait se compléter par l’« indochinisation » et ensuite par l’« asianisation ». Les Indochinois devraient combattre les Indochinois, les Asiatiques, les Asiatiques pour assurer la domination américaine en Asie. Washington n’aurait à fournir que les dollars et les armes ; la couleur des cadavres changera, mais la mainmise américaine persistera.
L’alcoolisme de Nixon, il n’est pas évoqué dans le documentaire Vietnam. Des bandes magnétiques, enregistrées entre le mois de novembre 1972 et janvier 1973, jettent un nouvel éclairage sur la façon dont Nixon s’adressait à Kissinger, conseiller à la Sécurité nationale, dans le bureau ovale : « N’oubliez jamais : la presse est l’ennemi. L’establishment est l’ennemi. Les professeurs sont l’ennemi. Les enseignants sont l’ennemi. Écrivez cela au tableau noir 100 fois et ne l’oubliez jamais. » Cette conversation de maître à écolier, probablement due à l’alcoolisme de Nixon, date de décembre 1972, peu de temps avant les bombardements massifs sur Hanoi et Hai Phong. Lorsqu’elles sont déclassifiées, le mardi 2 décembre 2008, j’en fis part à Howard Zinn qui me répondit : « Merci beaucoup, Andre, pour tirer mon attention a l’ouverture des archives de Nixon. Revelations extraordinaires. Il est evident que Nixon a commence a perdre son balance [équilibre] mental. Howard » Howard Zinn avait été appelé à la barre lors du procès de Daniel Ellsberg ayant divulgué les Pentagon Papers, démontrant que ce dernier n’avait pas porté atteinte à la sûreté de l’État fédéral. Plus de 2.200 heures d’enregistrement sont désormais disponibles aux Archives nationales. Elles sont accessibles en ligne, alors que les documents écrits peuvent être consultés aux Archives nationales ainsi qu’à la bibliothèque présidentielle de Nixon. Rien n’est dit à propos de l’alcoolisme du Président de la première puissance du monde en guerre dans le documentaire Vietnam.
Par ailleurs, le documentaire Vietnam ne fait apparaître que 3 bases américaines sous la DMZ du 17eparallèle, menant d’Est en Ouest vers Khe San. En réalité, il y en avait une foule, sans compter les positions élevées, les voici :
Bases du Corps de la zone I sous la DMZ :A Shau ; An Hoa ; Binh Hoa ; Cam Lo ; Camp Carrol ; Camp Eagle ; Camp Esso ; Camp Evans ; Camp Henderson ; Chu Lai ; Con Thien ; Da Nang, China Beach ; Dong Ha ; Duc Pho, LZ (Landing Zone, pour Zone d’atterrissage) Bronco ; Firebase Jack ; Firebase Rakkassan ; Firebase West ; Hill 63 ; Hill 69 ; Hoi An ; Hue ; Khe Sanh, Firebase Smith ; Lang Co Bridge ; LZ Baldy ; LZ Dogpatch Hill 327 ; LZ Geronimo ; LZ Jane, Firebase Barbara ; LZ Langley, Firebase Shepard ; LZ Profess, Hill 55 ; LZ Rockcrusher, Hill 85 ; LZ Rockpile ; LZ Ross ; LZ Sandra ; LZ Snapper, Firebase Leather ; Marble, Hill 59 ; Phu Bai ; Luc Phu, LZ Tommahawk ; Quang Nai ; Quang Tri, LZ Nancy.
Bases du Corps de la zone II :An Khe, Camp Radcliff ; An Lao, LZ Lamarie ; Ban Me Thuot ; Ben Het ; Bon Song, LZ Two Bits ; Bre Nhi ; Cam Ranh Bay ; Camp Granite ; Che Oreo ; Da Lat ; Firebase Pony ; Kontum ; Dog LZ, LZ anglais ; LZ Oasis ; LZ Putter, Firebase Bird ;
LZ Uplift ; Nha Trang ; Phan Rang ; Phan Tiet ; Plei Ho, SF (Special Forces) Camp ; Plei Jerang ; Pleiku ; Puh Cat, LZ Hammond ; Quy Nhon ; Song Cau ; Tuy An ; et Tuy Hoa.
Bases du Corps de la zone III :An Loc ; Ben Cat ; Ben Hoa ; Cholon ; Cu Chi ; Dau Tieng (Michelin) ; Dien-Duc, Firebase Elaine ; Duc Hoa ; Firebase Di An ; Firebase Frenzel ; Firebase Jewel, LZ Snuffy ; Firebase Mace ; Katum ; Lai Khe ; Loc Ninh ; Long Binh, Firebase Concord ; LZ Fish Nook ; LZ Schofield ; Nha Be (Navy Base) ; Nui Ba Den, Firebase Carolin ; Phouc Vinh ; Phu Chong ; Phu Loi ; Qua Viet ; Quang Loi ; Saigon ; Song Be ; Tan Son Nhut ; Tay Ninh ; Trang Bang ; Vo Dat, Firebase Nancy ; Vung Tau ; et Xuan Loc.
Bases du Corps de la zone IV :Ben Luc ; Ben Tre ; Can Tho ; Cao Lanh ; Dong Tam ; Firebase Grand Canyon ; Firebase Moore ; Ham Long ; Moc Hoa ; My Tho ; Nam Can ; Phnom ; Phu Quoc ; Rach Gia ; Seafloat ; Soc Trang ; Tran An ; Tieu Con ; Tra Vinh ; Vinh Loi ; et Vinh Long.
Je voudrais aussi parler du Programme Phoenix, à peine abordé dans le documentaire Vietnam, opération secrète et rampante américano-sud-vietnamienne montée par la CIA en collaboration avec les services secrets sud-vietnamiens. Ce programme vise à démanteler l’organisation Viêt Cong dans le delta du Mékong. Côté américain, les SEAL (contraction de Mer, Air, et Terre), corps d’élite opérant dans n’importe quel élément avec les moyens les plus sophistiqués, ont à leur côté les URP, anciens Viêt Congs indigènes, soudoyés et retournés. Par groupe de 10 ou 20, il s’agit de filer, d’enlever, d’interroger et d’assassiner les responsables, membres et sympathisants de la guérilla, estimés à 100 000 dans le seul delta. Une des méthodes d’interrogatoire consiste à embarquer trois ennemis dans un hélicoptère. En altitude, la porte est ouverte et celui qui en sait le moins est jeté dans le vide sous les yeux des deux autres. Puis vient le tour du second. S’il parle, un sursis advient. Il est alors éloigné du seuil et on prend des notes. Parfois, il faut l’avancer de nouveau pour qu’il se souvienne. Puis, celui qui est supposé en savoir d’avantage sur l’organisation de son village est mis au bord du vide à son tour. S’il ne parle pas, celui qui a déjà parlé est éjecté sous ses yeux. S’il ne parle toujours pas, il est poussé vers le sol. S’il parle, il subit le même sort. Renseignements obtenus, on prend d’assaut la maison ou le village. On assassine. On tue tous les membres de la famille. C’est la règle. Parfois, les oreilles des victimes sont rapportées au camp comme trophée. Selon les sources, entre 20 000 et 60 000 personnes ont ainsi été éliminées. En réalité, les 100 000 Viêt Congs du delta s’opposant au régime du Sud seront réduits à 1 000, tandis que la terre vietnamienne continuait de boire la dioxine de l’Agent Orange. Je crois me souvenir que le documentaire Vietnam effleurant le sujet fait état d’un chiffre restreint, 6 000 (à vérifier).
À propos de My Lai…
16 mars 1968. Peu avant 8 h du matin, 120 GI de la Charlie Company, dépendant de la 11e brigade d’infanterie légère de la Division Americal, entrent dans les hameaux de My Lai, surnommés « Pinkville », et de My Khe. Ils se situent au sud-ouest de Da Nang, dans la province de Quang Ngai, près de My Son, haut lieu de l’ancien royaume du Champa ravagé par l’Agent Orange et les bombardements. Dans le cadre de l’opération Wheeler Wallawa, incluant les missions de « recherche et destruction », les hommes du lieutenant William Calley abattent les premiers habitants qui s’enfuient par les rizières, incendient les paillotes et mitraillent ceux qui en sortent bras en l’air, tirant même sur les poules et les cochons. Ils réunissent les vieillards et les exécutent à la grenade. Des mères protégeant de leur corps nouveau-nés et enfants cramponnés à leurs habits, des vieux et des adolescents hurlants sont rassemblés le long des fossés de drainage et exterminés au fusil-mitrailleur. Ceux qui bougent et respirent encore sont achevés. Des soldats signent de leur baïonnette la première lettre du nom de leur compagnie sur la poitrine des victimes. Des femmes sont violées, sodomisées avant d’être abattues de la façon la plus épouvantable qui soit. L’une d’elles, enceinte, est éventrée au couteau. Les sacs de riz sont aspergés d’essence et brûlés. Derrière, on ordonne de tuer la jeune « bridée » qui rentre du champ de paddy. Chose faite, elle est allongée dans l’eau de la rizière, la cervelle éparpillée autour de son crâne ouvert. Dans l’incendie des huttes, on jette les clisses sur lesquelles sèchent les galettes de riz au-dehors. Les hommes sont fous. Il faut tuer, tuer, tuer encore pour oublier qu’on a tué (extraits de mon ouvrage Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam). Un GI monte sur un buffle et frappe la bête à coups de couteau jusqu’à ce qu’elle s’affaisse, dira un des témoins. Un des neuf hélicoptères survolant l’opération pour la protéger ne comprend pas car, d’en haut, tout semble se passer trop facilement. Il fait alors une approche, et réalise soudain la situation au sol. Atterrissant au milieu de la tuerie, il parvient à sauver une dizaine de civils en les emportant puis, bien qu’à court de carburant, se pose une seconde fois pour embarquer un petit garçon isolé. [le documentaire Vietnam appuie sur cet acte de bravoure qui, par ailleurs, le mérite] Un peu plus loin, des soldats auraient mis une arme automatique dans les mains d’un enfant pour qu’il tue les siens ; mais le gamin en est incapable et laisse tomber ce fardeau : il est exterminé. Plus tard, un témoin déclarera que ses compères firent une pause-déjeuner à côté des cadavres et, de temps en temps, tirèrent sur quatre ou cinq femmes et enfants qui bougeaient encore dans un fossé. Il ajoute que la plupart d’entre eux ne considéraient pas les civils vietnamiens comme des êtres humains… et qu’ils devaient juste les traiter comme des animaux. Sous les morts, une mère serre sa fille contre elle pour étouffer ses pleurs. Elles survivront. Le comble de cette histoire est qu’il n’y avait aucun Viêt Cong dans le hameau de My Lai. D’ailleurs, la liste des victimes comporte très peu d’hommes en âge de combattre. Cependant, le général Westmoreland annoncera une grande victoire au cours de laquelle 128 Viêt Congs et 22 civils auraient été tués. Le massacre sera dissimulé par l’armée. Le Pentagone couvrira. C’était l’intérêt de tous. Mais lorsque le journaliste d’investigation, Seymour Hersh, révèle le massacre dans le Saint Louis Post-Dispatch du 13 novembre 1969 (soit un an et demi après les faits), l’opinion publique américaine honteuse demande un jugement pour crimes de guerre, tandis que les officiers supérieurs camouflent ce meurtre collectif d’« humains orientaux », selon la terminologie du tribunal. À cette occasion, les vétérans américains du Viêt Nam attestent que de telles atrocités sont le quotidien de cette guerre, tant lors de raids de bombardements qu’à l’occasion d’opérations au sol. La mère du lieutenant Calley témoigne : « Je vous ai donné un bon garçon et vous en avez fait un meurtrier. » De son côté, Calley déclare avoir reçu l’ordre d’exterminer ce hameau, d’Ernest Medina, son capitaine. L’histoire ne dit pas de qui ce dernier a reçu ses directives, ni qui a envoyé des photographes militaires sur les lieux de l’extermination pour en documenter l’horreur. Un soldat raconte qu’ils avaient été conditionnés pour ce massacre, et il ajoute avoir entendu ses chefs parler de 700 victimes. Le rapport du général William Peers, commandité par le département de la Défense, amoindrit les faits qualifiés d’« incidents » oubliant de mettre en avant la directive 525-3 selon laquelle le général Westmoreland instituait le « feu à volonté » dans les zones réputées tenues par le Viêt Cong sans aucune mesure particulière pour les non-combattants. À My Lai, 504 civils désarmés, hommes, femmes, enfants et vieillards, furent exterminés. Cela ne prit pas beaucoup de temps. Le lieutenant Calley, seul militaire condamné, verra sa peine commuée par le Président Nixon… le véritable criminel. My Lai est l’arbre qui cache la forêt, et non pas l’exception comme laisse entendre le documentaire Vietnam, qui amoindrit le nombre des victimes.
La même brutalité et violence habita les milliers d’opérations menées par l’US Army au Viêt Nam, telles que les Hameaux stratégiques, ou d’autres jamais évoquées, comme la Ligne McNamara ; ou bien le « fragging » désignant l’usage de grenade à fragmentation pour tuer son officier, qui devient une pratique ordinaire…
Tout ceci sous réserve que ces manquements ne figurent pas dans la version originale du documentaire Vietnam…, mais nous pouvons en douter et penser qu’au-delà des problèmes de programmation posés par un tel format existent quelques scrupules à nous présenter le complément. Les images, qu’elles appartiennent à la propagande américaine ou à la propagande vietnamienne, subissent une interprétation que modifie tout commentaire, durci ou dulcifié. Quant aux témoignages, nombreux des deux côtés, leur durée me parait plus importante chez les américains. Mais le point de vue artistique compense cela, la concision de ceux vietnamiens les rend percutants. Tous nous disent que la guerre est toujours perdue et que la chose qu’ils ont en commun est leur humanité.
« Et j’en dirais et j’en dirais », néanmoins je n’ai pas le goût de la critique pour la critique. Je pense que les réalisateurs du documentaire Vietnam donnent aussi à voir les couleuvres qu’ils ont eux-mêmes avalées. La promotion dithyrambique de ce documentaire Vietnam avant diffusion, accomplie par des gens qui n’étaient pas nés lors de cette guerre et qui ne la connaissent pas vraiment, le plus souvent par bribes, inquiète. La fin du film nous apprend que le Viêt Nam ne porte plus de trace de cette guerre, ah bon ! où a-t-il été celui qui parle ? et montre des GI portant dans leurs bras des petits enfants vietnamiens dénudés. John Wayne n’est pas loin. En fait, comme nous-mêmes, les États-Unis ne parviennent pas à se regarder.
Pensons alors aux équivalentes 7 h 45 de Français si vous saviez, film en trois époques sorti en février 1973 (année du retrait américain au Viêt Nam) :
“En passant par la Lorraine” (2 h 30) : La défaite de 40, pour beaucoup inattendue, provoque l’effondrement total du pays. Mais le conflit de 14-18, puis les années 30, préparent, à leur façon, la débâcle…
“Général nous voilà” (2 h 30) : Le bilan après la victoire et les choix qui s’offrent à la France. Une époque troublée et ambiguë : l’épuration, le procès Pétain, Brasillach, le stalinisme…
“Je vous ai compris” (2 h 45) : Le portrait d’un homme admiré et contesté, De Gaulle, face à la 3ème crise que vivent les Français : la décolonisation…
Depuis, que n’avons-nous pas découvert et appris de nos dirigeants comme de nous-mêmes !
André Bouny*
*Auteur de Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam et Cent ans au Viêt Nam.
Messages : 1259 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 51 Localisation : où ça ?
Sujet: Re: Vietnam, documentaire sur Arte, par André Bouny Mer 11 Oct - 18:39
Vietnam (2/9)
Source : Arte, 19-09-2017
Insurrection
Conseillé par le ministre de la Défense Robert McNamara, favorable au concept de “guerre limitée”, le président Kennedy envoie des bataillons des forces spéciales combattre, aux côtés de l’armée sud-vietnamienne, l’insurrection viêt-cong qui gagne du terrain. Il autorise aussi l’usage du napalm et de l’agent orange, un défoliant qui ravage les campagnes. Dans les villes, la contestation monte contre le régime corrompu du président Diêm, dont le frère, Ngô Dinh Nhu, réprime avec violence les manifestations bouddhistes. Washington s’en inquiète et Neil Sheehan, alors jeune reporter au Viêtnam, est confronté à une réalité plus complexe que prévue. Fin 1963, Diêm et Nhu sont renversés puis exécutés, peu avant l’assassinat de Kennedy.