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Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Dossier Venezuela : Les derniers événements Lun 16 Mar - 21:04
Bonsoir mes frères & Sœurs Décidément les américains sont bien belliqueux ces derniers temps...ils ne savent où donner de la tête, Syrie, Ukraine, Irak, et j'en oublie...En même temps pour un pays qui a à son actif plus de 220 conflits et qui & été en guerre durant plus de 95 % de son existence, ce n'est pas étonnant. ici le cas qui va nous préoccuper est le Venezuela ! Où une fois de plus, ils ont tenté un coup d'état...Leur forfait échoué, Obama essaye une autre tactique en accusant et menaçant le pouvoir vénézuélien et Maduro. Mais Maduro n'est pas homme à se laisser intimider, et en digne successeur de Chavez, il sait comment s'y prendre pour ne pas laisser les yankees dicter leur conditions, a un peuple légitime qui a le droit de vivre comme ils l'entendent ! Pour développer, je vous proposes une synthèse des derniers événements qui a secouer le Venezuela...Mais qu'ils ont su relever et déjoué avec brio ! Akasha pour le LNM 2015.
Le Vénézuela « extraordinaire menace pour les Etats-Unis »
De toute manière, pour les plus grands paranoïaques (paranoïa simulée ou non) de la planète que sont les politiques et financiers américains, dès que cela ne permet pas aux États-Unis de se faire un maximum d’argent, alors c’est une menace!
En préambule d’un décret imposant un régime de sanctions (interdiction d’accès au territoire, gel des avoirs bancaires) à 7 responsables vénézueliens impliqués dans la répression violente de manifestations ayant eu lieu récemment et dirigées contre le président Maduro, Barack Obama a publié une déclaration estimant que le Venezuela était responsable «d’une inhabituelle et extraordinaire menace pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis». Le Vénézuela est ainsi assimilé à la Syrie, l’Iran ou la Birmanie, sans mentionner la Russie. Barack Obama a ajouté qu’il déclarait « l’urgence nationale pour faire face à cette menace.»
Le président Nicolas Maduro a vivement réagi à la décision américaine. «Le président Barack Obama […] a décidé de se charger personnellement de renverser mon gouvernement et d’intervenir au Venezuela pour en prendre le contrôle», a-t-il affirmé, au cours d’un discours télévisé de deux heures. En réponse, il a décidé de nommer ministre de l’Intérieur le chef des services de renseignements sanctionné par les Américains. Le plus haut responsable diplomatique à Washington a également été rappelé.
Nous avions indiqué ici, dans un article du 11 février, que tout laissait penser qu’un coup d’Etat contre le président Maduro, successeur de Hugo Chavez et aussi détesté à Washington aujourd’hui que ne l’était ce dernier de son vivant, était sans doute en préparation. Effectivement, peu après, le 13 février, le maire de Caracas, et figure de l’opposition Antonio Ledezma avait été arrêté par les services de renseignement, soupçonné d’avoir encouragé un coup d’Etat dans le pays. Nous ne pouvons évidemment nous prononcer sur ce point. Néanmoins il est connu de tous que les Etats-Unis, directement ou par personnes interposées, ont l’habitude de faire tomber les régimes qui s’opposent à eux en provoquant de tels pronunciamientos.
Il est clair que la nouvelle déclaration de Barack Obama contre le Vénézuéla, ressemblant beaucoup à une déclaration de guerre, ne pourra qu’être interprétée à Caracas et dans les autres capitales, ainsi qu’au sein du BRICS, comme préparant une intervention militaire. Ainsi pourrait disparaître un gouvernement dont le grand tort est d’être non aligné sur Washington et allié de la Russie, sans compter le fait que le Vénézuela dispose d’importantes réserves de pétrole sur lesquelles les grandes compagnies pétrolières américaines aimeraient bien mettre la main.
L’affaire ne sera pas cependant aussi facile qu’Obama semblait le penser. On apprend ce jour 12 mars que la Russie va se joindre aux manœuvres militaires défensives planifiées pour cette fin de semaine (14 et 15 mars) dans tout le Venezuela. Le ministre de la Défense, Serguéi Shoigu, a accepté l’invitation de son collègue vénézuélien, Vladimir Padrino Lopez. La Russie participera aux exercices militaires des forces de défense antiaérienne et aux manœuvres de tir de lance-roquettes multiple russe BM-30 Smerch. À ceci s’ajoutera l’escale de navires russes dans les ports du Venezuela.
L’Amérique ne pourra évidemment pas comparer cela à la crise des missiles de 1962 l’ayant opposée à Cuba et indirectement à l’URSS. Mais nous pouvons être certain que l’accusation sera lancée. Il serait pertinent alors de rappeler à Obama sa propre participation militaire, directement ou via l’Otan, en Ukraine et dans la majorité des pays frontaliers à la Russie, à des manoeuvres militaires plus qu’agressives.
Pour en savoir plus au niveau de la réponse de la Russie au Venezuela, ce petit article s’impose: Venezuela, la Russie répond à l’appel.Venezuela, la Russie répond à l’appel.
L’Amérique latine défend le Venezuela face au décret du président Obama
Après la décision du président Barack Obama, le 9 mars 2015, de décréter « l’urgence nationale aux États-Unis » face à la « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et notre politique extérieure qu’est le Venezuela » (sic), le président de Bolivie Evo Morales a demandé une réunion d’urgence de l’UNASUR (organisme regroupant la totalité des nations sud-américaines) et de la CELAC (Communauté élargie des États latino-américains et des Caraïbes) « pour nous déclarer en état d’urgence et défendre le Venezuela face à l’agression de Barack Obama. Nous allons défendre le Venezuela ». Il a souligné l’importance de l’unité des peuples face à l’Empire qui tentent de « nous diviser, pour nous dominer politiquement et nous spolier sur le plan économique ».
Le président Correa, à travers son chancelier, a exprimé son « rejet le plus ferme de la décision illégale et extra-territoriale contre le Venezuela, qui représente une attaque inacceptable pour sa souveraineté ». Il a rappelé le signal négatif que constitue la signature de ce décret par Obama, 48 heures après la visite de travail de l’UNASUR à Caracas. Cette délégation a enquêté sur la récente tentative de coup d’État contre le président Nicolas Maduro, élu en avril 2013, et a rejeté l’ingérence extérieure, demandant aux secteurs violents de l’opposition de revenir à la voie électorale.
« Comment le Venezuela menace-t-il les États-Unis ? À des milliers de kilomètres de distance, sans armes stratégiques et sans employer de ressources ni de fonctionnaires pour conspirer contre l’ordre constitutionnel étasunien ? Une telle déclaration faite dans une année d’élections législatives au Venezuela révèle la volonté d’ingérence de la politique extérieure étasunienne », a déclaré pour sa part le gouvernement cubain.
Les mouvements sociaux latino-américains se sont mobilisés en défense de la démocratie vénézuélienne. Pour Joao Pedro Stédile, de la direction nationale du Mouvement des Sans-Terre du Brésil : « Au Brésil, il y a un peuple qui est avec vous ; nous serons toujours solidaires et nous ne laisserons pas l’Empire envahir le Venezuela pour récupérer ses gisements de pétrole ».
Le mouvement social bolivien a également manifesté sa solidarité. Rodolfo Machaca, dirigeant de la Confédération syndicale des travailleurs agricoles, a condamné l’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures vénézuéliennes, et leur complicité avec les violences organisées par la droite. Selon Machaca : « La situation au Venezuela nous préoccupe, c’est pourquoi nous proclamons notre solidarité avec ce pays, mais aussi avec le président Maduro. Nous condamnons l’ingérence nord-américaine et toutes les tentatives de coup d’État ou autres manœuvres visant à la déstabilisation du Venezuela ».
Venezuela : Maduro demande des pouvoirs spéciaux en riposte aux sanctions américaines
Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a demandé mardi à l’Assemblée nationale de Caracas de lui donner des pouvoirs spéciaux pour répondre à « l’agression impérialiste » des États-Unis, en riposte aux sanctions de Washington contre de hauts responsables vénézuéliens annoncées la veille.
M. Maduro a aussi appelé la population vénézuélienne à participer aux côtés de l’armée à des exercices de défense qui seront organisés dès samedi prochain.
Dans un discours prononcé à l’Assemblée nationale, le président a demandé aux députés de lui donner « des pouvoirs suffisants pour défendre la paix, la souveraineté et le développement du Venezuela face à la menace du gouvernement des États-Unis », qu’il a qualifiée d’« aberration historique ».
« L’agression et la menace des États-Unis sont les plus graves qu’ait jamais subies le Venezuela ; il faut lui répondre par l’unité nationale », a insisté M. Maduro.
Le Président a indiqué avoir ordonné « un exercice défensif militaire spécial samedi prochain 14 mars ». « J’invite tout le peuple du Venezuela […] à soutenir les forces armées et la milice nationale dans cet exercice », a-t-il lancé.
Dès lundi soir, le président Maduro avait qualifié de « coup le plus agressif, injuste et néfaste jamais porté au Venezuela » l’annonce des sanctions de Washington, prises selon la présidence américaine en réaction à des violations des droits de l’Homme au Venezuela.
« Vous n’avez pas le droit de nous agresser et de déclarer que le Venezuela est une menace pour le peuple des États-Unis ; la menace pour le peuple américain, c’est vous », avait-il déclaré à l’adresse du président des États-Unis, Barack Obama.
Celui-ci avait qualifié lundi la situation au Venezuela de « menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis ». Il avait annoncé des gels d’avoirs et des interdictions de visas contre sept responsables vénézuéliens impliqués dans la violente répression des manifestations contre le gouvernement Maduro entre février et mai 2014.
Maduro : « Le Venezuela fait face à une très grave menace »
Le 9 mars 2015, le président Obama déclare « l’urgence nationale » face à la « menace inusuelle et extraordinaire » que ferait peser le Venezuela sur les États-Unis. Face à ces déclarations, Nicolas Maduro demande à l’Assemblée nationale vénézuélienne les pleins pouvoirs lui permettant de gouverner par décret : c’est la « loi habilitante ».
Messages : 1259 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 51 Localisation : où ça ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Mer 8 Avr - 8:04
La fille d'Hugo Chavez rend un vibrant hommage à son père.
Rosinés Chavez, la troisième fille du défunt président vénézuélien, Hugo Chavez, rend un vibrant hommage à son père pour le deuxième anniversaire de sa mort, le 5 mars 2015.
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Sam 12 Déc - 2:59
Comment la CIA fabrique des informations contre le gouvernement du Venezuela
Quand Felipe Gonzalez dit que le Venezuela vit sous un régime tyrannique, personne ne demande à l’ancien chef du gouvernement espagnol qu’il expose ses arguments qui soutiendraient un mensonge aussi éhonté. Et lui de rajouter que le Chili de Pinochet respectait plus les droits de l’homme que le Venezuela de Maduro. Par contre quiconque voudrait lui répondre se verrait obligé d’apporter milles et une preuve, lesquelles n’auraient de toute façon aucun effet contre la mauvaise foi. Le Venezuela n’est pas une démocratie jusqu’à ce que l’on démontre le contraire, c’est une tyrannie bien que cette accusation ne tienne que… « parce que tout le monde le sait« .
Pour Fernando Casado, parler de « tyrannie au Venezuela » est un parfait exemple de sound bites, des messages courts qui résument des idées complexes et dont le but est d’être injectés l’opinion publique internationale. Spécialiste en droit et communication, Casado vient de publier à Madrid un livre (1) qui reprend ses conclusions après cinq années de recherches sur le rôle des informations contre le gouvernement du Venezuela dans les médias les plus influents d’Espagne et d’Amérique latine.
Il explique le système de triangulation mis en place pour tergiverser l’information et se base sur ses interviews de plusieurs journalistes reconnus travaillant pour de grands médias, qui reconnaissent l’influence que joue la ligne éditoriale antigouvernementale dans leurs articles.
La triangulation consiste à semer des informations de la CIA dans la presse madrilène, provenant toujours de « sources confidentielles », pour ensuite les reproduire à Miami et par le biais du Groupe de Journaux d’Amérique. Ces informations sont ensuite rediffusées à Caracas par le journal El Nacional, comme s’il s’agissait de la parole divine.
Il est important de souligner ici qu’il ne s’agit pas de l’opinion de Casado ou de la mienne, mais de l’expérience vécue et racontée par des journalistes qui travaillent pour les médias impliqués. Le Groupe de Journaux d’Amérique est constitué de O Globo(Brésil), El Mercurio (Chili), La Nación (Argentine), El Tiempo (Colombie), El Comercio(Equateur et Pérou), El Universal (Mexique), El País (Uruguay) et El Nacional(Venezuela). Des journaux comme El Nuevo Herald (Miami), El Espectador (Colombie) et ABC, El Mundo et El País (Madrid) sont sur la même longueur d’onde.
Les faits que révèlent les journalistes interviewés par Casado lèvent le voile sur un supposé journalisme de qualité qui laisse en fait fort à désirer. Angelica Lagos, éditrice de la rubrique internationale du journal El Espectador, parle d’une « construction dévastatrice pour l’image du Venezuela ». Maye Primera et Clodovaldo Hernández, tous deux collaborateurs d’El País à Caracas, parlent d’un « effort pour créer une opinion publique défavorable » et d’ « une pression insupportable pour raconter les choses comme eux voulaient les voir ». Miguel Angel Bastenier : « Nous savons tous qui est notre propriétaire ; l’immense majorité de ceux qui se trouvent à l’intérieur du système ne sortent pas de ce cadre ». Angel Expósito, directeur du journal ABC : « Nous avons accès à des informations de la CIA ».
La CIA sème des infos dans la presse à Madrid
Le 6 janvier, la DEA et la CIA ont offert un petit cadeau au journal madrilène ABC. Ils ont exfiltré de Caracas le déserteur Leasmy Salazar -présenté comme un officier membre des gardes du corps d’Hugo Chavez et de Diosdado Cabello, le président de l’Assemblée Nationale- ils l’ont emmené à Madrid afin qu’il se fasse interviewer par Emili J. Blasco, correspondant à Washington du journal. Salazar lui a relaté en exclusivité les chefs d’accusation qu’il allait négocier avec le procureur aux Etats-Unis : « le Venezuela est un narco-état construit par Hugo Chavez et aujourd’hui dirigé par Diosdado Cabello ». Je n’invente pas cette histoire. Blasco la raconte lui-même dans le livre (2) qu’il a écrit à partir des révélations de Salazar, mis à sa disposition par la DEA et la CIA. Expósito [le directeur du journal ABC] a admis à Casado que l’information « provenait de la CIA » et Blasco confirme dans son ouvrage qu’il a eu accès à des rapports des services secrets. Le correspondant d’ABC est devenu la référence de base pour tous les médias qui sont disposés à utiliser l’information des services secrets des Etats-Unis préalablement blanchie par ABC.
Le livre de Blasco assure aussi que le Venezuela a mis en place un système de fraude électorale permanent grâce à l’intervention d’assesseurs cubains. Ses seules preuves sont les « accusations de témoins protégés par la Justice américaine » et des révélations de « figures du chavisme qui ont établi des contacts avec les autorités américaines mais qui préfèrent attendre encore avant de prendre la fuite ».
Le Wall Street Journal a participé à la légitimation de l’intervention de la CIA dans les médias, en l’auréolant de son prestige de Mecque du journalisme international. Pourtant, il est intéressant de lire avec attention les articles au sujet du Venezuela. En effet, le WSJ reconnaît que toute l’information utilisée provient de fonctionnaires du gouvernement des Etats-Unis et de ses services secrets. Le journal reconnaît aussi que les Etats-Unis tentent depuis dix ans de monter des affaires judiciaires liées au narcotrafic contre le gouvernement du Venezuela sans y parvenir faute de preuves indiscutables, et qu’une opération en cours consiste a provoquer des désertions de fonctionnaires et de militaires afin de leur donner le statut de témoins en échange de compensations comme un titre de séjour aux Etats-Unis. « Les services secrets américains –reconnaît le WSJ- ont accéléré le processus de recrutement de déserteurs qui offrent des informations utiles ». Des agents de ces services ont expliqué au journal que des exilés vénézuéliens les aident à contacter des fonctionnaires gouvernementaux afin de leur proposer qu’ils deviennent des déserteurs et partent se réfugier aux Etats-Unis.
« Tout le monde sait que »
Un second livre (3) récemment publié a lui aussi alimenté les accusations de supposée complicité entre Cuba et le Venezuela. Son auteur est un vénézuélien, Gustavo Azócar, conseiller électoral de l’opposition, et ses sources proviennent aussi d’informations récoltées par le journal espagnol ABC. Il réitère les accusations de Blasco, utilise les mêmes « rapports des services secrets » et a souvent recours au « tout le monde sait que« , assurant ainsi que les militaires cubains contrôlent l’Université des Forces Armées dans le cadre de la formation des officiers vénézuéliens pour réprimer les protestations populaires qui auront lieu suite à la fraude électorale lors des prochaines législatives du 6 décembre.*
The Guardian (et qui oserait prétendre qu’il s’agit d’un journal chaviste et bolivarien ?) a envoyé au Venezuela l’économiste américain Mark Weisbrot afin qu’il informe au sujet des mobilisations de l’opposition. Après deux semaines d’observation sur place, il a publié une chronique intitulée La vérité sur le Venezuela : une révolte des riches**, dans laquelle il explique que la vérité n’a pas grand-chose à voir avec celle décrite par les médias qui ont le plus d’influence auprès de l’opinion publique internationale. Weisbrot en arrive à la conclusion suivante : une stratégie insurrectionnelle de l’extrême droite vénézuélienne est en cours, avec le soutien des Etats-Unis.
Traduit par Luis Alberto Reygada pour Le Grand Soir (http://www.legrandsoir.info/)
L’auteur a été correspondant de RTVE au Mexique, en Colombie et à Cuba. Membre de la Commission Exécutive du Syndicat des Journalistes de Madrid (SPM). NOTES :
(1) Antiperiodistas. Fernando Casado. Editions Akal.
(2) Bumerán Chávez. Emili J. Blasco. Sans identification éditoriale.
(3) Disparen a matar. Gustavo Azócar. Sans identification éditoriale.
Quand Felipe Gonzalez dit que le Venezuela vit sous un régime tyrannique, personne ne demande à l’ancien chef du gouvernement espagnol qu’il expose ses arguments qui soutiendraient un mensonge aussi éhonté. Et lui de rajouter que le Chili de Pinochet respectait plus les droits de l’homme que le Venezuela de Maduro. Par contre quiconque voudrait lui répondre se verrait obligé d’apporter milles et une preuve, lesquelles n’auraient de toute façon aucun effet contre la mauvaise foi. Le Venezuela n’est pas une démocratie jusqu’à ce que l’on démontre le contraire, c’est une tyrannie bien que cette accusation ne tienne que… “parce que tout le monde le sait“.
Pour Fernando Casado, parler de “tyrannie au Venezuela” est un parfait exemple de sound bites, des messages courts qui résument des idées complexes et dont le but est d’être injectés l’opinion publique internationale. Spécialiste en droit et communication, Casado vient de publier à Madrid un livre (1) qui reprend ses conclusions après cinq années de recherches sur le rôle des informations contre le gouvernement du Venezuela dans les médias les plus influents d’Espagne et d’Amérique latine.
Il explique le système de triangulation mis en place pour tergiverser l’information et se base sur ses interviews de plusieurs journalistes reconnus travaillant pour de grands médias, qui reconnaissent l’influence que joue la ligne éditoriale antigouvernementale dans leurs articles.
La triangulation consiste à semer des informations de la CIA dans la presse madrilène, provenant toujours de “sources confidentielles”, pour ensuite les reproduire à Miami et par le biais du Groupe de Journaux d’Amérique. Ces informations sont ensuite rediffusées à Caracas par le journal El Nacional,comme s’il s’agissait de la parole divine.
Il est important de souligner ici qu’il ne s’agit pas de l’opinion de Casado ou de la mienne, mais de l’expérience vécue et racontée par des journalistes qui travaillent pour les médias impliqués. Le Groupe de Journaux d’Amérique est constitué de O Globo (Brésil), El Mercurio (Chili), La Nación(Argentine), El Tiempo (Colombie), El Comercio (Equateur et Pérou), El Universal (Mexique), El País(Uruguay) et El Nacional (Venezuela). Des journaux comme El Nuevo Herald (Miami), El Espectador(Colombie) et ABC, El Mundo et El País (Madrid) sont sur la même longeur d’onde.
Les faits que révèlent les journalistes interviewés par Casado lèvent le voile sur un supposé journalisme de qualité qui laisse en fait fort à désirer. Angelica Lagos, éditrice de la rubrique internationale du journal El Espectador, parle d’une “construction dévastatrice pour l’image du Venezuela”. Maye Primera et Clodovaldo Hernández, tous deux collaborateurs d’El País à Caracas, parlent d’un “effort pour créer une opinion publique défavorable” et d’ “une pression insupportable pour raconter les choses comme eux voulaient les voir”. Miguel Angel Bastenier : “Nous savons tous qui est notre propriétaire ; l’immense majorité de ceux qui se trouvent à l’intérieur du système ne sortent pas de ce cadre”. Angel Expósito, directeur du journal ABC : « Nous avons accès à des informations de la CIA ».
La CIA sème des infos dans la presse à Madrid
Le 6 janvier, la DEA et la CIA ont offert un petit cadeau au journal madrilène ABC. Ils ont exfiltré de Caracas le déserteur Leasmy Salazar -présenté comme un officier membre des gardes du corps d’Hugo Chavez et de Diosdado Cabello, le président de l’Assemblée Nationale- ils l’ont emmené à Madrid afin qu’il se fasse interviewer par Emili J. Blasco, correspondant à Washington du journal. Salazar lui a relaté en exclusivité les chefs d’accusation qu’il allait négocier avec le procureur aux Etats-Unis : “le Venezuela est un narco-état construit par Hugo Chavez et aujourd’hui dirigé par Diosdado Cabello”. Je n’invente pas cette histoire. Blasco la raconte lui-même dans le livre (2) qu’il a écrit à partir des révélations de Salazar, mis à sa disposition par la DEA et la CIA. Expósito [le directeur du journal ABC] a admis à Casado que l’information “provenait de la CIA” et Blasco confirme dans son ouvrage qu’il a eu accès à des rapports des services secrets. Le correspondant d’ABC est devenu la référence de base pour tous les médias qui sont disposés à utiliser l’information des services secrets des Etats-Unis préalablement blanchie par ABC.
Le livre de Blasco assure aussi que le Venezuela a mis en place un système de fraude électorale permanent grâce à l’intervention d’assesseurs cubains. Ses seules preuves sont les “accusations de témoins protégés par la Justice américaine” et des révélations de “figures du chavisme qui ont établi des contacts avec les autorités américaines mais qui préfèrent attendre encore avant de prendre la fuite”.
Le Wall Street Journal a participé à la légitimation de l’intervention de la CIA dans les médias, en l’auréolant de son prestige de Mecque du journalisme international. Pourtant, il est intéressant de lire avec attention les articles au sujet du Venezuela. En effet, le WSJ reconnaît que toute l’information utilisée provient de fonctionnaires du gouvernement des Etats-Unis et de ses services secrets. Le journal reconnaît aussi que les Etats-Unis tentent depuis dix ans de monter des affaires judiciaires liées au narcotrafic contre le gouvernement du Venezuela sans y parvenir faute de preuves indiscutables, et qu’une opération en cours consiste en provoquer des désertions de fonctionnaires et de militaires afin de leur donner le statut de témoins en échange de compensations comme un titre de séjour aux Etats-Unis. “Les services secrets américains –reconnaît le WSJ- ont accéléré le processus de recrutement de déserteurs qui offrent des informations utiles”. Des agents de ces services ont expliqué au journal que des exilés vénézuéliens les aident à contacter des fonctionnaires gouvernementaux afin de leur proposer qu’ils deviennent des déserteurs et partent se réfugier aux Etats-Unis.
« Tout le monde sait que »
Un second livre (3) récemment publié a lui aussi alimenté les accusations de supposée complicité entre Cuba et le Venezuela. Son auteur est un vénézuélien, Gustavo Azócar, conseiller électoral de l’opposition, et ses sources proviennent aussi d’informations récoltées par le journal espagnol ABC. Il réitère les accusations de Blasco, utilise les mêmes “rapports des services secrets” et a souvent recours au “tout le monde sait que“, assurant ainsi que les militaires cubains contrôlent l’Université des Forces Armées dans le cadre de la formation des officiers vénézuéliens pour réprimer les protestations populaires qui auront lieu suite à la fraude électorale lors des prochaines législatives du 6 décembre.*
The Guardian (et qui oserait prétendre qu’il s’agit d’un journal chaviste et bolivarien ?) a envoyé au Venezuela l’économiste américain Mark Weisbrot afin qu’il informe au sujet des mobilisations de l’opposition. Après deux semaines d’observation sur place, il a publié une chronique intitulée La vérité sur le Venezuela : une révolte des riches**, dans laquelle il explique que la vérité n’a pas grand-chose à voir avec celle décrite par les médias qui ont le plus d’influence auprès de l’opinion publique internationale. Weisbrot en arrive à la conclusion suivante : une stratégie insurrectionnelle de l’extrême droite vénézuélienne est en cours, avec le soutien des Etats-Unis.
José Manuel Martín Medem
L’auteur a été correspondant de RTVE au Mexique, en Colombie et à Cuba. Membre de la Commission Exécutive du Syndicat des Journalistes de Madrid (SPM).
Source : Le Grand Soir, José Manuel Martín Medem, 11-12-2015
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Texte de 2014..
La vérité sur le Venezuela : une révolte des classes aisées, pas une « campagne de terreur » (The Guardian)
La rhétorique de John Kerry est déconnectée de la réalité sur le terrain, où la vie continue – même sur les barricades.
Une manifestante pose pour la photo, sur la place Altamira à Caracas. Photo : Jorge Silva / Reuters
Les images forgent la réalité et octroient un pouvoir à télévision et aux vidéos et même aux photos qui peuvent s’enfoncer profondément dans la conscience des gens sans même qu’ils s’en rendent compte. Moi aussi j’ai pensé que j’étais à l’abri de ces représentations répétitives du Venezuela comme un état défaillant pris dans les affres d’une révolte populaire. Mais je ne m’attendais pas à ce que j’ai vu à Caracas ce mois-ci : combien peu de la vie quotidienne semble être affectée par les manifestations et combien la normalité prévalait dans la grande majorité de la ville. Moi aussi, j’avais été happé par les images des médias.
De grands médias ont déjà indiqué que les pauvres du Venezuela n’ont pas rejoint les protestations de l’opposition de droite, mais c’est un euphémisme : ce ne sont pas seulement les pauvres qui s’abstiennent – à Caracas, c’est pratiquement tout le monde à l’exception de quelques zones riches comme Altamira, où de petits groupes de manifestants se livrent à des batailles nocturnes avec les forces de sécurité, jetant des pierres et des bombes incendiaires et fuyant les gaz lacrymogènes.
En marchant dans le quartier de la classe ouvrière de Sabana Grande au centre de la ville, il n’y avait aucun signe que le Venezuela est en proie à une « crise » qui nécessite une intervention de l’Organisation des États américains (OEA), et peu importe ce que John Kerry vous raconte. Le métro fonctionnait normalement aussi, même si je n’ai pas pu descendre à la gare d’Alta Mira, où les rebelles avaient établi leur base d’opérations avant leur expulsion cette semaine.
J’ai eu mon premier aperçu des barricades à Los Palos Grandes, une zone de revenus supérieurs où les manifestants ont le soutien populaire, et où les voisins s’en prennent à ceux qui tentent de démonter les barricades – une opération risquée (au moins quatre personnes ont apparemment été abattues en tentant de le faire). Mais même ici, sur les barricades, la vie est à peu près normale, à part quelques embouteillages. Le week-end, le Parque del Este était plein de familles et de coureurs en sueur dans la chaleur étouffante – avant Chávez, on m’a raconté qu’il fallait payer pour y entrer, et les résidents ici étaient déçus quand les moins bien lotis ont été autorisés à entrer gratuitement. Le soir, les restaurants sont toujours pleins.
Voyager permet plus qu’une simple vérification de la réalité, bien sûr, et j’ai visité Caracas principalement pour recueillir des données sur l’économie. Mais je suis revenu très sceptiques quant aux récits rapportés chaque jour dans les médias et selon lesquels les pénuries croissantes de produits alimentaires de base et des biens de consommation sont une motivation sérieuse pour les manifestations. Les gens qui sont les plus incommodés par ces pénuries sont, bien sûr, les pauvres et les classes ouvrières. Mais les habitants de Los Palos Grandes et Altamira, où j’ai vu de véritables manifestations, ont des serviteurs qui font la queue pour eux et ils ont les moyens et l’espace pour faire des stocks.
Ces gens-là ne souffrent pas – ils s’en sortent très bien. Leur revenu a augmenté à un rythme constant depuis que le gouvernement Chávez a pris le contrôle de l’industrie pétrolière, il y a dix ans. Ils bénéficient même d’une mesure coûteuse pour le gouvernement : n’importe qui avec une carte de crédit (ce qui exclut les pauvres et les millions de personnes qui travaillent ) a droit à 3000 $ par an à un taux de change subventionné. Ils peuvent ensuite vendre ces dollars à 6 fois le prix qu’ils ont payé, ce qui équivaut à une subvention annuelle de plusieurs milliards de dollars pour les privilégiés – mais ce sont eux qui fournissent la base et les troupes de la rébellion.
La nature de classe de cette lutte a toujours été évidente et incontournable, aujourd’hui plus que jamais. En passant devant la foule qui s’est présentée pour les cérémonies du 5 Mars pour marquer l’anniversaire de la mort de Chávez, c’était une marée humaine de Vénézuéliens de la classe ouvrière, des dizaines de milliers d’entre eux. Il n’y avait pas de vêtements de luxe ou de chaussures à $300. Quel contraste avec les masses mécontentes de Los Palos Grandes, avec leurs Jeeps Grand Cherokee à $40 000 affichant le slogan du moment : SOS VENEZUELA.
Quand il s’agit du Venezuela, John Kerry sait de quel côté de la guerre de classe il se situe. La semaine dernière, alors que je quittais la ville, le secrétaire d’État des États-Unis a redoublé de violence dans sa rhétorique contre le gouvernement, accusant le président Nicolás Maduro de mener une « campagne de terreur contre son propre peuple ». Kerry a également menacé d’invoquer la Charte démocratique interaméricaine de l’OEA contre le Venezuela, ainsi que des sanctions.
Brandissant la Charte démocratique contre le Venezuela est un peu comme menacer Vladimir Poutine avec un vote parrainé par l’ONU sur la sécession en Crimée. Peut-être que Kerry ne l’a pas remarqué, mais quelques jours avant ses menaces, l’OEA s’est saisi d’une résolution que Washington a présenté contre le Venezuela en l’a retourné contre lui, en déclarant « la solidarité » de l’organisme régional avec le gouvernement de Maduro. Vingt-neuf pays l’ont approuvé, seuls les gouvernements de droite de Panama et le Canada se sont rangés du côté des États-Unis.
L’article 21 de la Charte démocratique de l’OEA s’applique à l’ « interruption inconstitutionnelle de l’ordre démocratique d’un Etat membre » (comme le coup d’état militaire de 2009 au Honduras que Washington a contribué à légitimer, ou le coup d’État militaire de 2002 au Venezuela, appuyé encore plus par le gouvernement des Etats-Unis). Compte tenu de son récent vote, l’OEA serait plus susceptible d’invoquer la Charte démocratique contre le gouvernement américain pour ses meurtres sans procès de citoyens américains par drones que de condamner le Venezuela.
La rhétorique de Kerry sur la « campagne de terreur » est également déconnectée de la réalité, et de façon prévisible a provoqué une réaction équivalente du ministre des Affaires étrangères du Venezuela, qui a qualifié Kerry d’ « assassin ». Voici la vérité sur ces accusations de Kerry : depuis que les manifestations au Venezuela ont commencé, il semble que plus de gens ont été tués par des manifestants que par les forces de sécurité. Selon les décès signalés par le CEPR le mois dernier, en plus de ceux tués pour avoir tenté de démonter des barricades, environ sept ont apparemment été tués par des obstacles installés par les manifestants – dont un motard décapité par un fil tendu à travers la route – et cinq officiers de la Garde nationale ont été tués.
Quant à la violence de la répression, au moins trois personnes semblent avoir été tués par la Garde nationale ou d’autres forces de sécurité – dont deux manifestants et un militant pro-gouvernemental. Certains blâment le gouvernement pour trois meurtres supplémentaires par des civils armés ; dans un pays avec une moyenne de plus de 65 homicides par jour, il est tout à fait possible de ces gens aient agi de leur propre chef.
21 membres des forces de sécurité sont en état d’arrestation pour abus, y compris pour certains des meurtres. Il n’y a pas de « campagne de terreur ».
Dans le même temps, il est difficile de trouver une dénonciation sérieuse de la violence des principaux dirigeants de l’opposition. Les sondages indiquent que les protestations sont très impopulaires au Venezuela, même si elles font beaucoup mieux à l’étranger où elles sont présentées comme des « manifestations pacifiques » par des gens comme Kerry. Les sondages indiquent également que la majorité des Vénézuéliens voient ces perturbations pour ce qu’elles sont : une tentative de renverser le gouvernement élu.
La politique intérieure de la posture de Kerry est assez simple. D’une part, vous avez le lobby de la droite cubano-américaine en Floride et leurs alliés néo-conservateurs qui réclament à cors et à cris le renversement du gouvernement. A gauche de l’extrême droite, il n’y a… rien. Cette Maison Blanche se soucie très peu de l’Amérique latine, et il n’y a pas de conséquences électorales à faire en sorte que la plupart des gouvernements du continent soient un peu plus dégoûtés de Washington.
Peut-être que Kerry pense que l’économie vénézuélienne va s’effondrer et que cela entraînera quelques Vénézuéliens pas-si-riches dans les rues contre le gouvernement. Mais la situation économique se stabilise – l’inflation a diminué en Février, et le dollar sur le marché noir a fortement baissé à l’annonce que le gouvernement mettait en place un nouveau taux de change, basé sur le marché. Les obligations souveraines du Venezuela ont eu un rendement de 11,5% entre le 11 Février (veille des manifestations) et le 13 Mars, soit le rendement les plus élevé de l’indice du marché Bloomberg en dollars des pays émergents. Les pénuries seront probablement réduites dans les semaines et mois à venir.
Evidemment, c’est justement là le problème principal de l’opposition : la prochaine élection est prévue dans 18 mois, et à ce moment, il est probable que les pénuries économiques et l’inflation qui avaient tellement augmenté au cours des 15 derniers mois auront diminué. L’opposition perdra alors probablement les élections législatives, car elle a perdu toutes les élections de ces 15 dernières années. Et la stratégie insurrectionnelle actuelle n’aide pas sa cause et semble avoir divisé l’opposition et réuni les chavistes.
Le seul endroit où l’opposition semble recueillir un large soutien est Washington.
Mark Weisbrot
Traduction« de Kiev à Caracas, les mêmes stratégies ne produisent pas forcément les mêmes résultats » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles. Source : Le Grand Soir, Mark WEISBROT, 26-03- 2014 ==================================================== Pourquoi la victoire de la droite n’a-t-elle déclenché aucune liesse dans les rues ?
VENEZUELA : PAYSAGE AVANT LA BATAILLE Thierry DERONNE – 10/12/2015
Avec l’élection de deux tiers de députés de droite vient de se répéter le scénario médiatique qui accompagna la défaite électorale des sandinistes au Nicaragua en 1990. Le pays semble rentrer dans l’ordre néo-libéral, on reconnaît que la « dictature » est une démocratie, on félicite les perdants pour leur reconnaissance immédiate des résultats.
Mais pourquoi Caracas, au lendemain du scrutin, était-elle si triste ? Pourquoi une telle victoire n’a-t-elle déclenché la moindre liesse dans le métro, dans les rues ? Comment comprendre la mobilisation de collectifs populaires, ou que les syndicats se déclarent en « état d’urgence », alors qu’il y a trois jours une partie de même cette base populaire ne s’est pas mobilisée en faveur des députés bolivariens ?
Dès l’élection de Chavez en décembre 1998, nombre d’institutions révolutionnaires se sont peuplées du « chiripero » – surnom donné à la masse d’employé(e) qui troquèrent en 24 heures la casquette du populisme des années 90 pour une chemise rouge (alors que souvent les révolutionnaires authentiques étaient écartés). L’angoissante guerre économique a rendu insupportables la corruption et la surdité de ce secteur de fonctionnaires face à l’exigence d’une protection forte, d’un État plus efficace, plus participatif, travaillant à écouter les citoyen(ne)s.
Parallèlement, le « changement » promis par la droite a été interprété comme la fin de la guerre économique : les rayons des magasins se rempliraient de nouveau, les files disparaîtraient avec le retour du secteur privé au pouvoir. Or les leaders de l’opposition ont d’ores et déjà annoncé qu’il ne sera pas possible de régler le « problème économique » à court terme et que la priorité sera d’appliquer un programme visant à « modifier » les lois et acquis sociaux. Fedecámaras, organisation des commerçants et des chefs d’entreprises du secteur privé, demande à l’assemblée nationale d’annuler la Loi du Travail (1).
En ligne de mire : les hausses de salaire, la protection des travailleurs contre les licenciements, les conditions trop favorables des congés de maternité, la réduction de la durée du travail, les samedis libres, le paiement des heures sup, les bons d’alimentation. Les syndicats annoncent déjà des mobilisations de rue, réclament la nationalisation de la banque. Menacée et traitée de « cloaque » par le leader de l’opposition Ramos Allup, la chaîne parlementaire ANTV vient d’être remise intégralement à ses travailleurs par le gouvernement, et le président Maduro décrètera une loi pour protéger les travailleurs du service public, en étendant l’interdiction de licenciement de 2016 à 2018. La droite – elle ne s’en cache pas – veut revenir sur la plupart des acquis de la révolution (loi de contrôle des prix, loi des semences anti-OGM, loi de la réforme agraire, de protection des locataires, éducation gratuite, santé gratuite, construction de logements publics, pensions…), organiser avec les États-Unis la privatisation du pétrole et des autres ressources du pays, annuler les accords de coopération énergétique avec les pays plus pauvres des Caraïbes et de tout autre accord qui défie la vision unipolaire de Washington (PetroCaribe, ALBA, etc..), etc… Elle annonce aussi une « amnistie » pour les militants et le leader de “l’Aube Dorée” locale Leopoldo Lopez, organisateurs de violences meurtrières – celles de 2013 ont fait 43 morts, la plupart dans le camp bolivarien, et six membres des forces de l’ordre tués par balles. Ce sont eux que les médias internationaux appellent des “prisonniers d’opinion” au motif qu’ils appartiennent à l’extrême droite. Pour réaliser tout cela au plus vite, la droite cherchera, dans les mois qui viennent, à destituer le président bolivarien par un coup parlementaire comme celui subi par Fernando Lugo au Paraguay.
Faire la révolution n’est pas simple.
On voit la difficulté de construire une révolution socialiste sans démocratiser la propriété des médias, sans s’émanciper de cette prison culturelle de consommation massive, d’invisibilisation du travail, de fragmentation du monde, de passivité du spectateur. Le récent « rapport sur l’imaginaire et la consommation culturelle des vénézuéliens » réalisé par le ministère de la culture est en ce sens une excellente analyse politique. Il montre que la télévision reste le média préféré et que la majorité associe le Venezuela à l’image de Venevision ou Televen : « jolis paysages/jolies femmes ». Comment mettre en place une production communale à grande échelle, sans la corréler avec un imaginaire nouveau où la terre n’est plus la périphérie de la ville mais le centre et la source de la vie, de la souveraineté alimentaire ? Comment transformer des médias en espaces d’articulation et d’action populaire, de critique, de participation, si le paradigme anglo-saxon de la communication sociale (« vendre un message à un client-cible ») reste la norme ?
En conclusion
Une immense bataille commence, et deux issues sont possibles : soit un repli du camp bolivarien, avec répression des résistances sociales (l’histoire répressive (2) et les liens de la droite vénézuélienne avec le paramilitarisme colombien et la CIA sont bien documentés (3) ), vague de privatisations, retour à l’exploitation et à la misère des années 90, et silence des médias internationaux – comme lors du retour des néo-libéraux au Nicaragua de 1990 à 2006.
Soit les politiques de la droite serviront de fouet à la remobilisation populaire que Nicolas Maduro a appelée de ses vœux en provoquant la démission du gouvernement et en organisant une réunion avec les mouvements sociaux et le Parti Socialiste Uni (PSUV). Malgré l’usure de 16 ans de pouvoir et ces deux dernières années de guerre économique, la révolution bolivarienne conserve un socle remarquable de 42 % des suffrages. Même si les deux tiers des sièges parlementaires donnent à la droite une grande marge d’action, le chavisme dispose pour l’heure du gouvernement et de la présidence, de la majorité des régions et des mairies, et de l’appui d’un réseau citoyen – conseils communaux, communes, mouvements sociaux. Si le président réussit à repartir rapidement sur des bases nouvelles, sans diluer ses décisions dans une négociation interne entre groupes de pouvoir, si toutes ces énergies de transformation se reconnectent et agissent en profondeur, la leçon aura été salutaire.
Thierry Deronne, Caracas, 9 décembre 2015
Notes :
(1) Lire « La nouvelle loi du travail au Venezuela »,https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travai…
(2) Lire « la jeunesse d’aujourd’hui ne sait rien de ce qui s’est passé il y a trente ou quarante ans »https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/19/la-jeunesse-daujourdhu… et « comment la plupart des journalistes occidentaux ont cessé d’appuyer la démocratie en Amérique Latine »https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/16/comment-la-plupart-des…
(3) Lire « Venezuela : la presse française lâchée par sa source ? »https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/08/04/venezuela-la-presse-fr…
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Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Dim 24 Jan - 4:01
Résistance chaviste à la renaissance du néoliberalisme
"De l'or, de l'or, de l'or, j'achète or, argent, dollars...." Autour du Parlement, la cantilène des contrebandiers accompagne passants et touristes:ils proposent d'échanger de l'argent au marché noir, en affichant les barèmes imposés par le site de Miami Dolar Today.Un dollar peut s'échanger jusqu'à 900 bolivars.C'est à ce taux de change , et pas à celui officiel (un dollar pour 2,15 bolivars)que l'on échange dans une grande partie des magasins, en dépit de la loi sur "le prix juste", qui interdit un gain de plus de 30% par rapport au coût de production.Pas très loin, un très bon restaurant , équilibré et biologique,subventionné par le gouvernement offre par contre un menu à moins de 500 bolivars.
Voilà deux aspects d’un pays traversé de contradictions et d’innovations. Le Chavisme résistera-t-il à l’ondée néoliberale promise par les droites qui le 5 janvier doivent prendre le contrôle du Parlement ?Pour annoncer ce tsunami, il a fallu une vieille figure de la socialdémocratie, Ramos Allup, dirigeant du Parti d’Action Démocratique (AD).L’alliance qui a battu le Chavisme aux législatives du 6 décembre(114 députés contre 55), rassemble dans la Table de l’Unité (MUS) 18 partis de diverse extraction, de l’extrême droite à des résidus trostskistes.Leurs différents leaders sont déjà en train de se disputer pour des places, mais ce qui les rassemble c’est leur intention ferme de faire table rase de 17 années de conquètes sociales, pour répondre rapidement à leurs financeurs internationaux.La défaite du Chavisme (la seconde en 20 élections) produira-t-elle une restauration semblable à celle qui a vu le Nicaragua faire naufrage après la défaite électorale du sandinisme ?
"L’Esquina caliente" (le bouillant coin de rue), siège permanent d’un collectif historique, accueille des débats quotidiens, la place Bolivar est pleine tous les jours.Mouvements et Associations catégorielles se réunissent en différents points de la ville, des manifestations spontanées se forment devant Miraflores pour demander à Maduro "de ne pas lâcher". Les droites ont déjà réclamé l’abdication du Président et "de nouvelles élections avant un mois", sans attendre le référendum révocatoire, possible dès la mi -2016.
Hier la MUD a présenté à la presse son programme : un corpus de lois basées sur le modéle néolibéral des démocraties européennes : forte greffe du secteur privé dans le public, liquidation des programmes sociaux et retour au système de gestion de la IV° République.C’est contre les résistances et l’inefficience de ceux qui se sont incrustés dans les privilèges des fonctionnaires, que se mobilise parallèlement le "pouvoir populaire" : les Conseils présidentiels (cercles de discussion directs avec la Présidence, décidés par Maduro l’an dernier), s’activent pour organiser des Assemblées, élaborent des propositions à présenter à Miraflores lundi prochain.Hier Maduro a reçu des comités de pêcheurs, de paysans, de retraités, de féministes et LGBT dans son émission hebdomadaire, qui s’est passée à Miraflores. Avec ces femmes et ces délégués de la diversité sexuelle il a pris des engagements précis et il a prononcé des serments symboliques.
La droite prend l’Assemblée ?Le Venezuela se démarque du municipalisme, en renforçant le "pouvoir populaire".Lors de sa dernière séance ordinaire, la majorité chaviste en déclin a installé la première session du Parlement communal national.En même temps une enquête est menée sur la forte incidence des bulletins nuls, au moment où le pétrole chute pour la première fois à 29 dollars le baril. Un encouragement -a dit Maduro- pour construire"la nouvelle économie productive", basée sur le gouvernement des Communautés.Les résultats électoraux indiquent que le PSUV reste le parti qui recueille le plus de votes dans le pays, avec plus de vingt points d’avance sur le premier parti en tête de l’opposition, la formation de Centre -droit Primero Justicia.
Malgré sa majorité des deux tiers au Parlement, la droite ne pourra pas faire ce qu’elle veut:la constitution, basée sur un équilibre des pouvoirs qui servent de contre poids, ne le lui permet pas. Un groupe de constitutionnalistes l’a expliqué hier lors d’une conférence très suivie au Théâtre de Place Bolivar, qui a dû laisser à l’extérieur une foule de personnes.Une grande partie des gens malgré tout, dénonce les étroitesses, le bureaucratisme et la perte des idéaux. Quelle est l’emprise réelle du chavisme ? Nous avons participé à de nombreuses assemblées nationales, et rassemblé analyses et propositions. Les travailleurs de la chaîne radio-télé de l’Assemblée ont discuté à fond la décision du parlement, qui a remis l’émetteur entre leurs mains suite à la menace de Ramos Allup de les licencier tous : l’autogestion est un avantage, mais aussi un risque de saut dans le vide , disent certains. N’aurait-il pas été mieux de rester une entreprise d’état en attendant qu’elle affiche son nouveau visage féroce, et tenter de résister ensuite ?Mais le noyau agissant des travailleurs met en lumière que le parasitisme étatique est un des éléments de la désaffection et il entend bien réagir à la "gifle salutaire" (c’est ainsi que Maduro a qualifié ce revers électoral).
A la station Cité Universitaire, sur la ligne de métro qui nous conduit à l’Ecole de Planification, monte une jeune personne.Elle écoute le dialogue entre deux femmes qui discutent à voix basse.Elle sourit. "On respire déjà un air nouveau-dit-elle- vous ne trouvez pas ?" " Tu verras combien te fera sourire cet air nouveau", lui répond une des deux femmes, dont le sentiment politique avait été évidemment deviné par la jeune personne.Une autre passagère aux habits élimés acquiesce : sa gamine tient en main un portable de dernière génération, la Canaimita, distribuée gratuitement dans les écoles par le gouvernement.Un des hémicycles bondés de l’Ecole de planification accueille des délégués provenant de tout le pays.Ici aussi, de nombreux universitaires se servent des tablettes gratuites distribuées par le gouvernement." Un étourdissement a paralysé beaucoup de jeunes, ils ont oublié l’histoire - dit un jeune de dix-neuf ans qui étudie les relations internationales à l’Université bolivarienne.
Avant l’ère Chavez ma famille n’aurait pas pu envoyer ses enfants à l’Université.Mes amis chiliens, européens le savent bien, et maintenant, il nous faut nous défendre contre ceux qui veulent tout nous reprendre".Dans les premiers rangs il y a de nombreuses organisations de "gens à activité réduite" : des personnes au visage détruit, non voyants et des groupes sur chariots roulants."Regardez-nous- crie un délégué de l’état de Vargas en couvrant de sa voie l’intensité de la musique- ici il y a des personnes qui, avant le socialisme étaient maintenues cachées ou enterrées dans des instituts.Aujourd’hui nous ne sommes plus porteurs de handicap, mais de projets, et nous ne sommes pas prêts à lâcher prise..."Un délégué de la santé de l’état de Vargas ajoute :"les cliniques privées spéculent et les grandes entreprises pharmaceutiques accaparent les médicaments en jouant sur la vie des personnes. Nous, nous soutenons un système de santé publique, gratuit et intégral, avec l’aide des médecins cubains.Nous porterons des propositions à Miraflores pour un meilleur contrôle social sur le système privé".Une déléguée intervient pour les Communautés : dans tout le pays on en a déjà enregistré plus de 1300.Ce sont des structures economico-sociales composées par les Conseils communaux et dotées d’un Parlement propre d’où démarre le nouveau modéle productif construit sur le mutualisme.C’est une architecture -explique la déléguée- qui vise à ébranler l’actuelle structure de l’Etat, c’est pour cela qu’elle rencontre l’opposition des maires et des gouverneurs, fussent-ils chavistes, qui voient se profiler à l’horizon la perte de leur fonction".
Maduro a décidé le retour dans les rangs, de tous les militaires qui assumaient des fonctions administratives.A Miraflores les représentants des Milices populaires aussi porteront leurs propositions.Un corps de volontaires -explique une sexagénaire en uniforme qui aide les forces armées pour la "défense intégrale" de la population."Tous les samedis-dit-elle- nous nous entraînons dans les casernes.Le 6 décembre moi j’étais de service aux bureaux de vote de Baruta, un quartier de droite.Nous sommes plusieurs à avoir noté que la stratégie du bulletin nul a été téléguidée.Dans les files d’attente et dans les bureaux, les droites avaient un plan bien orchestré.Maintenant elles agissent pour diviser les forces armées et abolir les Milices populaires.Mais elles ne réussiront pas à détruire l’union civico-militaire".Une fille avec turban et guitare arrive." Ce processus est a software libre et non copyright"(logiciel libre mais non copiable) -dit en souriant cette jeune chanteuse compositrice, qui pour ses textes s’inspire des cultures ancestrales".Le vote indigène a-t-il trahi le chavisme ? "il ne faut pas faire des lectures superficielles-répond-elle- les populations indigènes vivent selon leurs critères propres.Alors que nous, nous leur expliquons les règles du socialisme, elles, elles vivent dans le communisme."
Cet article a été publié par le New York Times en espagnol le 8 juillet 2016, dans le cadre d’un débat présentant deux visions sur la position des Etats-Unis par rapport à la situation au Venezuela. Cet article de Mark Weisbrot était suivi du texte de Ricardo Hausmann (professeur en développement économique et directeur du Centre pour le Développement International de la Faculté Kennedy de Harvard) intitulé “Le Venezuela a besoin de l’aide internationale pour se relever”.
La meilleure chose que pourrait faire le gouvernement des Etats-Unis par rapport à ce qui se passe au Venezuela serait de ne plus intervenir, et ce indépendamment des résultats politiques.
Lors de ces 15 dernières années, Washington a occasionné de gros dégâts au Venezuela avec sa stratégie acharnée de “changement de régime”. Le mois de mars dernier, le président Obama a déclaré une nouvelle fois, de façon irrationnelle, que le Venezuela représentait une “menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis”, élargissant les sanctions économiques contre ce pays.
Même si ces sanctions ont une portée limitée, leurs conséquences sont importantes au niveau des prises de décisions pour les investissements, car les investisseurs savent très bien ce qui arrive habituellement aux pays qui sont dans la ligne de mire de Washington en tant que ” menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis”. Les sanctions, tout comme la pression provenant du gouvernement étatsunien, ont provoqué le refus de la part d’importantes institutions financières de prêts au gouvernement vénézuélien, alors qu’ils auraient été considérés comme peu risqués dans d’autres circonstances puisque garantis en or.
Washington était impliqué dans le coup d’Etat de 2002 contre le gouvernement élu du Venezuela. Le Gouvernement des Etats-Unis a reconnu avoir fourni “l’entraînement, des installations institutionnelles et d’autres moyens de soutien à des personnes et organisations” qui ont participé au coup d’Etat. Par al suite, il a augmenté le financement de groupes de l’opposition et continue aujourd’hui de leur attribuer des millions de dollars.
En 2013, Washington s’est de nouveau retrouvé isolé au niveau régional et mondial, en refusant de reconnaître les résultats des élections présidentielles (alors même qu’il n’y avait pas eu de doute quand au déroulement du processus électoral), et a soutenu les manifestants violents qui voulaient faire tomber le gouvernement. Washington a aussi soutenu politiquement des tentatives similaires en 2014.
Tout cela esttrès bien documenté et les journalistes qui couvrent le Venezuela en ont été informés, néanmoins il n’est pas aisé d’en trouver un parmi les médias les plus importants qui ait le courage d’écrire à ce sujet. Comme si l’on voulait informer au sujet de la situation en Ukraine sans jamais mentionner la Russie.
En effet, l’intervention des Etats-Unis au Venezuela, comme celle d’autres pays, a contribué a la polarisation politique et à alimenter un conflit qui dure depuis des années, en encourageant de diverses façons certains éléments de l’opposition à chercher une stratégie de changement de régime, laissant de côté la voie d’un changement politique pacifique.
Mettre en place une politique de non-intervention au Venezuela serait un changement énorme pour Washington, et constituerait un précédent salutaire. Après tout, le monde est déjà inondé de sang et de réfugiés à cause de la volonté des Etats-Unis de provoquer des “changements de régime” en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et dans d’autres pays. Pourquoi ne pas essayer une autre méthode en Occident ?
Mark Weisbrot – Center for Economic and Policy Research
Traduction pour Le Grand Soir par Luis Alberto Reygada (Twitter : @la_reygada).
Mark Weisbrot est co-directeur du Centre de Recherches en Economie et Politique (Center for Economic and Policy Research, CEPR), basé à Washington, Etats-Unis ; il préside aussi l’organisation Just Foreign Policy. Il est l’auteur du livre “Echec. Ce que les ‘experts’ n’ont pas compris au sujet de l’économie globale” (Akal, Madrid, 2016).
Le CEPR est un centre de recherches indépendant et non partidiste, créé pour promouvoir le débat démocratique sur les sujets économiques et sociaux les plus importants qui affectent la population mondiale.
Une cour symbolique composée de spécialistes du monde entier – dont la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen – a écarté, à l’unanimité, le crime de responsabilité de la présidente brésilienne. Elle en conclut que la procédurede destitution est à ce titre illégale.
Le tribunal a rendu sa sentence. Mercredi, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a été innocentée à l’unanimité par le tribunal international pour la démocratie, chargé de juger les modalités de la procédure de destitution, ouverte au Sénat pour maquillage présumé du déficit public en 2014, année de sa réélection. Installée à Rio de Janeiro, au Teatro Casa Grande, lieu historique de la résistance à la dictature, l’instance a été convoquée à l’initiative de Via Campesina, des Juristes pour la démocratie et du Front Brésil populaire, qui regroupe les mouvements syndicaux et politiques de gauche. Avocate et professeure de droit civil à la faculté de droit de Rio de Janeiro, Caroline Proner a expliqué que l’objectif était de mettre en débat l’ensemble des arguments et a insisté sur « la transparence » de la procédure menée par des personnalités internationalement reconnues. Lors de ce procès symbolique, ces spécialistes venus du Mexique, de France, d’Italie, d’Espagne, du Costa Rica et des États-Unis ont conclu que la procédure d’impeachment viole la Constitution brésilienne, la Convention interaméricaine des droits de l’homme et le Pacte international des droits civiques et politiques. Inspirée du tribunal Russell qui jugea les crimes de guerre américains durant la guerre du Vietnam, cette cour a été chargée de se documenter et de juger les différents aspects de la procédure brésilienne.
La procédure de destitution, « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques »
Si l’expertise indépendante commandée par le Sénat a également mis en évidence l’absence de crime de responsabilité commis par Dilma Rousseff, les sénateurs, fidèles au gouvernement intérimaire du libéral Michel Temer, pourraient pourtant condamner la présidente progressiste fin août. Selon le tribunal international, en l’absence de crime de responsabilité, la procédure de destitution s’apparente à « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques et les conservateurs pour renverser le gouvernement légalement élu ». Caroline Proner dénonce « le nouveau type de coup d’État parlementaire qui revêt les atours de la légalité ». Membre du jury, l’artiste argentin et Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel a comparé la procédure en cours aux coups d’État de 2009 et 2012 contre les présidents du Honduras, José Manuel Zelaya, et du Paraguay, Fernando Lugo. En avril, alors qu’il s’adressait aux sénateurs brésiliens, Adolfo Pérez Esquivel a lancé : « Les intérêts du peuple du Brésil et de toute l’Amérique latine devraient être placés au-dessus des intérêts partisans des élites. » Lors de son allocution, Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne (Groupe communiste, républicain et citoyen), a dénoncé « le procès politique dont la droite et la grande bourgeoisie, qui n’ont jamais supporté que 48 millions de Brésiliens sortent de la pauvreté, s’étaient fait les instigateurs afin de maintenir leurs privilèges. Cette grande bourgeoisie d’hommes blancs aisés et d’âge mûr n’est pas à l’image de la société. C’est une politique raciste et misogyne qui revient sur le devant de la scène ». En atteste les premières réformes politiques édictées par le gouvernement intérimaire de Michel Temer. L’avocate Tania Oliveira égrène : « Le retour de la privatisation rampante, le démantèlement du Code du travail, l’augmentation du temps de travail, la réduction des dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, la discrimination envers les femmes, les Noirs, les Indiens et tout représentant des minorités et l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale. » Laurence Cohen a été reçue jeudi avec les autres jurés par Dilma Rousseff afin d’exposer la décision du tribunal.
Source : Le Grand Soir, Lina Sankari, 23/07/2016
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Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Mar 10 Jan - 0:29
« Les 10 victoires du Président Nicolás Maduro en 2016 », par Ignacio Ramonet
Début 2016, tout semblait bien complexe pour les autorités de Caracas. Et cela principalement pour trois raisons : 1) L’opposition néolibérale avait remporté les élections législatives de décembre 2015 et contrôlait désormais l’Assemblée Nationale ; 2) La chute des prix du pétrole, la principale ressource du Venezuela, avait atteint son plus bas niveau dans les dernières décennies ; 3) Le président des Etat Unis, Barack Obama, avait signé un Ordre exécutif déclarant le Venezuela une « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et pour la politique extérieure des Etats-Unis » C’est-à-dire, dans trois domaines décisifs – politique, économique et géopolitique – la Révolution bolivarienne semblait à la défensive. Tandis que la contrerévolution, autant intérieure qu’extérieure, pensait avoir enfin le pouvoir à portée de la main.
Le tout dans un contexte de guerre médiatique de longue durée contre Caracas, commencée avec l’arrivée à la Présidence d’Hugo Chávez en 1999, qui s’est intensifiée en avril 2013 et a atteint des niveaux inouïs de violence depuis l’élection du Président Nicolás Maduro.
Ce climat d’harcèlement médiatique agressif et permanent a produit une désinformation insidieuse sur le Venezuela, semant la confusion même chez de nombreux amis de la Révolution bolivarienne. En particulier car dans cette ère de la « post-vérité », la pratique du mensonge, de la fraude intellectuelle et de la tromperie manifeste n’est sanctionnée par aucune conséquence négative, ni sur la crédibilité, ni sur l’image.
Tout vaut, tout sert dans cette « ère du relativisme post-factuel », et même les faits ou les données les plus objectifs ne sont pas pris en considération. Même l’argument – si évident pour le Venezuela – du complot, de la conjuration, de la conspiration, n’est pas accepté. Le nouveau discours médiatique dominant dénonce et ridiculise d’avance « le prétendu complotisme » comme un argument inacceptable de « récits à l’ancienne », non recevable…
Tout, donc, au début de l’année 2016, semblait difficile pour le Président vénézuélien. A un point tel que le bancal opposant néolibéral Henry Ramos Allup, enivré pas sa majorité parlementaire, a osé assurer en janvier 2016, dans son premier discours comme Président de l’Assemblée Nationale, que « dans un délai de mois de six mois » il chasserait Nicolás Maduro du pouvoir. En s’inspirant sans doute du coup d’Etat institutionnel contre la Présidente Dilma Rousef, au Brésil, et misant sur la victoire dans un éventuel référendum révocatoire.
Ainsi allaient les choses quand le Président Maduro, dans une séquence magistrale que personne n’a vu venir dans le jeu d’échecs qui se déroulait – et conformément à la Constitution – a surpris tout le monde. Il a renouvelé, comme il en avait le droit, les membres du Tribunal Suprême de Justice (TSJ), instance supérieure du pouvoir judiciaire, dont la Salle Constitutionnelle a le dernier mot en matière d’interprétation de la Constitution.
L’opposition, imbue de sa superbe, a commis alors deux erreurs majeures :
1) Elle a décidé d’ignorer les avertissements du TSJ et a admis en séance trois députés de l’état d’Amazonas dont l’élection en décembre 2015 était l’objet de suspension pour irrégularités. Devant cet affront, le TSJ a évidemment proclamé la non validité des décisions de l’Assemblée Nationale en raison de la présence en séance de trois députés « non élus régulièrement » . En fait, le TSJ a déclaré l’Assemblée en désobéissance (desacato) et en conséquence, a décidé que « toutes ses décisions seraient considérées nulles». Ainsi, par ses propres erreurs, l’Assemblée non seulement n’a pas réussi à légiférer ni à contrôler le Gouvernement, mais bien au contraire, comme l’ont reconnu des spécialistes renommés en droit constitutionnel, elle s’est annulée elle-même, a dilapidé son pouvoir est s’est auto-dissoute. Cela a été la première grande victoire de Nicolás Maduro en 2016.
2) Dans son obsession de renverser le Président, l’opposition anti-chaviste a également décidé d’ignorer ce que stipule la loi (article 72 de la Constitution) sur les étapes indispensables et les exigences juridiques pour la tenue d’un référendum révocatoire en 2016. L’opposition a également connu un important échec sur ce point. Et ce fut une autre grande victoire de Nicolás Maduro.
Malgré cela, vers mars-avril 2016, tout est devenu de plus en plus complexe. Car aux offensives habituelles des forces hostiles à la révolution bolivarienne est venue s’ajouter une sécheresse impressionnante, la deuxième en importance depuis 1950, et une canicule, résultat du phénomène El Niño. Or au Venezuela 70% de l’énergie provient des centrales hydroélectriques, dont la principale dépend du barrage El Guri. Et avec l’absence de pluies, les niveaux de ce barrage ont diminué jusqu’à atteindre presque le niveau minimum.
La contre-révolution a tenté de profiter de ces circonstances pour multiplier les sabotages électriques, cherchant à créer un chaos énergétique, la colère sociale et des manifestations. Le danger a été grand, car au problème électrique s’ajoutait le manque d’eau potable, conséquence de la sécheresse persistante, ….
Mais une fois de plus le Président Maduro a réagi rapidement en prenant des mesures radicales : il a décidé le remplacement de millions d’ampoules à incandescence par des ampoules à faible consommation d’énergie ; il a ordonné le remplacement des vieux climatiseurs par d’autres moins gourmands en énergie ; il a décrété la demi journée de travail dans l’administration publique et mis en œuvre un plan national spécial de consommation d’électricité et d’eau.
Grâce à ces mesures audacieuses, le Président a réussi à éviter l’effondrement énergétique. Et obtenu une de ses victoires les plus populaires de l’année 2016. Un autre des problèmes importants que le Gouvernement a du affronter (peut-être le plus grave) – conséquence en partie de la guerre économique contre la révolution bolivarienne – est l’approvisionnement alimentaire. Il faut rappeler qu’avant 1999, 65% des vénézuéliens vivaient en situation de pauvreté et seulement 35% pouvaient bénéficier d’une bonne qualité de vie. C’est-à-dire, sur 10 vénézuéliens, seulement 3 mangeaient régulièrement de la viande, du poulet, du café, du maïs, du lait, du sucre… Tandis que pendant les 17 dernières années la consommation alimentaire (grâce à l’investissement social massif de la Révolution) a augmenté de 80%.
Ce changement structurel explique par lui-même pourquoi subitement la production nationale d’aliments, bien plus importante qu’on ne le croit, est devenue insuffisante.
Avec l’augmentation massive de la demande, la spéculation a explosé. Devant une offre structurellement limitée, les prix se sont envolés vertigineusement. Et le phénomène du marché noir ou « bachaqueo » s’est propagé : acheter les produits subventionnés par le Gouvernement à des prix inférieurs à ceux du marché pour les revendre à des prix supérieurs à ceux du marché. Ou les « exporter » massivement aux pays voisins (Colombie, Brésil) pour les revendre au double ou au triple du prix subventionné. Ainsi le Venezuela se « vidait » de ses dollars – de moins en moins nombreux en raison de l’effondrement des prix du pétrole – pour nourrir les « vampires » qui dépouillent les plus humbles des produits de base pour s’enrichir de façon spectaculaire.
Une telle immoralité ne pouvait continuer. Une fois de plus, le Président Maduro agit avec fermeté. D’abord – très important – il a changé la philosophie de l’aide sociale. Et il a rectifié une erreur majeure commise par le Venezuela depuis des décennies. Il a décidé que l’Etat, au lieu de subventionner les produits, devait subventionner les personnes. Pour que seulement les pauvres, ceux qui en ont réellement besoin, puissent avoir accès aux produits subventionnés par le Gouvernement. Pour tous les autres, les prix des produits sont les prix justes fixés par le marché. Ce qui évite la spéculation et le bachaqueo.
Et la deuxième mesure décisive: le Président a annoncé que désormais le Gouvernement orienterait tous ses efforts vers le changement du modèle économique du pays, passant d’un « modèle rentier » à un « modèle productif ». Et le Président a défini ce qu’il appela les « quinze moteurs » pour dynamiser l’activité économique tant du secteur privé que du secteur publique et de l’économie communale.
Ces deux décisions essentielles ont convergé dans une création originale, imaginée par le Président Maduro: les CLAP (Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production) qui constituent une nouvelle forme d’organisation populaire. Foyer après foyer, les représentants des communautés organisées remettent des sacs pleins d’aliments à un prix régulé. Beaucoup de ces aliments viennent d’ailleurs de la nouvelle production nationale. Les CLAP devraient approvisionner pendant les prochains mois de 2017 environ quatre millions de familles à revenus modestes. Garantissant ainsi l’alimentation du peuple. Et signant donc une nouvelle grande victoire du Président Maduro.
Une autre victoire non moins importante en cette difficile année 2016 est le taux record des investissements sociaux, qui représentent 71,4% du budget national. C’est un record mondial. Aucun autre Etat au monde ne consacre presque les trois quarts de son budget à l’investissement social.
En matière de santé, par exemple, le nombre d’hôpitaux a été multiplié par 3,5 depuis 1999. Et le montant des investissements dans un nouveau modèle humain de santé publique a été multiplié par dix.
Dans le cadre de la Misión Barrio Adentro, dont l’objectif est l’accès aux soins des malades des zones urbaines les plus modestes du pays, ont eu lieu presque 800 millions de consultations et on a sauvé la vie de presque 1.400.000 personnes. Les facultés de médecine ont formé 27.000 médecins et 30.000 autres doivent obtenir leur diplôme en 2017. Huit états du Venezuela sont couverts à 100% par la Mission Barrio Adentro, alors que l’objectif fixé était de six états.
Une autre victoire sociale fondamentale, non mentionnée par les grands média dominants, concerne les retraites. Avant la révolution, seulement 19% des personnes en âge d’être retraitées recevaient une pension, le reste subsistait souvent dans la misère ou à la charge de leur famille. En 2016, 90% des personnes en âge d’être retraités reçoivent une pension, et cela même s’ils n’ont pas pu cotiser à la Sécurité Sociale pendant leur vie active. Un record en Amérique du Sud.
Une autre victoire spectaculaire – une fois de plus non mentionnée par les média dominants- est celle de la Misión Vivienda, dont le but est de construire des logements sociaux à prix régulé pour les familles les plus modestes.
En 2016, cette Mission a remis 359.000 logements (à titre de comparaison, un pays développé comme la France a construit à peine 109.000 logements sociaux en 2015). Il faut y ajouter les 335.000 logements rénovés dans le cadre de la belle Misión Barrio Nuevo, Barrio Tricolor. Mission qui a reçu les éloges du génie de l’architecture Frank Gehry, créateur du Musée Guggenheim de Bilbao et du Musée Louis Vuitton à Paris, qui a affirmé vouloir y participer. Nous parlons donc de presque 700.000 logements sociaux en 2016. Un chiffre sans équivalent dans le monde.
Depuis le début de son mandat, en 2013, le Président Maduro a déjà remis à des familles modestes presque un million et demi de logements. Un record mondial passé sous silence par des média hostiles à la Révolution bolivarienne. Et que même ses amis négligent parfois de mentionner. Pour finir, rappelons quelques unes des victoires éclatantes obtenues dans le domaine géopolitique. Par exemple, avoir empêché l’Organisation des Etats Américains (OEA), contrôlée par Washington, de condamner le Venezuela, comme le voulait le Secrétaire général de l’Organisation, Luis Almagro, en invoquant la Charte Démocratique contre le Venezuela.
Ou le succès du 27ème Sommet du Mouvement des Pays Non Alignés (MNOAL), qui s’est tenu en septembre 2016 au Centre de Conventiond Hugo Chávez, dans l’île de Margarita, en présence de nombreux Chefs d’Etat et de Gouvernement et de représentants de cent vingt pays qui ont manifesté leur solidarité avec le Venezuela.
Mais la principale victoire du Président Maduro en ce domaine a été la réussite inouïe de l’accord entre les Pays OPEP et NON OPEP pour une réduction concertée des exportations de pétrole, fruits de nombreux voyages du Président en quête de cet objectif. Cet accord historique, signé en novembre 2016, a immédiatement freiné la chute du prix des hydrocarbures, qui s’effondrait depuis le milieu de l’année 2014, quand le prix dépassait 100 dollars le baril. Grâce à cette victoire capitale, le prix du pétrole, qui était de 24 dollars en janvier, dépassait 45 dollars fin décembre 2016.
Ainsi, pendant l’année la plus dure et la plus longue, pendant laquelle nombreux ont été ceux qui ont misé sur son échec, le Président Nicolás Maduro, déjouant tous les pièges et toutes les difficultés, a montré sa taille exceptionnelle d’homme d’Etat. Et de leader indestructible de la Révolution bolivarienne
Le parlement vénézuélien vote une motion contre le président Maduro
Ce lundi, le parlement vénézuélien vote une motion contre le président Nicolas Maduro. La décision a été votée par la plupart des députés de l’Assemblée nationale (parlement monocaméral), composée en majorité de forces d’opposition.
Les législateurs de l'opposition vénézuélienne ont adopté lundi une motion contre le président Nicolas Maduro dans le but de forcer des élections anticipées dans ce pays en proie à une crise profonde. Julio Borges, le président de l'Assemblée nationale dominée par l'opposition, a déclaré avoir approuvé une déclaration selon laquelle le président socialiste avait effectivement « abandonné son poste » en ne parvenant pas à endiguer la crise.
Début octobre, l'opposition vénézuélienne a annoncé que le Conseil national électoral (CNE) avait validé 1,3 million de signatures en faveur de la tenue d'un référendum sur la destitution de Nicolas Maduro. Mais sept États du Venezuela ont ensuite annulé les résultats de la première étape de la collecte des signatures, ce qui empêche de lancer la deuxième étape.
L'opposition œuvre pour organiser le référendum d'ici le 10 janvier 2017 pour garantir la tenue de la présidentielle anticipée conformément à la constitution. Si le référendum se tient après le 10 janvier, le vice-président succédera à Nicolas Maduro et remplira les fonctions de président pendant deux ans, même si les habitants du pays votent pour le départ de M. Maduro. Le Venezuela est en proie à de graves pénuries, sur fond d'inflation galopante et de dégringolade des revenus publics occasionnée par la baisse du prix de pétrole et une crise institutionnelle entre le président et le nouveau parlement contrôlé par l'opposition.
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Sam 13 Mai - 0:44
Le Département d’Etat USA finance les fausses informations contre le Venezuela
L’establishment des Etats-Unis finance constamment des médias de presse et des journalistes étrangers en fonction de leurs plans d’intervention dans des pays essentiels pour leur contrôle politique mondial, comme le Venezuela.
Des organes du gouvernement comme le département d’Etat, le département de la Défense, l’USAID et la NED finançaient le « développement des médias » dans plus de 70 pays en 2008, en particulier des organisations non gouvernementales étrangères (ONG), des associations de journalistes, des médias d’information et des espaces d’enseignement du journalisme.
Les corporations et leurs gouvernements (ces « corporations » ont-elles plusieurs gouvernements?)ont besoin que l’exercice de la propagande soit secret grâce à des esthétiques et à des langages apparemment neutres avec des éléments de rapidité et de réactivité. Ainsi, celui qui reçoit l’information peut considérer comme raisonnable que le message se répande partout, sans voir l’intention ou les intérêts qui sont derrière les données fournies, laissant leur fibre émotionnelle et sentimentale être le seul intermédiaire entre la « vérité » et sa consommation.
Des dollars pour un environnement opérationnel provocateur
La tâche de financer la confusion, en faveur d’une situation de guerre non conventionnelle contre le Venezuela, est dirigée par le département d’Etat. C’est ce que montre la Justification Budgétaire du Congrès (Congressional Budget Justification or CBJ), un rapport annuel fait au Congrès des Etats-Unis par cet organisme sur ses opérations à l’étranger.
En finançant les médias vénézuéliens, les Etats-Unis renforcent l’une des armes les plus puissantes contre le chavisme. Mark Weisbrot, un économiste du Centre de Recherche Économique et Politique (Center for Economic and Policy Research), un think-tank de Washington, a affirmé que « dans un certain nombre de pays, y compris le Venezuela et la Bolivie, l’USAID agit plus comme une agence impliquée dans des actions secrètes, comme la CIA, que comme une agence d’aide ou de développement. »
Les noms des organisations étrangères spécifiques qui reçoivent ces fonds sont des secrets d’Etat, exactement comme dans le cas de la CIA. Quand on demande des informations sur les organisations réceptrices, l’USAID répond qu’elle ne peut « confirmer ou nier l’existence d’antécédents ».
Des réseaux croisés, un financement efficace et direct
Entre 2007 et 2009, le département d’Etat a destiné au moins 4 millions de dollars à des journalistes en Bolivie, au Nicaragua et au Venezuela, par l’intermédiaire de la fondation Panaméricaine pour le Développement (Fupad, or PADF) qui a son siège à Washington et a été créée par le Département d’Etat en 1962 et « affiliée » à l’OEA.
Selon le journaliste Jeremy Bigwood, ce montant a été concentré sur le paiement du meilleur des médias d’information du Venezuela et sur le recrutement de jeunes journalistes. Les découvertes de Bigwood ont compris un document du département d’Etat intitulé « conditions » qui est toujours inaccessible en ligne. Là, on appelle les ONG Espace Public et Institut Presse et Société (IPYS).
Un rapport publié en mai 2014 par le think-tank européen de centre-droite Fride (également retiré du site web peu après sa publication) a révélé le financement par les Etats-Unis du journalisme vénézuélien. Depuis 2002, les Etats-Unis ont investi entre 3 et 6 millions de dollars par an dans « de petits projets avec des partis politiques et des ONG. »
Selon un rapport encore inachevé de l’USAID, le financement des ONG, des partis et des médias vénézuéliens est passé de 14 millions en 2009 à 5,1 millions de dollars en 2016, 4 de ces derniers étant destinés à la gouvernance et 1 à d’autres. Ce montant représente un peu plus de la moitié de la moyenne de ce qui a été versé pendant ces 15 dernières années (ce montant représente un peu plus de la moitié de ce qui a été versé en moyenne pendant ces 15 dernières années). Ces fonds, qui ont certainement été dilapidés par la classe politique de l’opposition, ont été centrés sur l’attaque médiatique, celle qui a donné le plus de résultats.
Mensonges renforcés et grossis
L’un des objectifs, en 2016, selon le CBJ, a été de financer « des médias indépendants, libres et professionnels, renforcés et augmentés. » Pendant cette année et l’année précédente, l’apparition de nouveaux médias digitaux a été aussi importante que le renforcement d’autres déjà existants, dont le développement continue à être important et en augmentation dans les réseaux sociaux, comme El Pitazo, Caraota Digital, Efecto Cocuyo et El Estímulo. Tous, dans un plus ou moins grande mesure, utilisent l’alibi d’être « des médias indépendants. »
Le département d’Etat affirme que ses activités au Venezuela cherchent « de façon non partisane » à promouvoir les valeurs de la démocratie représentative et les droits de l’homme et à les défendre en améliorant l’accès du public à l’information. Comme nous le verrons plus loin, ces médias produisent de fausses informations (ou fake news).
Le circuit d’élaboration de la fausse information commence avec la déformation d’un fait, immédiatement reprise par les médias internationaux. La note est effacée en 1 à 4 heures mais l’information continue à tourner sur les réseaux sociaux. Quand on connaît la version réelle, aucun média international ne corrige l’information, tout au moins pas avec la même véhémence. C’est ce qui s’est passé avec plusieurs morts survenues pendant les guarimbas, encore en cours, attribuées à « des collectifs chavistes » (appelés « paramilitaires » par les agents politiques).
Le département d’Etat a défini la ligne éditoriale des fausses informations : constituer un dossier de terrorisme d’Etat et de crimes contre l’humanité contre le Gouvernement vénézuélien (en faisant usage de la notion de « collectifs paramilitaires ») pour, de cette façon, aiguiser le siège diplomatique et financier contre lui. Comme cela a été fait contre le Nicaragua, Haïti, la Syrie et la Libye.
Titre : « Des collectifs (chavistes) sont accusés d’être responsables de l’assassinat d’une manifestante à San Cristobal
Le ministre de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix a déclaré que responsable de cette mort a été un militant de Vente Venezuela, du nom d’Iván Alexis Pernía Pérez. Ce parti politique d’opposition est dirigé par María Corina Machado. La jeune femme ne participait pas aux manifestations comme a tenté de l’affirmer Efecto Cocuyo.
Le Journal El Pitazo n’a pas été en reste et, dans le cadre de l’opération de propagande, y a ajouté l’intérêt malsain qu’espérait tant son auditoire.
Titre : Des collectifs (chavistes) ont volé, persécuté et tiré sur Paola Ramirez
Dans le cas de Roberto Enríquez, tous les médias ont construit la fausse nouvelle de son arrestation alors qu’il est actuellement clandestin et demande l’asile politique à l’ambassade du Chili à Caracas parce qu’il est impliqué dans la préparation d’actes terroristes.
Un autre aspect tout aussi efficace concerne le traitement et le positionnement d’images d’autres lieux, sites ou dates, dans le but d’annuler la capacité de réflexion des lecteurs. Il s’agit de leur faire peur et de provoquer un lavage de cerveau médiatique. On pourra prendre l’exemple de Caraota Digital qui, afin de rendre compte de la « répression » à Paraíso…
Attention ! Des collectifs (chavistes) provoquent des dégâts dans la voie rapide Prados del Este
…a repris la même photo qu’avait utilisée Dollar Today afin d’accuser les « collectifs » d’être responsables des dégâts causés à Prados del Este, où des groupes violents identifiés comme faisant partie de l’opposition étaient présents depuis la veille au soir.
L’instrumentalisation des fausses informations comme arme d’une guerre psychologique et médiatique leur a servi, entre autres, à provoquer des scénarios d’intervention contre la Lybie et la Syrie. On pourra prendre comme exemple le supposé bombardement de la Place Verte à Tripoli en 2011, ou « l’attaque chimique » du gouvernement syrien la même année. Les mêmes méthodes sont utilisées au Venezuela avec l’obtention des mêmes résultats comme objectif.
Traduit de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos. Relecture par Investig’Action
Messages : 1259 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 51 Localisation : où ça ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Lun 29 Mai - 10:16
Assemblée Constituante, opportunité pour la paix et la révolution
Les temps sont agités au Venezuela. L’opposition jette ses dernières forces dans l’espoir d’un coup d’État en douce, leur dernière carte étant de semer la violence et la mort dans les rues. Le chavisme, malgré la crise des dernières années, pour que la révolution soit défendue. Le 1er mai dernier, l’appel de Maduro à une Assemblée constituante a pris tout le monde par surprise. Afin de comprendre ce processus, les risques et les opportunités qu’il implique, nous nous sommes entretenus avec Misión Verdad, l’une des sources les plus fiables au Venezuela.
Dans quel contexte cet appel pour une Assemblée constituante par le gouvernement bolivarien a-t-il lieu ?
Cet appel intervient après plusieurs semaines de manifestations de l’opposition, qui prennent la forme d’un coup d’État coloré (et non d’une révolution colorée), après une polémique sur les pouvoirs de l’État. C’est une décision qui vient du pouvoir judiciaire, lequel a été forcé d’assumer certaines tâches et fonctions de l’appareil législatif à cause de la paralysie politique du pays. Suite à cela, les factions anti-politiques de la supposée « opposition » ont vu dans cet appel le déclencheur des actions qu’il mène à ce jour.
Ensuite, le 1er mai, Fête du travail, le président Nicolas Maduro a décidé de convoquer le « Pouvoir constituant originaire » en vertu de la pleine autorité constitutionnelle du pouvoir exécutif (article 348. Cela a permis d’ouvrir et d’élargir un scénario profondément politique. Cette décision arrive dans un climat de confrontation ouverte, dans lequel une résolution politique du conflit est clairement écartée. À travers des mécanismes de guerre hybride, l’opposition cherche à atteindre de nouveaux stades dans la violence afin d’obtenir soit un changement de régime, soit une guerre civile.
Comment l’opposition a-t-elle réagi à cet appel ?
De manière désorientée, dans un premier temps. Ce processus a complètement rebattu les cartes, il impose de nouvelles réalités politiques en forçant tout le monde à choisir son camp. Mais il révèle également toute l’hypocrisie des éléments les plus radicaux de l’opposition, puisque cela fait des années qu’ils réclament une Assemblée constituante.
Désormais, ils se refusent même à assister aux réunions organisées par le gouvernement. Il y a deux principaux aspects qui se dégagent. Le premier, c’est que toute activité politique formelle de l’opposition n’est rien d’autre que des instruments futiles et opportunistes pour atteindre des « objectifs plus grands ». Le deuxième, c’est que l’opposition n’a jamais eu intérêt à ce qu’une solution soit trouvée, leur unique fin est de soumettre le pays aux pouvoirs du courtage financier globalisé, c’est à dire de l’empire.
Cela nous amène, et on en revient à la première question également, à considérer la situation dans un cadre plus global. Depuis que le président Nicolas Maduro a gagné les élections en 2013, il a constamment appelé au dialogue politique afin d’éviter la confrontation et d’envisager des moyens pour solutionner les problèmes existants, et de négocier ce qui pouvait être négocié. Il a même proposé des concessions quand cela était nécessaire.
Si l’on garde cela à l’esprit, la décision d’invoquer le Pouvoir constituant originaire (qui est un processus continu, comme aimait à le dire Chávez) est une conséquence directe de la volonté des dirigeants de l’opposition de paralyser, de provoquer la confrontation et de faire fi des processus politiques.
Après avoir passé quatre ans à réclamer le dialogue, parfois même avec l’aide du Vatican, ces dirigeants se sont eux-même disqualifiés en tant qu’acteurs politiques valables. Cela a obligé le gouvernement à maintenir le dialogue, mais cette fois avec des interlocuteurs plus légitimes, plus valables et plus efficaces pour résoudre la situation dans laquelle se trouve le pays. La main à l’opposition est toujours tendue si elle souhaite intégrer ce processus de rénovation.
Au cas où l’opposition maintiendrait ses velléités de violence, pensez-vous que la stratégie du gouvernement fonctionnerait quand même ?
C’est difficile à dire. Nous sommes face à un affrontement entre des éléments du pouvoir local (le gouvernement bolivarien et la base chaviste) et des structures globales, liquides, qui ont leur propre agenda, et dans lesquels les acteurs du pays ne sont que de vulgaires intermédiaires qui soumettent même leur logique d’import/export à la politique.
C’est en ça que résident, en partie, le courage ainsi que le danger de cette décision. Si l‘on comprend cela en des termes gramsciens « l’optimisme de la volonté et le pessimisme de la raison », nous entrons dans un scénario sans précédent, inconnu et puissant. Et d’un autre côté, nous avons un éventail de scénarios possible dont nous avons été témoins ces dernières années dans des pays comme la Syrie, l’Ukraine et la Libye. Après tout, ce sont les mêmes méthodes qui sont utilisées depuis la fin de l’année 2012.
Dans ce contexte, le nouveau processus constituant pourrait-il être synonyme d’un approfondissement des réussites sociales de la révolution ?
Oui, et à tous les points de vue. En termes légaux et formels, ainsi que du point de vue des structures politiques du pays. L’Assemblée nationale constituante de 1999 et la Constitution adoptée à l’époque étaient limitées par les bases structurelles de la Constitution de 1961. En effet, celles-ci ne prenaient en compte ni les instruments constitutionnels ni les lois organiques qui ont été mis en place avec la Constitution de la Cinquième république en presque 20 ans.
En partant de là, il reste encore beaucoup à faire pour consolider nombre de domaines qui méritent déjà d’avoir une base constitutionnelle, comme les missions sociales ou la nécessité que le budget national soit essentiellement destiné au social (ce qui est le cas aujourd’hui, à hauteur de 71%). Cela permettrait aussi de jeter les bases d’une interprétation de la politique économique en accord avec cette vision et dont les acteurs du dialogue pourront être les protagonistes.
« Le Monde » lâché par la BBC : Stephen Sackur démasque la droite vénézuélienne et ses rêves de coup d’État
Dès les premiers jours de l’insurrection de la droite vénézuélienne, Paulo Paranagua (du journal français « Le Monde ») avait tenté de donner un visage humain aux « enfants de Pinochet ». Le 14 avril 2017, une interview complaisante nous campe Julio Borges, un des leaders de l’extrême droite, en sympathique combattant pour la démocratie qui ne rêve que d’« élections libres » et, la main sur le cœur, jure ne pas vouloir de coup d’Etat.
Un double mensonge pourtant facile à démonter. En ce qui concerne les élections, le Venezuela va vivre d’ici mars 2018 pas moins de trois scrutins majeurs : celui de l’Assemblée Constituante en juillet, celui des gouverneurs et parlements régionaux en décembre et last but not least, la présidentielle de mars 2018, sans assurance de victoire pour les chavistes. (1)
Quant au serment de Julio Borges de ne pas vouloir de putsch, rappelons qu’il fut un des acteurs publics du coup d’État sanglant mené en avril 2002 contre le président Chavez, avec la complicité du MEDEF local et de militaires formés à la School of Americas. Un coup d’État déjoué en 48 heures par un soulèvement conjoint de la population et de militaires loyalistes. Dans les années qui ont suivi, Wikileaks a révélé les liens de Borges avec le Département d’Etat et le versement de millions de dollars à son parti à travers des ONG financées par les États-Unis au Venezuela. (2)
Julio Borges (à gauche) avec la crème de l’extrême droite et du patronat, lors du coup d’État appuyé par les télévisions privées contre le président Chávez en avril 2002.
Mais la honte pour le « journaliste » du « Monde » est que ce mensonge a été démonté par… Julio Borges lui-même, désarçonné le 19 mai par le célèbre journaliste et présentateur britannique Stephen Sackur, lors du programme non complaisant HardTalk de BBC World. (3)
Publier de larges extraits de cette interview nous semble important dans la mesure où il est très rare que des questions gênantes soient posées en France à l’opposition vénézuélienne.
Dans cette interview, Borges nie toute responsabilité dans la mort des plus de 60 personnes provoquée par les violentes manifestations que lui et son parti ont dirigées au Venezuela. Il admet ouvertement qu’il appelle les Forces Armées à refuser d’obéir aux ordres de leur Commandant en chef, et qualifie de « propagande » les accusations de soutien à la tentative de coup d’Etat contre Hugo Chavez en 2002, les liens de son parti avec les États-Unis et les millions de dollars qui lui sont parvenus par la voie d’ONG financées par ce pays. Il affirme que lors de la réunion avec le Vice président des États-Unis, Mike Pence et avec le conseiller à la Sécurité Nationale de ce pays, H.R. McMaster il n’a fait que « demander leur soutien ».
Extrait de l’interview.
Stephen Sackur : (…) En tant que leader politique responsable (vous êtes le Président de l’Assemblée Nationale et un des dirigeants du parti Primera Justicia) , n’avez-vous pas une certaine responsabilité ? Quand on voit l’effusion de sang, et – comme vous le faites remarquer vous même- le fait que de nombreuses victimes sont des étudiants et des gens très jeunes, n’avez-vous pas la responsabilité de dire aux manifestants de votre Parti et des autres formations que cela suffit, que l’effusion de sang et le prix à payer sont trop élevés ?
Julio Borges : Oui, mais notre responsabilité, Stephen, c’est d’apporter la démocratie, la paix et la liberté au pays. Nous vivons dans un Venezuela qui n’est qu’une mauvaise copie de Cuba ; il n’y a pas de droits au Venezuela, il n’y a pas de nourriture, il n’y a pas de médicaments, il n’y a pas d’opportunités. Des milliers de jeunes quittent le Venezuela pour chercher un avenir dans d’autres pays. Il ne s’agit pas seulement d’un conflit politique au Venezuela mais d’un affrontement vital, existentiel et de valeurs. Parmi les gens qui participent aux marches dans la rue, on retrouve des personnes de tous horizons : des jeunes, des vieux, des politiques, des activistes, des chômeurs, absolument de tous horizons. C’est donc tout le peuple qui est contre Maduro ; ce n’est pas un simple affrontement politique.
SS. Oui, mais pensez vous réellement que ces protestations vont faire partir Maduro du pouvoir ? C’est ce que demandent les manifestants –« Maduro doit partir » – clament-ils – mais il n’y a aucun signe du départ de Maduro.
JB. Nous luttons pour une série de valeurs, nous n’avons pas le temps et nous n’avons pas d’autre façon de lutter pour la liberté, la justice, la démocratie. Vous devez vous rappeler, Stephen, que c’est le coup d’Etat réalisé par Maduro contre le Parlement qui est à l’origine de tout cela. Il est presque parvenu à annuler le Parlement, mais tout le monde est descendu dans la rue pour défendre la démocratie, défendre la séparation des pouvoirs, le système de contrôles et d’équilibres, défendre le droit de vote, le droit à une économie libre ; c’est pour cela que nous sommes dans une lutte très profonde au Venezuela, avec un gouvernement qui n’a pas la moindre intention de proposer un calendrier démocratique ; pour le peuple vénézuélien il n’existe pas d’autre voie que la lutte dans les rues, et le peuple est prêt à lutter pour son pays.
SS. Mais les vénézuéliens ont aussi le sens de l’histoire, et ils se rappellent qu’en 2014, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour essayer de lui faire quitter le pouvoir, en disant que ces élections avaient été truquées. Mais Maduro a fait face aux manifestants et est sorti vainqueur. On peut aussi rappeler les événements de l’année dernière, quand vous et beaucoup de vos camarades avez réclamé un référendum révocatoire ; vous croyiez que vous pourriez faire tomber Maduro, mais une fois de plus il s’est maintenu, et moi je vous dis une fois de plus que selon toute probabilité cette fois encore Maduro se maintiendra.
JB. Oui, mais nous avons un atout. La communauté internationale sait parfaitement que le gouvernement de Maduro est une dictature, et que le peuple vénézuélien est en position de force, ce n’est pas une minorité, mais une majorité énorme. Presque 80 ou 85% du peuple est convaincu que Maduro doit quitter le pouvoir, car il a perpétré un coup d’Etat au Venezuela.
SS. Mais Julio Borges, vous savez qu’en démocratie on ne gère pas le gouvernement par des enquêtes mais par des élections. Il ne faut pas oublier, que cela vous plaise ou non, que Nicolas Maduro a un mandat électoral, il a gagné les élections présidentielles après le décès de Chavez en 2013, et son mandat est prévu jusqu’en 2018 : c’est ce qui est prévu.
JB. Oui mais regardez, on doit gouverner en respectant la Constitution, et la Constitution stipule que l’an dernier nous aurions dû organiser des élections pour les gouverneurs, et Maduro a refusé. Nous aurions dû avoir un référendum révocatoire et Maduro l’a empêché ; nous aurions dû avoir des élections régionales et Maduro les a empêchées. Alors il ne peut pas y avoir une Constitution pour Nicolas Maduro et aucune Constitution pour le peuple vénézuélien. C’est là que se trouve le nœud du problème.
Au Venezuela nous n’avons aucune Constitution, il n’y a que la volonté de Maduro, et c’est lui qui décide si nous avons ou non des élections. Ce n’est pas juste, ce n’est pas cela la démocratie. Et nous luttons précisément pour une voie démocratique au Venezuela.Nous luttons pour apporter la Constitution dans la vie politique, alors que Maduro lutte en dehors du cadre de laConstitution,. Nous nous luttons à l’intérieur de la Constitution. C’est une différence énorme, nous luttons pour la démocratie, Maduro lutte pour la violence.
SS. Bien, mais Maduro dit que vous (et il vous a nommé, vous, Julio Borges en personne) êtes l’auteur intellectuel des coups d’Etat ; que ce que vous voulez en fait c’est un coup d’Etat, et je dois dire qu’un de vos commentaires récents stipule : « il est temps que les hommes en vert, c’est-à-dire les Forces Armées, sortent de leur silence ». Est-ce que cela signifie que vous voulez dire, implicitement, que vous souhaitez une situation où les forces de sécurité vénézuéliennes, et les Forces Armées en particulier refusent d’obéir aux ordres ?
JB. Ce que nous demandons aux Forces Armées du Venezuela c’est justement qu’elles aident le peuple vénézuélien, pas l’opposition, mais le peuple, pour garantir l’ordre constitutionnel et démocratique au Venezuela.
SS. Excusez-moi mais les Forces Armées au Venezuela doivent obéir aux ordres du Commandant en Chef, le Président du pays. Je ne comprends pas en quoi suggérer que vous souhaitez une mutinerie de toutes les Forces Armées du Venezuela puisse être constitutionnel.
JB. Non, parce qu’il existe une différence énorme entre un Commandant en Chef qui agit en tant que chef du gouvernement vénézuélien et Maduro, qui agit et donne des ordres aux Forces Armées en tant que chef d’un parti politique. Ce que nous ne voulons pas c’est une Force Armée avec une couleur politique, qui soit à l’intérieur d’un parti politique, c’est là que se trouve le vrai problème. Nous voulons une Force Armée constitutionnelle et indépendante. C’est là que se trouve le fond du problème. Nous n’appelons pas les Forces Armées à entrer dans l’opposition, mais nous voulons qu’elles répondent aux institutions démocratiques au Venezuela et non aux partis politiques ; c’est Maduro qui a montré sa couleur politique au Venezuela.
SS. Une question très simple, à laquelle il faut répondre par oui ou non. Vous appelez bien les Forces Armées dans la rue, celles là même qui ont contrôlé les manifestations en ouvrant le feu parfois contre les manifestants, à refuser d’obéir aux ordres ?
JB. Oui, tout à fait. Je pense que chaque agent qui viole les Droits de l’Homme au Venezuela doit réfléchir avec sa conscience, il n’est pas supportable qu’un gouvernement non démocratique puisse donner des ordres contre les gens, surtout quand les protestations ont lieu de façon aussi pacifique, simplement pour demander des élections. C’est complètement disproportionné que les jeunes qui manifestent pour une solution pacifique, à savoir un vote, doivent faire face à la répression du gouvernement qui nie les Droits de l’Homme, allant même jusqu’à les faire comparaître devant la juridiction des Forces Armées, ce qui est contraire à la Constitution et contraire aux Droits de l’Homme. Nous devons donc faire appel à la conscience et lutter pour une solution qui respecte des Droits de l’Homme au Venezuela et non pour la répression
SS. D’accord, mais le problème c’est que vous avez des antécédents. – comme Maduro et ceux du gouvernement le rappellent souvent- à savoir que vous avez soutenu la tentative de coup d’Etat militaire contre Hugo Chavez en 2002. Et grâce aux informations publiées par Wikileaks dans les années qui ont suivi, nous savons que votre parti a des liens avec les États-Unis et que des milliers, voire même des millions de dollars ont été versés à votre parti à travers des ONG financées par les États-Unis. Et par conséquent, beaucoup à l’intérieur du régime disent que vous n’êtes qu’un agent des États-Unis, c’est-à-dire de la puissance impériale.
JB. Tout ceci n’est que de la propagande, et il existe une façon très facile de le vérifier : entrons dans un processus électoral pour que le peuple décide si je suis ou non un agent de la puissance impérialiste, ou si je suis à même de diriger le Venezuela. Nous devons laisser le peuple décider, par la voie des élections, quel futur il veut pour le Venezuela. Et je suis convaincu que le mouvement politique que nous avons créé avec tant de jeunes dirigeants, est aujourd’hui même le choix et l’avenir que le Venezuela veut pour que le pays soit un pays moderne. C’est très facile : permettez au peuple de voter, et laissez- le décider quel type de Venezuela il veut. C’est Maduro qui refuse cette solution.
SS. Le 5 mai, me semble-t-il, vous avez rencontré le Vice-président (des États Unis) Mike Pence et le conseiller de la Sécurité Nationale, H.R. McMaster. Vous avez bien demandé à ces deux messieurs une aide nord-américaine, et vous leur avez demandé d’aller au-delà de sanctions individuelles, et vous leur avez bien demandé des sanctions économiques contre le pays en tant qu’entité n’est-ce pas ?
JB. Bien sûr que non. Impossible. Nous sommes en train de mettre au point dans toute l’Amérique, et surtout en Amérique Latine, un groupe ou une équipe de pays qui pourraient aider le Venezuela. Nous avons parlé avec les présidents du Panama, du Pérou, de l’Argentine, du Brésil, du Chili, du Mexique et ils sont tous très inquiets pour le Venezuela car ce pays ne représente pas seulement un problème local, mais un problème régional. Nous demandons l’appui de la communauté internationale et de la communauté latino-américaine pour proposer un programme démocratique ici au Venezuela, et l’objectif de ce programme c’est de permettre au peuple de voter. C’est très clair, seul le vote peut apporter une solution.
SS. Mais le problème c’est que, tout au long de cet entretien, vous avez parlé comme si l’opposition était unie, alors que l’opposition est très loin d’être unie. Il existe 21 partis politiques. Par exemple, vous, en tant qu’individu, vous avez un passé de divisions et de disputes avec des dirigeants de l’opposition, et franchement, la plupart du temps, les membres de l’opposition vénézuélienne se sont battus dans leur propre camp, comme des rats dans un sac. Pour quelles raisons les gens à l’extérieur, sans parler des vénézuéliens, croiraient, que s’il y avait des élections, et si vous parveniez à les gagner, vous pourriez gouverner de façon cohérente, dans la mesure où vous êtes divisés ?
JB Excuse moi, Stephen, mais ce n’est pas vrai. Je suis le Président du Parlement, et Président d’un Parlement qui compte 14 partis politiques dans sa coalition, et nous sommes très fiers de ce que nous avons construit ensemble. Il n’y a pas eu une seule élection où nous ayons présenté plus d’un candidat présidentiel. Il n’y a eu que deux candidats aux élections : un candidat de l’opposition et un candidat du Gouvernement. Nous avons une plate-forme unique, avec un seul message pour la campagne. Nous avons un système de règles pour les élections au travers du référendum et des élections primaires, et une seule position.
(…)
SS. Si vous le permettez, je suis allé au Venezuela, comme vous devez le savoir, j’ai parlé avec toute sorte de gens dans différentes parties du pays, des gens de conditions économiques différentes, depuis les quartiers aisés où vous vivez, jusqu’aux quartiers les plus pauvres, où vivent les chavistes les plus loyaux et les plus radicaux. L’impression que j’ai eue c’est que beaucoup de gens en veulent à Maduro, mais qu’il existe encore un noyau central qui appuie le socialisme et la Révolution Bolivarienne, et il me semble que si vous parvenez à faire partir Maduro, vous courez le risque de déclencher un conflit, et même une guerre civile au Venezuela. Êtes vous prêt à courir ce risque ?
JB. Je ne suis pas d’accord avec cette vision. D’abord parce que les chavistes habitent dans certaines des parties les plus riches de la ville.
SS. Je ne parle pas des membres du Gouvernement, mais des gens du peuple, et certains pensent que c’est grâce à Hugo Chavez qu’ils peuvent avoir une maison, un emploi et une situation économique meilleure que celle qu’ils avaient avant, quand votre classe, M. Borges, était au pouvoir au Venezuela dans les années 80 et au début des années 90.
JB. A cette époque, excusez–moi je n’avais que 20 ans. Mais ce que je peux dire, c’est que maintenant, ces gens savent que Maduro a détruit ce que Chavez avait construit, et à l’heure actuelle, les bases chavistes et pro-Maduro ne représentent que 10 ou 12% de la population, et nous savons que nous pouvons avoir un futur gouvernement qui intègre ces personnes dans un nouveau Venezuela ; un Venezuela uni. Donc je ne vois pas où est le problème ni les raisons pour un affrontement, puisque qu’il n’existe pas de position symétrique entre les deux parties, mais une situation très claire : l’opposition contre Maduro. Nous parlons de 90% de la population qui est contre Maduro, pas de la moitié de la population, c’est pourquoi je ne vois aucun risque à poursuivre la voie de la démocratie et du rassemblement (en cela vous avez raison), un discours politique très rassembleur pour unifier tout le pays.
Regain d’activité politique au Venezuela où trois grands scrutins sont prévus d’ici le début de 2018 : le premier en juillet pour choisir les députés à l’Assemblée Constituante – la population sera ensuite consultée par référendum sur le nouveau texte. En décembre la population élira les gouverneurs et des assemblées législatives pour chacun des 24 états. En 2018, l’élection présidentielle permettra aux citoyens de choisir entre retour au néolibéralisme ou poursuite du socialisme bolivarien.
On mesure le pouvoir d’un champ médiatique abandonné par la gauche aux grands groupes privés quand on voit qu’un pays qui a mené plus de scrutins que tout autre processus progressiste dans le continent latino-américain, qui dispose de ce que Jimmy Carter appelait dès 2012 « le meilleur système électoral du monde » et dont la majorité de l’économie et des médias sont privés et d’opposition, soit perçu comme « une dictature ». Les grands médias n’ont pas seulement transformé une insurrection de droite en « révolte populaire », un État qui se défend en État « répressif », une guerre économique en « pénuries dues au modèle socialiste ». Ils ont invisibilisé 18 ans de démocratie participative, en occultant ces mouvements sociaux qui aujourd’hui discutent des points de la nouvelle constitution : égalité de genre, mariage homosexuel, droit à l’avortement et droits de la femme en général, écosocialisme et protection de l’environnement, nouveaux mécanismes de pouvoir citoyen, droits culturels nouveaux…
La présidente du Conseil National Électoral Tibisay Lucena a fait part de sa surprise face au nombre élevé de postulations citoyennes (où de nombreux opposants se sont inscrits, désobéissant au consignes publiques des partis de droite). Au total 55.314 personnes se sont postulées, 19.876 par territoire et 35.438 pour le secteur social, représenté par une majorité de femmes (62 %) issues des secteurs des paysan(ne)s, pêcheur(se)s, conseils communaux, communes, entrepreneurs, étudiant(e)s, pensionné(e)s, personnes handicapées. Le 6 juin a commencé la collecte de signatures pour valider les postulations et choisir in fine 364 députés constituants « territoriaux » et 181 « sectoriels ».
Dans un contexte de conflits et de violence croissante générés par des secteurs de l’opposition qui ne reconnaissent pas le gouvernement élu, Nicolas Maduro a convoqué cette Assemblée Nationale Constituante (ANC) comme la constitution lui en donne le droit (articles 348 et 349 ), et comme stratégie pour rétablir la paix et consolider le processus de transformation du pays (1).
Par définition, une Assemblée Constituante a pour objectif de modifier l’ordre établi. Au cours des dernières décennies, le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur ont utilisé ce mécanisme afin de remanier la totalité de leurs constitutions, refondant leurs États sur de nouveaux principes et objectifs.
Ces États ont donné une leçon de démocratie de la plus haute importance : les lois ne sont pas gravées dans le marbre, elles doivent répondre aux besoins et aux caractéristiques des peuples et non l’inverse.
Les décrets 2830 et 2831 (2), émis le 1er mai dernier par l’exécutif vénézuélien, ouvrent la voie à une nouvelle Constitution et à la convocation d’élections des membres de l’Assemblée. Le décret 2830 prévoit d’inclure les objectifs suivants dans la nouvelle Constitution :
1 Rétablir une collaboration entre les pouvoirs publics pour assurer le bon fonctionnement d’un État démocratique, social, de droit et de justice, ainsi que de remédier à l’impunité. 2 Améliorer le système économique post-pétrolier, mixte, productif, diversifié et intégrateur en créant des outils qui permettront de dynamiser le développement des forces productives, ainsi qu’un nouveau modèle de distribution transparent et satisfaisant l’ensemble des besoins alimentaires de la population. 3 Constitutionnaliser les Missions et les Grandes Missions Socialistes. 4 Élargir les compétences du système judiciaire afin d’éliminer l’impunité des délits contre les personnes, la patrie et la société (corruption, contrebande de produits d’extraction, spéculation, terrorisme, narcotrafic, incitation à la haine sociale et à une intervention étrangère). 5 Constitutionnaliser les Communes et les Conseils communaux, les conseils de travailleurs et de travailleuses, et toute autre organisation sociale ou de base territoriale pour en faire de nouvelles structures démocratiques. 6 Défendre la souveraineté et l’intégrité de la Nation et protéger le pays contre l’interventionnisme étranger en renforçant les pouvoirs de l’État. 7 Revendiquer la pluri-culturalité en vue d’une coexistence pacifique permettant d éliminer la haine sociale et raciale ancrée dans une minorité de la société. 8 Reconnaître les droits des jeunes (travail digne, protection des jeunes mères, logement, respect de leurs idées) 9 Préserver la biodiversité et développer l’écosocialisme.
Le décret 2831 a nommé une commission présidentielle qui élaboré les bases électorales définissant la répartition des députés de l’Assemblée par territoire, la forme que prendront les élections et les conditions requises pour être candidat à l’Assemblée.
Le décret 2878 (3) publié dans le journal officiel du 25 mai dernier a établi que la future Assemblée Constituante comptera 540 membres chargés de rédiger un nouveau texte constitutionnel et répartis de la manière suivante : 364 constituants territoriaux et 181 par secteurs. Au niveau sectoriel, des représentants des secteurs indigènes (, étudiants (24), paysans et pêcheurs (, entrepreneurs (5), handicapés (5), retraités (28), conseils communaux (24) et travailleurs (79) seront élus par vote universel, direct et secret.
Le décret 2878 précise aussi que les candidatures peuvent être présentées
• Sur initiative personnelle
• Sur l’initiative de groupes nécessitant le soutien de 3% des listes électorales pour pouvoir s’inscrire
• Sur initiative sectorielle nécessitant le soutien de 3% du secteur concerné, la candidature de personnes appartenant à la fonction publique ne pouvant être présentée que si elles renoncent à leur charge avant de s’inscrire.
Le Décret précise en outre que le premier acte administratif de la future Assemblée devra établir ses statuts de fonctionnement en concordance avec la législation nationale et internationale.
Le registre des candidats potentiels a été établi entre le 31 mai et le 1er juin. Ils devront collecter les formulaires de recueil des soutiens pour leur candidature sur la page web autorisée du Centre National Électoral http://www.cne.gob.ve/web/index.php (4).
L’Assemblée Nationale, dont la majorité est opposée au gouvernement, a déclaré nulle la convocation à une assemblée nationale constituante le 10 mai dernier, prétendant qu’il s’agirait d’une stratégie du Président pour « éviter des élections » (5). Face à cette prise de position, le mandataire a engagé l’opposition à venir vérifier la légalité de la convocation auprès de la Salle constitutionnelle, qui a finalement tranché en faveur de la constitutionnalité du processus.
De son côté, le Conseil National Électoral poursuit la procédure de convocation ; le déroulement de l’élection des membres de l’assemblée est prévue pour fin juillet (6). Le CNE a également spécifié que les élections régionales (gouverneurs et conseils législatifs régionaux) auront lieu le 10 décembre 2017.
Les secteurs de l’opposition devront préciser s’ils comptent persister dans leur stratégie de violence de rue et dans leur non-reconnaissance des institutions ou s’ils choisissent de s’engager dans des voies démocratiques pour résoudre le conflit politique, aussi bien dans le cadre de la Constituante que lors des prochaines élections. Pour cela, ils devront proposer à la population un projet de gouvernement alternatif susceptible de recueillir des appuis électoraux, ce en quoi ils ont échoué systématiquement depuis 2006, pris dans un va-et-vient entre politique et violence.
Traduction de la vidéo réalisée par Katrina Kozarek pour Venezuelanalysis.com (23 mai 2017)
« Introduction : ces dernières semaines au Venezuela, malgré les violences des secteurs radicaux de l’opposition, différentes organisations de base organisent des assemblées pour mettre au point les propositions destinées à nourrir les débats de l’Assemblée Constituante qui pourra modifier profondément le texte actuel et la structure de l’État.
« Participant 1 : je pense que c’est une occasion de rénover et de rediscuter pour que cette assemblée constituante ne soit pas un coup dans l’eau et ne génère pas plus de mécontents. Pendant 15 ans, quand Chavez était vivant, les vénézuéliens ont opté pour un processus pacifique. Cette participation politique a été assurée par la première constitution bolivarienne, une des plus avancées que nous ayons eue, y compris au plan international, et qui nous a donné un grand nombre de droits. Mais nous ne nous étions jamais demandé quels étaient nos devoirs pour continuer à construire la révolution. Ce processus permet aussi de rassembler et remettre en ordre des idées pour construire une nouvelle pensée, une nouvelle venezolanité.
« Participant 2 : Je partage les points proposés par le collectif national, l’appel à la paix, la création de ponts pour le dialogue comme alternative à l’escalade de la violence, la nécessité de perfectionner notre système économique pour sortir d’une économie trop basée sur la rente pétrolière, et développer ce que Chavez appelait le développement endogène en consultant les potentialités existantes dans nos populations, dans nos communautés. Constitutionnaliser les missions sociales est aussi important, rappelons que l’Assemblée Nationale actuellement dominée par la droite, et présidée par un personnage qui en avril 2002 a coorganisé le coup d’État qui supprima tous les pouvoirs publics, s’est fixée pour objectif de supprimer ces conquêtes sociales.
« Participant 3 : en tant que secteur étudiant et mouvement de jeunesse, nous nous sentons partie prenante de ce processus constituant qui est un processus de repolitisation, c’est une occasion de participer au destin de notre République Bolivarienne, la jeunesse représente plus du tiers de la population et les deux tiers de la population active. C’est pourquoi nous appelons chacun à prendre part à ce processus, à discuter avec toute la complexité, l’analyse nécessaire, la volonté et l’amour pour construire ce que nous appelons la patrie nécessaire.
« Participante 4 : face au blocage du dialogue politique, le président Maduro a lancé le processus de l’Assemblée Constituante, et nous pensons qu’il ne s’agit pas seulement de blinder les conquêtes inscrites dans l’actuelle constitution mais de la révolutionner. En tant que mouvement de femmes, nous demandons depuis des années qu’on dépénalise l’avortement, nous souhaitons que soient garantis les droits du mariage égalitaire, de la communauté LGBT, de la transversalité du genre dans les pouvoirs publics, car on ne peut réduire la question de la femme a un seul ministère, quand on voit que les tribunaux ou le Parquet national n’agissent pas en fonction des lois créées par la révolution. Ce nouveau texte doit aussi embrasser la structure communale du pouvoir, cesser de tourner le dos à cet héritage du commandant Chavez et son « la commune ou rien ».
« Participant 5 : en tant que collectif Alexis Vive, nous sommes d’accord avec la stratégie et l’appel du président à rejeter la violence de rue et à reprendre le débat politique, nous appelons la population à se joindre a ce débat pour approfondir les thèmes inscrits dans la constitution bolivarienne discutée en 1999, cette assemblée constituante doit être un moyen d’accumuler du pouvoir citoyen, de faire que les communes soient réellement autogestionnaires, de prendre appui sur les expériences d’auto-gouvernement, d’autonomie, d’autogestion, l’assemblée constituante doit être productive, communarde et féministe.
« Participant 2, reprenant la parole : le chavisme est passé par un processus de décantation, par exemple quand Chavez a parlé de socialisme en 2004 et 2005, des secteurs se sont éloignés. Actuellement comme nous sommes en train de discuter de la nécessité d’une démocratie communale et d’un État communal, cela va sans doute entrer en conflit avec les institutions existantes et nous arriverons à de nouvelle prises de position et à de nouvelles décantations. C’est un processus contradictoire, dialectique, de radicalisation, de recherche des racines, nous sommes en présence de deux projets antagoniques, celui de l’opposition est néolibéral, aligné sur les positions de l’empire, alors que le nôtre est celui d’un peuple qui lutte pour sa dignité. Nous pouvons arriver à nous mettre d’accord sur certains points, mais nous ne pouvons oublier les racines historiques de ces deux projets. Selon des sondages de la firme privée Hinterlaces, 74 % des vénézuéliens ont confiance dans la sortie de crise et 82 % rejettent les violences. L’analyse de ces chiffres indique l’importance de l’espoir collectif et nous donne l’énergie nécessaire pour parier sur cette assemblée constituante et sur un processus pacifique. »
Dans deux récents articles nous avons étudié comment « Le Monde » d’avril et mai 2017 a fait passer une insurrection de l’extrême droite au Venezuela pour une « révolte populaire » et imputé à ce qu’il appelle un « régime » les assassinats commis par la droite (1). Ce média use de ce procédé depuis le début des tentatives de déstabilisation en 2013. Le mensonge corollaire, tout aussi gros, que propage « Le Monde » à l’unisson de la Sainte Alliance médiatique, c’est la « crise-humanitaire-comme-faillite-de-la révolution-bolivarienne ».
La méthode est simple : faire passer les effets pour les causes. Les images de files d’attente interminables, de rayons vides dans les supermarchés, de manque de médicaments, d’inflation galopante, de marché noir endémique… qui servent à la droite locale et internationale de justification à une intervention extérieure ne sont pas, en effet, la « faillite d’un modèle socialiste » mais la conséquence d’une guerre ouverte du secteur privé – 80 % de l’économie – contre la révolution bolivarienne. Une déstabilisation sociale, économique et politique savamment orchestrée que le Chili de Salvador Allende a subie en 1973, et face à laquelle le Président Nicolas Maduro a décrété l’état d’urgence économique en mai 2016, comme le prévoit la Constitution.
A rebours de l’effet-pour-la-cause et des « décryptages » superficiels repris en boucle par les médias occidentaux, nous proposons une synthèse de l’analyse détaillée sur les causes des difficultés économiques et sociales auxquelles le Venezuela Bolivarien est confronté depuis 2003, réalisée par Pasqualina Curcio Curcio, professeure de sciences économiques à l’Université Simon Bolivar, et publiée dans un document intitulé « Pénuries et inflation au Venezuela » (20/12/2015). Précisons que depuis cette publication, la tendance est à l’amélioration progressive de l’approvisionnement, bien que les prix des denrées restent élevés. Cette hausse constante des prix par le secteur privé est contrée de diverses manières par le gouvernement : par la hausse à répétition du salaire minimum légal, un effort de productivité nationale dans l’agriculture et la distribution massive d’aliments hautement subventionnés aux secteurs populaires à travers le réseau national des CLAP (Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production).
L’économiste Pascualina Curcio Curcio
LES PENURIES AU VENEZUELA : MYTHES ET REALITE
Pasqualina Curcio Curcio
Pour le dire simplement, la théorie économique admet qu’une pénurie survient lorsque l’offre se contracte et n’arrive plus à faire face à la demande ou bien lorsque la demande augmente mais l’offre n’arrive pas à suivre ou pire encore lorsqu’on observe simultanément une contraction de l’offre et une augmentation de la demande.
Une contraction de l’offre au Venezuela ?
En théorie, une contraction de l’offre peut s’expliquer tant par une baisse de la production nationale que par une baisse des importations des biens que l’économie nationale n’est pas en mesure de produire ; les deux facteurs peuvent là encore se combiner. Les pénuries recensées au Venezuela peuvent-elles s’expliquer par ces facteurs ?
Entre 2003 et 2013, le pays connaît une période de croissance économique et de baisse du taux de chômage (passant de 18% à 8%).
On ne peut en outre établir aucun lien de corrélation entre l’évolution du PIB et le niveau de pénuries puisqu’à titre d’exemple, on observe une forte hausse des pénuries sur la période 2006-2007 bien que la production augmentait sur cette même période et, au contraire, on note une diminution des pénuries entre 2008 et 2011 alors même que la production chutait (période de récession mondiale). Les pénuries étant principalement alimentaires, on ne peut cependant établir aucun lien empirique entre Produit Intérieur Brut Agricole et le niveau de pénurie puisque le PIBA est soit à la hausse soit stable sur la période observée.
A ce stade, on peut donc dire que ce n’est pas une chute de la production vénézuélienne qui explique les pénuries qui affligent le peuple et l’économie du Venezuela. Les causes de ces pénuries seraient donc peut-être à chercher du côté des importations… Le Venezuela n’ayant pas encore atteint l’autosuffisance dans de nombreux domaines, il importe un grand nombre de biens et services. Mais là encore, l’indice des importations exprimé en dollars US est en forte augmentation entre 2003 et 2013 et aucun lien de corrélation ne peut être établi avec le niveau de pénurie. Par exemple, entre 2006 et 2007, on observe une hausse de 25% de l’indice de pénurie concomitante avec une hausse de 39% des importations ! Entre 2008 et 2009, une forte chute des importations coïncide en revanche avec une baisse des pénuries…
Concernant les produits alimentaires importés, on obtient un résultat surprenant d’un point de vue théorique : on enregistre au même moment une augmentation des pénuries et une augmentation des importations de produits alimentaires (exprimés en dollars US) et lorsque les importations baissent, les pénuries baissent ! Les pénuries des produits tant alimentaires que non-alimentaires ne sont donc pas non plus liées à une baisse des importations !
Étant données ses caractéristiques de pays mono-exportateur de pétrole, l’octroi de devises étrangères de la part de l’État au secteur privé importateur est une nécessité.
Une partie de l’opposition vénézuélienne reproche au gouvernement vénézuélien de ne pas mettre à disposition assez de devises étrangères aux entreprises privées importatrices. Or, entre 2003 et 2013, c’est une augmentation de plus de 440% du nombre de devises étrangères mises à disposition par l’État.
Sur l’ensemble de la période étudiée (2003-2013) et en dépit de la forte diminution entre 2009 et 2010 (récession mondiale), la mise à disposition de devises étrangères au secteur privé n’a jamais été inférieure à son niveau de 2004. Il est important de le relever puisque 2004 correspond à l’année où l’on enregistre le niveau de pénurie le plus bas sur l’ensemble de la période 2003-2013 !
Les pénuries n’ont donc pas grand-chose à voir non plus avec une mise à disposition insuffisante de devises étrangères au secteur privé importateur de la part de l’État.
A ce stade, voici ce que l’on observe :
– Les niveaux de production mesurés par le PIB et le PIBA, ont augmenté en moyenne de 75% et 25% respectivement entre 2003 et 2013 ;
– Le total des importations exprimées en dollars US et, plus spécifiquement, les importations de denrées alimentaires ont augmenté en moyenne d’un peu moins de 390% et d’un peu plus de 570% respectivement entre 2003 et 2013 ;
– Le nombre de devises étrangères attribuées au secteur privé importateur a augmenté en moyenne d’un peu plus de 440% entre 2003 et 2013 ;
– L’indice de pénurie, quant à lui, a pourtant augmenté en moyenne de 38% sur la même période.
Ce n’est donc pas du côté de la contraction de l’offre que l’on peut expliquer les problèmes de pénurie auxquels le monde du travail vénézuélien est confronté.
Une explosion de la demande que l’offre n’arrive pas à juguler ?
L’autre piste à étudier est donc l’hypothèse d’une explosion de la demande que l’offre ne serait pas en mesure de satisfaire. Il faudrait, pour confirmer cette hypothèse, vérifier une hausse de la consommation finale des ménages et de l’État plus forte que la hausse de la production et des importations. Nous observons bien une hausse de la consommation tant intermédiaire que finale entre 2003 et 2013 mais le taux de croissance moyen de l’indice de consommation reste toujours inférieur au taux de croissance moyen de la production et des importations.
Mais même lors du pic de pénurie en 2006, la production et les importations augmentent plus vite que la consommation. Les pénuries ne trouvent manifestement pas leurs origines ici non plus.
A ce stade, il n’est pas possible d’établir de lien entre le niveau de pénurie, le niveau de production et des importations et l’indice de consommation au Venezuela. La question demeure entière : comment se fait-il que les biens produits au Venezuela ou importés ne finissent pas dans les rayons des supermarchés vénézuéliens ? On comprend dès lors que les pénuries qu’endure un grand nombre de Vénézuéliens s’expliquent par d’autres facteurs.
Accaparement, importations fantômes et contrebande : les vraies causes des pénuries
Une analyse plus fine des importations au Venezuela nous montre très nettement une augmentation des importations exprimées en dollars US bien plus forte que l’augmentation des importations exprimées en kilogrammes bruts à partir de 2003. Entre 2003 et 2013, le Venezuela importe moins de biens et services malgré un plus grand nombre de devises étrangères mises à dispositions du secteur privé par l’État pour l’import.
On observe d’ailleurs le même phénomène concernant les seules importations de denrées alimentaires…
Si cet octroi croissant de devises étrangères au secteur privé importateur ne sert donc pas à importer davantage de biens et services et satisfaire la demande, où ces devises s’évaporent-elles ?
Comme on l’a vu, le secteur privé importateur dispose de toujours plus de devises étrangères pour importer et qu’il importe toujours moins de biens et services, il est intéressant de confronter ce phénomène à l’évolution des stocks de numéraire et dépôts à l’étranger du secteur.
On observe bien une augmentation de plus de 230% du stock de numéraire et dépôts détenus à l’étranger par le secteur privé vénézuélien entre 2003 et 2013.
On comprend qu’une part croissante des devises étrangères accordées par l’État pour l’import est en réalité directement placée à l’étranger. On parle notamment d’importations « fantômes ». Fausses factures, transfert d’argent liquide non déclaré aux douanes et autres combines plus ou moins élaborées ne manquent pas. C’est une véritable fuite de capitaux !
Mais le placement à l’étranger d’une partie des devises étrangères destinées à l’import ne peut expliquer pas à lui seul, les pénuries. Certains secteurs privés se livrent en effet à un véritable accaparement, c’est-à-dire qu’ils accumulent et stockent massivement des marchandises de même espèce en vue de provoquer leur raréfaction artificielle.
D’ailleurs, les caractéristiques des biens pour lesquels on recense les principales pénuries ne trompent pas : les pénuries concernent principalement des biens et non des services ; Biens facilement stockables et non périssables : denrées alimentaires (pâtes, lait en poudre, sucres, …), produits d’hygiène personnel, produits d’hygiène, etc ; Biens de première nécessité pour les foyers (de nombreuses pénuries recensées parmi les 20 aliments les plus consommés par le Venezuela) et biens intermédiaires indispensables pour la production de biens et services (pièces de rechange, moteurs de voiture, etc.) ; Biens principalement produits, importés ou distribués par des monopoles et oligopoles privés : farine de maïs, farine de blé, sucre, huile, … Pénuries recensées principalement dans le commerce de détail : un restaurateur se procurera plus facilement de la farine de blé qu’un consommateur final.
Les biens accaparés par ces oligopoles et monopoles privés sont ensuite déversés sur des marchés parallèles : marché noir local et surtout commerce de contrebande à la frontière avec la Colombie.
Les pénuries ne sont donc pas le résultat d’un effondrement de la production nationale et/ou d’une baisse des importations consécutive à une baisse des devises étrangères accordées par l’État
Les causes réelles des pénuries recensées au Venezuela sont donc dans l’ordre :
– Importations « fantômes » : Diminution des importations malgré un octroi croissant de devises étrangères au secteur privé importateur qui place à l’étranger une part des devises attribuées pour l’import
– Accaparement sélectif de biens de première nécessité
Commerce de contrebande
Les acteurs économiques qui se livrent à ce genre de pratiques frauduleuses poursuivent bien entendu des intérêts économiques puisqu’ils réalisent de juteux profits mais l’appât du gain n’est pas la motivation principale : ce sont des intérêts principalement politiques qui sont poursuivis. En effet, force est de constater que les pics de pénuries coïncident avec des événements politiques majeurs tels que des rendez-vous électoraux et des épisodes de forte tension politique : « coup d’état pétrolier » (2003), référendum constitutionnel (2007), campagne et élection présidentielles (2012-2013).
Les biens qui sont l’objet de pénuries ne sont d’ailleurs pas choisis au hasard comme on l’a vu, il s’agit de produits de première nécessité : médicaments, aliments de base, pièces de rechange, produits d’hygiène…
Cette déstabilisation socio-économique qui se traduit par une déstabilisation sociale, vise le monde du travail, cœur de l’électorat chaviste alors que les classes aisées sont épargnées (http://www.telesurtv.net/opinion/Ejecutivo-vasco-muestra-supermercados-de-la-clase-alta-en-Caracas-no-falta-nada-20160529-0004.html). Les manifestations les plus visibles de cette déstabilisation sont bien entendu les files d’attente à l’abord des supermarchés vénézuéliens à l’effet médiatique et psychologique dévastateur ; les images étant abondamment diffusées par les médias et les réseaux sociaux du monde entier.
Toutes les composantes de l’opposition sont d’ailleurs mobilisées puisque les médias d’opposition tant locaux (majoritaires au Venezuela) qu’internationaux participent également à l’opération de déstabilisation en mettant en place de vastes campagnes médiatiques destinées à générer une psychose et une peur de manquer au sein de la population. A l’image de ce qui s’est passé en France lors de la grève des raffineries de pétrole contre la Loi « Travail » (mai 2015), certaines pénuries sont le résultat de pics de demande momentanés consécutifs à la psychose et la peur de manquer générées par les médias.
Au Venezuela, ce sont notamment les couche-culotte et le lait en poudre qui en ont fait les frais. Ces pénuries très ciblées ne sont donc pas le résultat d’une soi-disant « faillite» du modèle économique vénézuélien. Ces pénuries sont l’instrument et le résultat d’opérations savamment orchestrées de déstabilisation économique et sociale motivés par des intérêts essentiellement politiques.
LA MANIPULATION DE LA MONNAIE, LEVIER PRINCIPAL DE LA GUERRE ÉCONOMIQUE
Dollar parallèle et inflation
Le deuxième problème qui mine l’économie du pays est le taux d’inflation. L’indice des prix à la consommation révèle deux points d’inflexion en 2007 puis en 2012 pendant lesquels l’augmentation de l’indice des prix s’envole (prix de base 1997) :
La théorie économique admet que l’indice des prix dépend du total de la demande : une augmentation de la demande a pour conséquence une inflation des prix. Les monétaristes retiennent, en revanche, que l’inflation dépend de la masse de liquidité monétaire en circulation : une plus grande masse de liquidité monétaire stimulera la demande surtout sur le court terme, ce qui engendrera une hausse des prix.
Cependant, au Venezuela, la fixation des prix n’est pas simplement déterminée par le niveau de la demande et la masse des liquidités en circulation car il existe une variable additionnelle qui rentre en ligne de mire: le taux de change du marché « parallèle » des devises. Pasqualina Curcio-Curcio établit grâce à ses calculs que l’indice des prix est déterminé à hauteur de 70% par le dollar parallèle et par le niveau de la demande à hauteur de 30% seulement.
Le taux de change parallèle sert donc non seulement de base de référence pour la fixation des prix du marché souterrain (ou « noir » si l’on préfère) mais également pour la fixation des prix dans l’économie « réelle » par un effet-en-chaîne : il suffit de quelques secteurs établissent leur prix en fonction du taux de change du dollar parallèle pour que l’ensemble des secteurs suivent le pas.
Ce taux de change parallèle fait office de base de référence pour l’ensemble des agents économiques, y compris les agents économiques qui n’ont pas de pouvoir de marché et qui ne peuvent se constituer en monopole ou oligopole : petites entreprises, petites exploitations agriculteurs, petits commerçants, etc…
Une manipulation délibérée de la monnaie
Pasqualina Curio-Curio démontre que les critères de calcul du taux de change n’obéissent à aucune règle logique connue et que par conséquent, la valeur du dollar parallèle est tout à fait fictive. Le taux de change du dollar parallèle, publié quotidiennement sur internet, est fixé arbitrairement
Cette fixation arbitraire du dollar parallèle correspond donc à une manipulation du taux de change de la monnaie qui constitue le principal levier de la guerre économique livrée au Venezuela. D’abord, l’inflation induite a pour conséquence directe une perte du pouvoir d’achat du monde du travail qui les contraint à une recomposition du panier des dépenses donnant la priorité aux biens de première nécessité, au transport et à la santé. L’effet en chaîne est la baisse de la demande des biens et services de « seconde nécessité », ce qui provoque une baisse de la production et une montée du chômage. Par ailleurs, le marché parallèle du dollar constitue une incitation aux « importations fantômes » avec les conséquences économiques et sociales que l’on sait : des pénuries source douloureuses pour la population. En effet, l’échange de devises sur le marché parallèle est plus rentable que l’importation de biens et services.
Dès lors, un cercle vicieux entre inflation/pénurie /maximisation des profits du secteur importateur s’installe : le financement de la guerre économique revient moins cher aux importateurs et la guerre économique s’avère être pour eux une affaire plus juteuse que d’importer.
Bonjour, Voici les dernières nouvelles sur la crise vénézuélienne avec les infos dont les médias maintream ne veut peut pas vous donnez. Vous allez donc découvrir toute la vérité et l'ingérence américaine au sain des élections en court dans le pays. Ensuite je vous proposes un reportage sur place de Abby Martin, cette courageuse journaliste qui n'hésite pas au péril de sa vie de nous livrer les infos en direct et non comme nos médias qui de leur bureaux nous mentent. Orné
Depuis Caracas: L’exemple du Venezuela pour le monde
L´actuelle offensive médiatique, économique et politique lancée contre le Venezuela indique que le droit national et international, et en particulier la bourgeoisie commerciale aigrie et irritable, sont vraiment préoccupés par la consolidation des changements socio-politiques et culturels qu’a généré et continue de générer la Révolution bolivarienne au Venezuela.
Le chavisme (Ndlr: Pour Hugo Chavez) est une idéologie de transformation qui inspire un mode de vie communautaire fondé sur la propriété sociale et ses relations avec les moyens de production. L’un des principaux objectifs est de créer une société organisée en réseaux d’action horizontaux et un pouvoir politique, social et économique sous la direction du pouvoir populaire, à savoir, un pouvoir d’origine constituante, qui, par mandat constitutionnel appartient au peuple.
Cette définition n’est pas une proposition théorique, il s´agit d´une réalité concrète révélée à la suite des attaques perverses que les bandes terroristes, financées par la dénommée MUD (Ndlr: Mouvement politique d´opposition, abréviation de Table de l´Unité), dirigent contre la société vénézuélienne, y compris antichavistes. L´importance des changements survenus dans la société vénézuélienne montre que pas même une intervention militaire extérieure, comme dans les cas de la Syrie et de l’Irak pourrait garantir à la droite de jouir d’une victoire facile.
La tentative nihiliste de la droite terroriste, soutenue par l’OEA (Ndlr: Organisation des Etats Américains, basée à Washington et dominée par les USA), tente de prendre d´assaut le pouvoir par la destruction systématique de la structure matérielle de l’état révolutionnaire en utilisant, comme les nazis, le feu comme principe ésotérique purificateur de la vie. L’action de brûler des biens, les bibliothèques, les hôpitaux, les universités, les centres de santé, les archives, les bus, les voitures, des réservoirs plein d’essence, l’utilisation de bombes molotov pour brûler les policiers et les gardes nationaux, le lynchage et l’assassinat de ceux qui ne pensent pas comme les terroristes de la MUD, l’utilisation systématique du mensonge médiatique comme arme de propagande, nous rappellent crûment la montée du fascisme nazi en Allemagne en 1933.
De même, l’utilisation de bandes de délinquants et de paramilitaires colombiens payés par la droite vénézuélienne pour agir comme des troupes de choc, nous rappelle les bandes de vulgaires meurtriers que le nazisme a organisé comme troupes de choc ou « sturm abtailung », la SA, pour matraquer et terroriser les ennemis du fascisme. Une fois que Hitler prit le pouvoir en Allemagne, il dût liquider physiquement les bandes SA qui étaient devenues un danger mortel pour la vie de l’Etat fasciste, en utilisant à cet effet la naissante SS (Schutzstaffel), les troupes d’assaut très disciplinées et idéologisées sous le contrôle militaire de la Wehrmacht, l’armée nazie.
Bien qu’il y ait des foyers de terreur fasciste dispersées dans d’autres régions du pays, le principal et le plus virulent foyer du terrorisme d’extrême droite se trouve dans les quartiers des classes aisées de Caracas, centre de terreur fasciste limitée à une superficie d’environ 12 kilomètres carré, la municipalité de Chacao, sorte de grand plateau pour les médias, sous la protection du Sturmführer Ramon Muchacho, maire de la municipalité. Pour fabriquer les mensonges médiatiques, le terrorisme utilise les rues de la municipalité comme une scène de théâtre pour présenter son scénario virtuel au sujet d’un présumé mouvement de manifestation pacifique, appuyé par des dizaines de caméramans et de photographes qui construisent une version médiatique pour l’exportation internationale.
Une vidéo diffusée à la télévision publique, peut-être filmée par un cameraman infiltré, montre l’épouse ineffable de Leopoldo López (Ndlr: Politique d´opposition détenu et jugé pour incitation à la violence avec un bilan de plus de 40 morts en 2014), Lilian Tintori avec le visage couvert d´un masque à gaz tenant dans ses bras un jeune homme, théoriquement asphyxié par les gaz lacrymogènes utilisés par la police. Pour cette séquence tournée comme une preuve de la répression de l´Etat, Mme Tintori enlève son masque et le place sur le visage du jeune homme qu´elle regarde tendrement. A la voix de “Coupez!” indiquant la fin de la séquence, le jeune se lève et la Tintori quitte la scène.
Tout cela nous rappelle le sujet de l´extraordinaire film Wag the Dog, réalisé par Barry Levinson. Pour masquer le fait qu’un président des États-Unis avait eu des rapports sexuels illicites avec une jeune femme à la Maison Blanche, la CIA avait engagé un cinéaste pour réaliser un court-métrage diffusé par la télévision où s´inventait une fausse guerre en Albanie, pays lointain que personne ne connaissait aux Etats-Unis, impliquant de faux « marines » qui finalement gagnaient cette guerre. Ce mensonge médiatique réussit à dissimuler l´écart du président peu avant les présidentielles.
Par la suite, la CIA assassina le producteur de la fausse nouvelle pour l’empêcher de se vanter de son succès médiatique et de révéler la fausse nature de la prétendue guerre. Dans le cas réel du Venezuela, les terroristes des médias ont également obtenu la complicité de personnes comme le procureur général de la République, un célèbre directeur de l’Orchestre symphonique de la jeunesse et un troupeau de faux chavistes qui jour après jour dénigrent la vérité et l’honnêteté du peuple vénézuélien.
Toute cette offensive médiatique multimillionnaire (en US $) tente également de fabriquer un écran de fumée sur la réalité démocratique et la justice sociale que la révolution bolivarienne construit au Venezuela, malgré la guerre ouvertement déclarée par le « cœur du gouvernement» des États Unis. La réponse révolutionnaire à cette guerre de cinquième génération a mis en relief le degré d’organisation sociale, politique et économique populaire qu’a réussi à créer la Révolution, défendue et renforcée par l’existence d’un système civique militaire soutenu par les forces armées bolivariennes et les milices populaires.
Pour l’instant, la force de l’organisation populaire vient seulement de montrer ses crocs. La droite terroriste la craint parce qu’elle sait que sans un soutien militaire réel, sa conspiration médiatique et sa violence de rue n´ont pas d´avenir. Chaque jour qui passe, sans parvenir à quoi que ce soit de concret, lui retire le soutien des vénézuéliens de droite, en particulier des commerçants mafieux qui ont déjà investi environ 100.000 millions de bolivars (Ndlr: Monnaie vénézuélienne) pour financer un mouvement subversif qui les conduira, pensent-ils, de retour au pouvoir et au contrôle des revenus pétroliers du Venezuela.
Des pays comme la Colombie, le Mexique, l’Argentine et le Brésil, les États-Unis, l’Espagne, la France et l’Angleterre, entre autres, confrontés à des problèmes sociaux et politiques internes, aimeraient voir disparaître le « mauvais exemple » de la révolution bolivarienne.
Mario Sanoja Obediente :Chercheur vénézuélien, scientifique émérite du Ministère de la culture, Docteur en anthropologie, Professeur de l’Université centrale du Venezuela et de l’Académie nationale de la culture, Mario Sanoja est auteur de nombreux articles et livres.
Iraida Vargas-Arenas :Vénézuélienne. Docteur en anthropologie, histoire et géographie, Université Complutense de Madrid, Professeur à l’Université Centrale du Venezuela et Cum Laude. Elle a complété des études supérieures à l’Institut des hautes études, l’Université de la Sorbonne, l’Institut de minéralogie, la Smithsonian Institution, et le Musée d’histoire naturelle de Washington. Iraida Vargas est l’auteur de plus de 100 articles et de plus de 20 ouvrages scientifiques.
Venezuela : à la rencontre de « l'opposition » (Abby Martin, Empire Files - 1/2) *
Venezuela : à la rencontre de « l'opposition » (Abby Martin, Empire Files - 2/2) *
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akasha Administrateur
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Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Jeu 3 Aoû - 1:10
Venezuela : la grande manip
Par josefort / Lundi, 31 Juillet, 2017 - 19:17
Un peu plus de 8 millions de Vénézuéliens ont voté dimanche en faveur d’une Assemblée constituante malgré la violence déclenchée par une opposition puissante disposant de moyens considérables financiers et médiatiques soutenue par le gouvernement des Etats-Unis et la CIA. Un succès pour le mouvement populaire et progressiste vénézuélien
En France et plus généralement en Europe, la tendance médiatique est à l’acharnement contre le pouvoir en place à Caracas en procédant à une manipulation de l’information. Les images des manifestations de la dite « opposition » qui se traduisent généralement par des scènes de guerre sont largement diffusées alors que les rassemblements chavistes sont passés sous silence. On évoque plus de cent morts depuis le début des affrontements en oubliant de préciser que des candidats à la constituante et des militants chavistes ont été assassinés tandis que les forces de l’ordre ont enregistré nombre de morts et de blessés. Les médias des Bolloré, Drahi, Lagardère et ceux du « service public » ont choisi leur camp : celui de l’extrême droite vénézuélienne. Ils rejoignent ainsi les pires forces réactionnaires du continent latino américain dans des pays qui osent remettre en cause le verdict des urnes vénézuéliennes alors que ces mêmes pays se distinguent par la corruption, le népotisme et les atteintes aux droits de l’homme. Je veux parler du Mexique, du Pérou, de Panama, de l’Argentine et de la Colombie.
Ce n’est pas au Venezuela que 45 étudiants ont été assassinés sans aucune suite judiciaire, que les fosses communes débordent d’hommes et de femmes martyrisés, que la misère et l’analphabétisme sévit dans tout le pays, mais au Mexique.
Ce n’est pas au Venezuela que le rapport 2017 d’Amnesty relève la multiplication de violences contre les femmes et les populations indigènes, que l’armée et la police s’illustrent par des opérations répressives dans le villages éloignés de la capitale, mais au Pérou.
Ce n’est pas au Venezuela que la finance internationale camoufle ses méfaits, mais au Panama.
Ce n’est pas au Venezuela que le pouvoir s’attaque aux grands mères des disparus durant la dictature, que la répression s’abat sur le mouvement ouvrier mais en Argentine.
Ce n’est pas au Venezuela que des centaines d’opposants politique restent toujours emprisonnés malgré des « accords de paix », que des militants de gauche sont assassinés mais en Colombie.
Le Venezuela n’a pas de leçon à recevoir de ces régimes corrompus et fascisants. Son peuple doit dans la paix enfin retrouvée surmonter lui et lui seul l’épreuve en cours.
La sale guerre du gouvernement espagnol contre la démocratie vénézuélienne
Jusqu’il y a peu, le problème vénézuélien faisait partie de la politique intérieure du pays. Le show électoral espagnol a influé sur l’ordre du jour de tous les partis politiques de l’éventail aussi bien de droite que de gauche. Mais en ce moment, il y a des éléments qui indiquent que le gouvernement espagnol a joué un rôle plus actif dans la guerre sale contre le Venezuela, comme il l’a fait en son temps contre Cuba pour influencer les gouvernements européens.
La politique espagnole est toujours pleine de paradoxes, de simulacres et d’actions excessives. Beaucoup d’entre elles sont mises en scène pour essayer de convaincre les Espagnols qu’en plus d’utiliser leurs fonctions pour s’enrichir, ils font quelque chose qui ressemble à ce que, sous d’autres cieux, on appelle « gérer les affaires publiques et défendre les intérêts du pays. »
Mais quand on analyse, même superficiellement, la politique étrangère concernant le Venezuela, on trouve tellement d’incohérences et de non-sens qu’on ne peut que penser qu’il y a un scénario écrit et/ou dirigé de l’étranger ou, ce qui revient au même, que notre politique étrangère est subordonnée aux intérêts de l’empire états-unien.
Comment expliquer sinon que le ministre des Affaires Etrangères ait validé un plébiscite organisé par l’opposition vénézuélienne, sans aucune garantie et sans le soutien du Conseil National Electoral, à l’issue duquel on a brûlé les bulletins de vote, avec des observateurs qui reconnaissent avoir été payés par les organisateurs, etc… alors que le gouvernement espagnol déclare illégale la consultation organisée en Catalogne ?
Comment expliquer que le gouvernement vénézuélien et son Président étant reconnus comme légitimes par l’Etat espagnol, M. Dastis, ministre des Affaires Etrangères, déclare que « ce n’est pas une démocratie » ? Comment interpréter qu’après une rencontre avec son homologue états-unien, Rex Tillerson, il affirme « qu’il faut continuer à augmenter la pression pour que le Venezuela redevienne une démocratie ? »
Toute personne sensée pourrait se poser une simple question qui l’aiderait à comprendre qu’au Venezuela, se livre l’une des batailles les plus importantes d’une guerre mondiale dirigée par les Etats-Unis et que le gouvernement espagnol n’est rien d’autre qu’un vassal servile au service de la logique impérialiste. Sans doute, il faudrait tout d’abord faire un effort de désintoxication de l’information pour que ce qui est évident ne soit pas neutralisé par la propagande des médias que nous ingérons quotidiennement. Mais en réalité, il suffirait d’appliquer aux médias de masse les mêmes critères et les mêmes soupçons que nous avons quand ils nous donnent des informations sur notre propre pays. Voyons quelles seraient ces questions :
A quoi est dû le fait que la puissance de guerre la plus importante du monde (800 bases militaires dispersées dans le monde entier, le budget militaire le plus élevé de la planète, 200.000 soldats déployés dans 100 pays) déclare, par un décret exécutif, que le Venezuela est une « menace inhabituelle et extraordinaire », un pays qui n’a pas de bases militaires à l’étranger et dont l’armée est à la 52° place au classement mondial ?
Quelles ressources naturelles et morales le Venezuela possède-t-il qui en fassent une menace pour l’Empire et ses alliés ?
Si le Venezuela est une dictature, comment se fait-il que depuis que Chávez a été élu Président (1999), plus de 20 élections aient été organisées, que le Centre états-unien Carter, qui agit en tant qu’observateur des élections, ait reconnu son système électoral comme l’un des plus clairs et transparents du monde, que le gouvernement bolivarien de Nicolás Maduro occupe un poste important dans les principales commissions des Nations Unies où on a besoin d’être élu (le Venezuela a simultanément un mandat dans 7 commissions, y compris la présidence du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU jusqu’en 2018.)
Rien qu’en janvier 2017, on a enregistré au Mexique 1.938 homicides, de mars 2016 à mars 2017, 156 dirigeants sociaux et défenseurs des Droits de l’Homme ont été assassinés en Colombie, d’où vient alors que les médias de masse ne parlent que de la violence au Venezuela et que le ministre des Affaires Etrangères espagnol dise que la situation au Venezuela est insoutenable ?
Si la situation au Venezuela est tellement insoutenable, comment se fait-il que son taux d’émigration soit le plus bas de l’Amérique Latine (0,4% contre 11,8% pour le Mexique par exemple) ? Comment expliquer que son taux de chômage soit de 6% (en Espagne, il est de 20,9%) et, qu’avec Cuba, le Venezuela soit le pays du continent dans lequel il y a le moins d’inégalités (l’Espagne est la pays de l’ OCDE où il y a le plus d’inégalités) et qu’il n’y ait pas de malnutrition (en Espagne, la population en danger de pauvreté est de 28,3%) ? Comment se fait-il que la mortalité infantile soit en-dessous de la moyenne régionale et qu’il n’y ait ni journalistes assassinés ni disparitions forcées ?
Quand nous essayons de répondre à ces 5 questions, la première conclusion est que les attaques actuelles du gouvernement espagnol contre le Venezuela ont d’autres raisons que celles invoquées publiquement et ne proviennent pas de son souci pour la paix ou l’amélioration des conditions de vie du peuple vénézuélien.
Jusqu’il y a peu, le problème vénézuélien faisait partie de la politique intérieure du pays. Le show électoral espagnol a influé sur l’ordre du jour de tous les partis politiques de l’éventail aussi bien de droite que de gauche. Ainsi, une fois consolidée la criminalisation médiatique, le Venezuela a été une arme de jet pour accuser Podemos de populisme, de radicalisme et d’autoritarisme, mais il a été aussi pour eux un obstacle gênant qu’il fallait constamment contourner, pour une raison morale douteuse. La plupart des partis politiques du pays ont pris position, ouvertement ou timidement, activement ou passivement, dans la logique de guerre sale contre le gouvernement bolivarien.
Le double rôle consistant à mener les campagnes électorales tout en étant au service des Etats-Unis et donc en diffusant une image négative du Venezuela a été la ligne dominante de la politique espagnole.
Mais en ce moment, il y a des éléments qui indiquent que le gouvernement espagnol a joué un rôle plus actif dans la guerre sale contre le Venezuela, comme il l’a fait en son temps contre Cuba pour influencer les gouvernements européens. La fréquence des déclarations contre le gouvernement bolivarien a augmenté, le gouvernement a élevé le ton et est devenu le porte-parole des thèses putschistes de l’opposition vénézuélienne. Les médias espagnols ont radicalisé leur campagne empoisonnée et, en général, les uns et les autres reproduisent point par point la propagande états-unienne.
Tout montre que les principaux acteurs politiques espagnols exécutent une commande : créer les conditions pour qu’aussi bien l’opinion publique espagnole que l’opinion publique européenne soient favorables à une intervention armée. Les déclarations du démocrate douteux, l’ex-président Felipe González, affirmant qu’on ne doit pas organiser une Assemblée Nationale Constituante au Venezuela suffisent comme exemple. Un ex-président qui ne peut cacher ses excellentes relations et les intérêts qu’il partage avec l’oligarchie vénézuélienne et qui n’a pas hésité à faire cause commune avec l’ex-président Aznar contre le gouvernement bolivarien.
Dans le cas des Etats-Unis, il est évident que dans l’escalade de guerre actuelle, mettre à genoux le Venezuela est un objectif prioritaire si on envisage l’un des scénarios possibles prévus par les think tanks : un affrontement avec d’autres puissances à capacité militaire équivalente comme la Russie. Pour ce scénario, on présente comme nécessaire de récupérer des zones d’influence et le contrôle de sources d’énergie et d’approvisionnement, à savoir ce qui est considéré par les politiciens états-uniens comme « l’arrière-cour latino-américaine. »
Le Venezuela est une pièce clef dans cette perspective puisque la page officielle de la CIA signalait, en 2015, que le Venezuela était le pays qui avait les plus importantes réserves de pétrole prouvées du monde (18 % du total) et, évidemment, de grandes réserves de gaz, de ressources hydrauliques et de minerais rares.
Il y a un facteur important que nous ne verrons jamais dans les analyses des think tanks, c’est qu’au Venezuela se trouvent aujourd’hui d’importantes ressources morales : la défense de sa souveraineté et de son indépendance politique, l’intégration régionale basée sur des critères de coopération, le soutien aux causes justes comme la Palestine, un projet égalitaire et de justice sociale de caractère socialiste… Nous pourrions dire qu’après la résistance héroïque de Cuba, le flambeau est passé aux mains des Vénézuéliens.
Toutes les données objectives signalent que la guerre sale contre le Venezuela a été mise en marche depuis longtemps, qu’avec le président états-unien B. Obama, on a appuyé sur l’accélérateur et qu’avec Donald Trump se poursuit le plan d’intervention fixé. En avril de cette année, l’amiral états-unien chef du Commandement Sud, Kurt Tidd, a dit devant le Comité des Services Militaires du Sénat des États-Unis que la situation au Venezuela avait empiré et que cela pourrait déclencher une « crise humanitaire qui demande une intervention militaire au niveau régional. ». Ensuite, il a dû préciser qu’il ne parlait pas d’une intervention militaire, mais il n’y a aucun doute que ses paroles donnent un aval à ce que l’opposition appelle Heure Zéro au Venezuela.
La résistance du peuple vénézuélien qui défend sa démocratie malgré la guerre économique, le fait de ne pas avoir réussi à fissurer l’Alliance bolivarienne, les tentatives répétées du gouvernement de Nicolás Maduro pour ouvrir des canaux de dialogue et sa proposition d’Assemblée Nationale Constituante en tant que stratégie pour vaincre pacifiquement l’opposition putschiste ont accéléré la feuille de route de l’intervention qui répond, avec de grandes similitudes avec ce qui a été fait au Chili avant le coup d’Etat de Pinochet, à ces lignes :
-Augmenter le niveau de violence et de provocation aussi bien en s’opposant à l’Assemblée Nationale que grâce à des groupes paramilitaires qui agissent dans la rue.
-Former un gouvernement parallèle légitimé par des organismes internationaux contrôlés par les Etats-Unis et par des pays alliés.
-Obtenir une masse critique avec le plébiscite frauduleux du 16 juillet.
-Entraver et saboter l’administration publique pour faire s’effondrer la prestation de biens et de services.
-Augmenter la pression économique et financière jusqu’à faire éclater définitivement l’économie.
-Organiser des campagnes systématiques de désinformation, de post-vérité et de fake news.
-Préparer des grèves et des débrayages dans les services, le transport et dans le secteur pétrolier.
-Boycotter l’entrée dans le pays d’aliments et de médicaments, paralyser les importations.
-Augmenter la propagande sur les violations des droits de l’homme, la crise humanitaire, etc…
-Créer un gouvernement de transition avec la reconnaissance de l’OEA et de certains gouvernements européens, en particulier du gouvernement espagnol.
Il ne s’agit pas d’une nouvelle forme de guerre sale. Aussi bien la séquence des événements que le type d’actions ont déjà été appliqués souvent dans l’environnement latino-américain : coups d’Etat, interventions militaires, financement de paramilitaires, d’opposants comme de la contre-insurrection, guerre psychologique, coups d’Etat doux, intervention humanitaire… L’isolement, la diabolisation et l’intervention continuent à s’accomplir à différents niveaux de complexité. La différence est que la résistance du peuple vénézuélien oblige l’impérialisme à diversifier ses formes d’intervention et à les rendre plus complexes.
Si, dans le cas des Etats-Unis, les intérêts dissimulés et la raison de la priorité donnée à l’agression contre le Venezuela semblent clairs, qu’est-ce qui fait agir le gouvernement espagnol et se joindre si activement à ce plan de guerre ? Etant donné qu’en ce moment, il n’y a pas d’élections en vue, il faut chercher d’un autre côté.
Après l’entrée de l’Espagne dans l’OTAN en 1982, a été signé l’Accord de Coopération pour la Défense (1988) avec plusieurs ratifications et amendements qui ont débouché sur le Nouvel Ordre du Jour Transatlantique (1995). Le renforcement des relations bilatérales s’est produit à partir de 2001, lors de la signature avec la Secrétaire d’Etat nord-américaine, Madeleine Albright, d’une déclaration conjointe qui représenta un saut qualitatif dans les relations bilatérales, en renforçant notre dépendance envers les Etats-Unis (non seulement au niveau politique mais aussi dans le domaine de la défense et de la sécurité, en matière de coopération économique et financière, scientifique, industrielle, technologique et culturelle).
A partir de la présidence d’Obama et après un petit froid dû au retrait des troupes espagnoles d’Irak, les relations bilatérales avec les Etats-Unis se sont à nouveau renforcées. Il y a eu la rencontre de Rajoy et d’Obama à Washington (janvier 2014), des voyages continuels de divers ministres, le voyage officiel des souverains d’Espagne, la visite du secrétaire d’Etat John Kerry et du secrétaire à la Défense Ashton Carter en Espagne, etc…
Le ministère des Affaires Etrangères lui-même affirme sur son site que les Etats-Unis sont un allié avec lequel « peu de pays dans le monde ont des liens historiques, culturels et linguistiques aussi forts et avec lequel nous partageons les mêmes valeurs démocratiques et intérêts géostratégiques. » N’importe qui sachant lire entre les lignes verra que la relation entre un pays comme l’Espagne, sans ressources naturelles importantes, avec une dette extérieure qui dépasse son PIB, une forte dépendance envers les ressources énergétiques, etc… et les Etats-Unis ne peut être une relation entre égaux mais uniquement une relation de subordination et de dépendance.
Pour les Etats-Unis, en finir avec le gouvernement vénézuélien est une politique d’Etat et fait partie de la guerre mondiale que l’administration états-unienne appelle « défendre les intérêts nord-américains dans n’importe quelle partie du monde. » Un empire, si décadent soit-il, ou au pouvoir si diminué qu’il soit, ne peut rien faire d’autre qu’étendre la guerre pour conserver son hégémonie. D’un autre côté, l’impérialisme n’est que la forme qu’adopte l’expansion capitaliste et, en ce moment, le Venezuela constitue l’un de ses principaux obstacles. Le guerre qui se livre contre le Venezuela est donc une guerre qui nous concerne tous puisque c’est seulement une des parties les plus visibles de la Troisième Guerre mondiale qui est déjà en marche.
Dans le cas du gouvernement et de l’Etat espagnol, sa position active et belliciste en faveur de la feuille de route des Etats-Unis provient de la servilité, de l’incapacité et de la subordination de notre classe politique.
Dans cette guerre contre le peuple vénézuélien et son gouvernement, l’équidistance ne suffit pas, la neutralité ou les bonnes intentions non plus. Il faut seulement démasquer et dénoncer le rôle de l’Espagne et soutenir les efforts héroïques d’un pays pour défendre son indépendance et sa souveraineté, efforts qui, en ce moment, doivent être la bannière qui nous unit tous contre l’impérialisme.
Angeles Diez est Docteur en Sciences Politiques et en Sociologie, professeur à l’Université Complutense de Madrid, membre du Forum Contre la Guerre impérialiste et l’OTAN, juillet 2017.
Traduit de l’espagnol par Bolivar Infos, relecture par Investig'Action
Source : Plataforma contra las Guerras
Alire aussi :
Les 10 victoires du Président Maduro, par Ignacio Ramonet
Depuis l’arrivée au pouvoir de Hugo Chavez, le pays a dû affronter une série d’obstacles politiques, sociaux et économiques aussi bien internes qu’externes, qui se sont accentués lors de la présidence de Nicolas Maduro. Ignacio Ramonet analyse ici l’année 2016, l’année la plus compliquée de la révolution bolivarienne. (...) source
File d’électeurs populaires pour la Constituante, le 30 juillet, au Venezuela. Les huit millions d’électeurs (soit une participation de 41,5%) dépassent les 37,5% du précédent référendum constitutionnel, organisé en 1998 dans un contexte pacifique, sans menaces, attentats ni barrages routiers de la droite. Une partie du chavisme critique qui s’était abstenu aux législatives de 2015, favorisant une large victoire de la droite à l’Assemblée Nationale, s’est cette fois mobilisé. (NDLR)
La journaliste de Telesur Monica Vistali dénonce un autre exemple de désinformation. Pendant que « Libé » rediffuse l’opinion qu’une des nombreuses ONGs de « droits de l’homme » de l’opposition répand depuis des années sur « la torture au Venezuela » comme s’il s’agissait d’une information ou d’un élément nouveau, une autre « organisation de vénézuéliens à l’extérieur » propose une variante croustillante : Evo Morales a envoyé au Venezuela des « violeurs » et des « tortureurs » pour « augmenter la répression du régime » de Nicolas Maduro. « Plus c’est gros plus ça passe » disait Goebbels.
par José FORT *
Un peu plus de 8 millions de Vénézuéliens ont voté dimanche en faveur d’une Assemblée constituante malgré la violence déclenchée par une opposition puissante disposant de moyens considérables financiers et médiatiques soutenue par le gouvernement des Etats-Unis et la CIA. Un succès pour le mouvement populaire et progressiste vénézuélien.
En France et plus généralement en Europe, la tendance médiatique est à l’acharnement contre le pouvoir en place à Caracas en procédant à une manipulation de l’information. Les images des manifestations de la dite « opposition » qui se traduisent généralement par des scènes de guerre sont largement diffusées alors que les rassemblements chavistes sont passés sous silence. On évoque plus de cent morts depuis le début des affrontements en oubliant de préciser que des candidats à la constituante et des militants chavistes ont été assassinés tandis que les forces de l’ordre ont enregistré nombre de morts et de blessés. Les médias des Bolloré, Drahi, Lagardère et ceux du « service public » ont choisi leur camp : celui de l’extrême droite vénézuélienne.
Ils rejoignent ainsi les pires forces réactionnaires du continent latino américain dans des pays qui osent remettre en cause le verdict des urnes vénézuéliennes alors que ces mêmes pays se distinguent par la corruption, le népotisme et les atteintes aux droits de l’homme. Je veux parler du Mexique, du Pérou, de Panama, de l’Argentine et de la Colombie.
Ce n’est pas au Venezuela que 45 étudiants ont été assassinés sans aucune suite judiciaire, que les fosses communes débordent d’hommes et de femmes martyrisés, que la misère et l’analphabétisme sévit dans tout le pays, mais au Mexique.
Ce n’est pas au Venezuela que le rapport 2017 d’Amnesty relève la multiplication de violences contre les femmes et les populations indigènes, que l’armée et la police s’illustrent par des opérations répressives dans le villages éloignés de la capitale, mais au Pérou.
Ce n’est pas au Venezuela que la finance internationale camoufle ses méfaits, mais au Panama.
Ce n’est pas au Venezuela que le pouvoir s’attaque aux grands mères des disparus durant la dictature, que la répression s’abat sur le mouvement ouvrier mais en Argentine.
Ce n’est pas au Venezuela que des centaines d’opposants politique restent toujours emprisonnés malgré des « accords de paix », que des militants de gauche sont assassinés mais en Colombie.
Le Venezuela n’a pas de leçon à recevoir de ces régimes corrompus et fascisants. Son peuple doit dans la paix enfin retrouvée surmonter lui et lui seul l’épreuve en cours.
Militants de base avec leur député à la Constituante, engagés notamment dans la lutte pour l’écosocialisme et pour le renforcement de l’État communal (État de Lara).
Venezuela : Révolution bolivarienne de B à M #0, par Filip Fi
Citation :
Une synthèse par un petit jeune plein d’avenir
akasha Administrateur
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Sam 5 Aoû - 1:20
-------> Suite il y a eu un bug ? ?
l faut savoir un gré infini à @Filip__FI, ce lycéen de la France Insoumise, pour la leçon de journalisme qu’il nous donne depuis peu sur son Blog http://bit.ly/2wcvsiZ. Jean Lacouture définissait le journaliste comme « l’historien du présent » et c’est bien ce qui fait défaut à nos zombies des médias : aider le citoyen lecteur, auditeur ou téléspectateur à comprendre le présent à travers l’examen vivant du passé.[/b][/center]
Pour bien comprendre l’univocité scandaleuse des médias actuels contre un processus démocratique qui a vu une énorme participation populaire répondre pacifiquement à trois mois d’insurrection armée de la droite, et où des militants de tous bords veulent élargir les droits citoyens en portant leurs propositions à la discussion de la constituante, on doit prendre en compte la disparition du pluralisme suite au rachat généralisé par les milliardaires, l’inculture crasse des écoles de journalisme réduites à l’enseignement du formatage, l’alliance du carriérisme et du conformisme chez d’ex-pigistes, la peur de se retrouver seul et de perdre des lecteurs, la droitisation des sociétés européennes, etc… mais il y aussi l’histoire profonde d’une Europe encore prisonnière de son histoire de domination. Se rappeler par exemple qu’il y a 200 ans des gazettes et agents nord-américains traitaient déjà Bolivar de « César assoiffé de pouvoir ». Ou comprendre que la politique Sud-Sud du président Chavez, visant à unifier l’Amérique Latine et à la rapprocher de l’Afrique, souvent décriée à cause de rapports avec l’Iran ou la Libye, s’inspirait en réalité de la vision de Bolivar del « Equilibrio del mundo » et de la célèbre conférence de Bandoeng de 1955 où pour le dire avec Lacouture, « Les damnés de la terre réinvente le monde« . Cette conférence réunissait pas mal de tyrans aux côtés de chefs d’État plus démocrates du Tiers Monde mais nul historien ne conteste qu’elle marqua une étape décisive dans l’émancipation post-coloniale des peuples du Sud.
Le Venezuela et sa révolution bolivarienne, c’est quoi au juste? Si vous vous posez cette question, vous êtes au bon endroit. Pour certains d’entre vous, vous en avez entendu parler à l’occasion des deux derniers scrutins électoraux avec la fameuse “Alliance bolivarienne”. Pour d’autres, vous connaissiez déjà ce pays et ce qui s’y passe mais des questions restent toujours en suspens. Dans les deux cas, cette série d’articles vous est destinée. En voici un avant-propos.
Au-delà du seul Venezuela, l’étude de la révolution bolivarienne est d’autant plus intéressante, qu’elle a amorcé le passage à gauche de nombreux pays d’Amérique latine en ce début de XXIème siècle, occasionnant des changements profonds et inédits à travers le continent, avec plus ou moins de succès selon les cas.
Mais elle est également à l’origine d’un clivage profond de Caracas à Paris. A la fois un clivage classique des forces politiques antagoniques (gauche/droite au sens littéral des termes), mais également un clivage fratricide au sein de la gauche intellectuelle, accentué par la crise en cours dans le pays.
Ma démarche à travers cette série d’article est avant tout d’informer et de rétablir la vérité à propos de cette révolution. Mille et une choses ont été dites et répétées dans les médias “mainstream”, avec souvent une désinformation qui frise le ridicule. Et pourtant, l’acharnement est tel, que certains, y compris parmi les plus convaincus jusqu’ici, se mettent à douter des acquis de la révolution et se perdent dans la critique incessante qui lui est faite. Par conséquent, ma démarche sera essentiellement factuelle oui, mais je ne manquerais pas de prendre position et d’interpréter certains faits, si cela me semble nécessaire.
Enfin, je termine cet avant-propos avec quelques précisons quant à la forme et l’origine de cette série d’articles. En premier lieu, il faut savoir que l’ensemble est basé sur un devoir du baccalauréat (TPE) que j’ai réalisé l’année dernière. Ce devoir est matérialisé par un dossier de trente et une pages déjà bien remplies. Afin de ne pas partir de zéro, j’ai décidé de le reprendre, notamment à travers son organisation, dans
l’optique de rendre accessible au plus grand nombre des informations aussi fiables que possible sur la révolution.
Le choix du titre des articles n’est pas non plus anodin. J’ai choisi la formulation Révolution bolivarienne de B à M pour deux raisons. Tout d’abord pour montrer la logique chronologique de notre aventure, du B de Bolivar au M de Maduro, mais aussi pour préciser que je n’ai nullement la prétention de relater ici la vérité vrai sur le Venezuela, ni de tout dire de A à Z. Je m’y appliquerais mais, n’étant pas un surhomme, certaines choses m’échapperont, quand d’autres seront de trop.
L’objectif premier de cette série d’article est de faire en sorte que les mensonges répétés mille fois, ne finissent pas par devenir des vérités. Les articles se suivent chronologiquement mais peuvent tout à fait se lire séparément. Cela permet le partage séparé des articles afin que l’on diffuse un maximum autour de nous des informations qui se font rares dans la presse. En vous souhaitant une bonne lecture et en espérant que cette série vous plaira et vous sera utile.
Comme son nom l’indique de la manière la plus explicite qui soit, la révolution bolivarienne se réclame de la pensé d’une personne : Simon Bolivar, pourquoi ? Qui est cet Homme ? Quelle est donc sa pensée pour qu’elle soit reprise au XXIème siècle ? Et oui, on ne fait pas de politique sans histoire, alors rembobinons la cassette historique de deux cents ans, car c’est là qu’en réalité, tout a commencé.
Né le 24 juillet 1783 à Caracas, Simon Bolivar, aussi appelé le Libertador (libérateur), fut un homme politique et leader militaire qui joua un rôle majeur dans la libération des peuples de l’Amérique du Sud. Fils d’aristocrates espagnols, il grandit, contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans un milieu privilégié. Il perd ses parents très jeunes (3 et 9 ans) mais deux personnes vont l’éduquer et forger sa pensé. Hipolita est sa nourrice noire et esclave de la famille, elle va le nourrir et s’occuper de lui comme son propre enfant (elle donnera d’ailleurs son nom à une des missions sociales de la future révolution). Bolivar la gardera toujours au plus près de son cœur.
Simon Rodriguez ou Robinson est peut-être celui qui a joué le plus grand rôle pour forger la pensée de Bolivar, c’est son mentor. C’est un lecteur de Rousseau qui va l’initier à la littérature classique et à la philosophie libérale jusqu’en 1798 (il a d’ailleurs sa place au Panthéon National et donnera lui aussi son nom à une mission sociale). A partir de cette date, Bolivar, poussé par son oncle, entame une carrière militaire et des voyages initiatiques en Europe qui vont compléter sa formation.
En 1799 il arrive en Espagne après une escale au Mexique et à Cuba, il y rencontre rapidement la belle espagnole Maria Teresa dont il tombe amoureux. Il veut fonder une famille et revenir au Venezuela mais son oncle lui conseille de voyager quelques temps en lui expliquant que c’était un peu prématuré. 1801, il se rend à Bilbao puis en France à Paris et Amiens avant de revenir à Madrid et épouser Maria Teresa. Bolivar et Maria Teresa vivent l’amour fou et voyagent au Venezuela jusqu’en janvier 1803 où Maria meurt de la fièvre jaune. Bolivar est bouleversé et anéanti, il repart en Europe pour s’installer à Paris au printemps 1804. Il va y vivre une vie sociale très intense avec tous les plaisirs que peut offrir la capitale française et va même avoir des amours furtifs, un signe évident de sa tourmente amoureuse après la mort de Maria. Bolivar va également y retrouver son maître et ami Simon Rodriguez et d’autres savants avec lesquels il va commencer à parler de l’indépendance latino-américaine.
Continuant ses voyages à travers l’Italie, la Hollande, l’Angleterre et les Etats-Unis, Bolivar s’aperçoit que le déclin de l’empire espagnol est inéluctable et jure à Rome de ne jamais laisser son âme, ni son bras en repos, tant que l’Amérique « espagnole » ne sera pas libre.
De retour au Venezuela, Bolivar entame le processus de libération de l’Amérique. Ne racontons pas toutes les batailles militaires mais allons directement aux dates clés de cette indépendance qui sera marquée et influencée par la mort de Bolivar.
- 5 juillet 1811 : Avec l’appui de Bolivar et Francisco de Miranda (un autre héros de l’indépendance), un congrès proclame l’indépendance et la Première République du Venezuela. - Juin 1812 : Les troupes espagnoles reconquièrent le pays. - Août 1813 : Après de nombreuses victoires militaires de Bolivar, la Deuxième République est proclamée. Le titre de « Libertador » lui est alors décerné par la municipalité de Caracas (future capitale) le 14 octobre de la même année.
Malgré tout, la république est proclamée mais différentes batailles continueront de sévirent avant la véritable indépendance, c’est-à-dire le retrait définitif des troupes espagnoles.
- 17 janvier 1819 : Sous l’impulsion de Bolivar et sa vision de l’union latino-américaine, la Grande Colombie est proclamée. Elle regroupe le Venezuela et la Colombie (incluant à l’époque le Panama). Plus tard, l’Equateur en fera partie à partir de 1822. - 17 décembre 1830 : A l’âge de 47 ans, Bolivar, souffrant de graves problèmes de santé, s’éteint, et avec lui la Grande Colombie la même année. Sa mort reste tout de même mystérieuse, certains affirment qu’il a été assassiné. - 1845 : Après des décennies d’obstination des espagnols pour ces territoires, la souveraineté est enfin reconnue et les troupes militaires espagnoles se retirent enfin.
Drapeau de la Grande Colombie de 1821 à 1831
III. Le bolivarisme
Sur le fond, quel est l’héritage idéologique laissé par Bolivar pour qu’il soit repris à travers tout un continent au XXIème siècle? On note avant tout la nécessité d’une unité latino-américaine qui va de pair avec son indépendance. Les indépendances nationales doivent se consolider à travers un pouvoir central qui serait le garant de la stabilité du continent. La Grande Colombie en a été une expérience. Bolivar est également le précurseur de l’anti-impérialisme sur le continent en prônant l’équilibre universel. Cette doctrine consiste à combattre sur le plan international, toute supériorité de nations sur d’autres. Elle s’applique tant à l’hégémonie européenne que celle des Etats-Unis. Et oui, en 1829, Bolivar disait déjà des Etats-Unis qu’ils semblaient “destinés par la Providence à attirer sur l’Amérique toutes les pires plaies au nom de la liberté”. Mais Bolivar est par-dessus tout un humaniste convaincu. Il refuse l’esclavage et l’exploitation des indigènes, et prône liberté et justice. C’est également un pacifiste, l’armée ne servant à ses yeux qu’à libérer des territoires, en aucun cas les conquérir.
Cette période de l’histoire est extrêmement importante pour comprendre la révolution bolivarienne. Le chavisme fera constamment référence à ces héros de l’histoire vénézuélienne pour s’y identifier. Bien que Bolivar prendra le dessus pour la symbolique dont il est porteur, bien des noms reviendront sur la scène politique, de Sucre à Miranda, en passant par Robinson ou Hipolita. Dans quel contexte reviendront-ils? La suite au prochain épisode…
Si vous voulez aller plus loin…
- …dans la pensée bolivariste, je vous conseille cet excellent texte d’Héctor Constant Rosales, professeur à l’Université centrale du Venezuela, qui détaille la pensée de Bolivar et son actualité au sein des relations internationales de l’Amérique latine: Actualité de la pensée de Simon Bolivar dans les relations internationales du XXIe siècle - …dans la biographie de Simon Bolivar lui-même, il est sortie en 2013 un film à très gros budget qui retrace justement sa vie à travers ses aventures américaines et extra-américaines: Liberator
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orné Modérateur
Messages : 1259 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 51 Localisation : où ça ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Mar 15 Aoû - 11:33
Citation :
Suite de notre série sur le Venezuela, avec différents articles visant à compléter la vision diffusée par les médias.
Rappelons que nous ne soutenons aucun camp là-bas, militons pour que le peuple vénézuelien choisisse librement et démocratiquement son avenir, et condamnons toutes les atteintes aux Droits de l’Homme des deux camps…
Pour changer, une vision critique venant de l’extrême-gauche
Le régime « chaviste », après avoir déréglé les mécanismes de l’économie de marché, sans leur substituer la logique d’une économie socialiste, ni d’un pouvoir des travailleurs, connait un effondrement économique sans précédent, et des affrontements croissants entre la nouvelle et la vieille bourgeoisie. La seule alternative est la construction d’un mouvement ouvrier et populaire indépendant.
Effondrement économique
Chavez a donné le change un moment avec de longs discours sur le « socialisme du XXIème siècle » et même l’écosocialisme. Mais les discours enflammés ont servi à maintenir une société toujours capitaliste, toujours autoritaire, sans démocratie des travailleurs, très dépendante du pétrole comme des multinationales et de la finance internationale. A aucun moment la bourgeoisie n’a été expropriée. A tel point qu’elle prospère politiquement, profitant de l’approfondissement sous Maduro de l’incohérence économique, de la corruption et du césarisme autoritaire.
Les produits pétroliers ont représenté environ 95 % des exportations en 2016 contre 69 % en 1998. Il n’y a pas eu de réinvestissement productif de la gigantesque rente que l’Etat vénézuélien a encaissé comme résultat de la montée des prix du pétrole dans les années 2000. Le Vénézuela n’est pas sorti du modèle du pétro-Etat corrompu et donc autoritaire, pas plus que le Nigeria ou l’Angola.
Pendant la présidence de Chavez (1999-2013), le cours du pétrole est passé de 8 à 150 dollars le baril, mais le régime de Chavez n’a pas réinvesti une partie de cette rente dans des projets productifs, ni même dans la production de pétrole. Celle-ci a chuté entre 1998 et 2016 de 3,2 à 2,2 millions de barils par jour. L’absence d’investissements a aussi fait reculer la quantité raffinée de plus de 1 million en 2005 à 830 000 baril par jour en 2015. Le Vénézuela vend de moins en moins de brut et doit maintenant importer des produits raffinés. Le pays importe désormais du sucre et du café et manque des devises nécessaires à l’achat de ses produits de base.
L’hyperinflation, selon les calculs du FMI, dépasse en Avril 2017 les 700% en rythme annuel. Le taux de croissance est fortement négatif depuis 2014. En 2016, l’État a payé plus de 60 milliards de dollars pour le remboursement de la dette publique externe, soit environ 15% du PIB, alors que les droits élémentaires comme la santé ou l’alimentation ne sont plus assurés. De nombreux médicaments allant de simples anti-inflammatoires aux traitements de chimiothérapie sont devenus inabordables pour la plupart des Vénézuéliens, à tel point que Maduro a demandé aux Nations Unies de l’aider.
L’émigration, pour la première fois, devient massive. La crise économique amplifie les recours à la violence. Selon un rapport de l’observatoire vénézuélien de la violence publié fin 2016, le Vénézuela serait le deuxième Etat le plus violent au monde après le Salvador avec un taux d’homicides estimé de 91,8 par an pour 100.000 habitants .
Le gouvernement cède enfin à l’extractivisme, avec son mégaprojet d’exploitation minière autour de la frange de l’Orénoque, sous contrôle des militaires et en alliance avec des multinationales, qui devrait concerner 12% du territoire national, au détriment de l’environnement, de la biodiversité exceptionnelle de cette zone et des nombreuses communautés indigènes. Il prévoit aussi de placer une grande partie du pays sous un régime de Zones économiques spéciales (ZES) où ne seront pas appliquées les lois fiscales, de protection sociale ou du travail.
Affrontement entre deux secteurs de la bourgeoisie
La crise économique s’est soldée par la victoire de l’opposition aux élections législatives de décembre 2015. L’opposition regroupées dans le MUD (Table de l’Unité Démocratique), coalition d’une vingtaine de partis, a alors remporté 99 sièges sur 167 au Parlement monocaréral, les chavistes n’en retenant plus que 46. C’est alors que le président Maduro a commencé à concentrer tous les pouvoirs dans l’exécutif. Il a d’abord a refusé de reconnaitre la victoire de l’opposition. Le Tribunal suprême de Justice, a accepté seulement 7 dénonciations pour fraude concernant 8 députés, dans trois Etats, mais a ordonné l’annulation des résultats. Puis début 2017, le Tribunal suprême s’est approprié les pouvoirs législatifs, remettant en cause en même temps l’immunité parlementaire. Mais face aux protestations internationales et nationales, y compris celle de Luisa Ortega, Procureure de la République, chaviste historique, Maduro a fait marche arrière.
En mai 2016 déjà, les tensions sur la frontière avec la Colombie ont été le prétexte de la déclaration de l’Etat d’exception et de l’Etat d’urgence. Puis Maduro a refusé de présenter le budget devant le Parlement, se contentant de le faire ratifier par le «parlement du peuple», à savoir son parti, le PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela).
L’opposition a lancé en 2016 le processus de récolte de signatures requis par la Constitution pour la tenue d’un référendum révocatoire du Président de la République. Cependant, le Conseil national électoral (CNE), a suspendu le processus le 20 octobre 2016, après que des tribunaux pénaux déclarent qu’il y avait fraude pour 1% des signatures. Le CNE a recueilli à nouveau le montant des signatures nécessaires, le CNE a communiqué à la population que le référendum était suspendu jusqu’à nouvel ordre, étant donné qu’en cette année 2017 il y avait des élections municipales.
Le président Maduro est confronté depuis le 1er avril à une vague de manifestations hostiles et de violences qui ont déjà fait des dizaines de morts, des centaines de blessés, des centaines d’arrestations, dont un grand nombre d’emprisonnés sur ordre de tribunaux militaires.
En réponse à cette situation, Maduro a annoncé le 1er Mai la convocation d’une assemblée constituante chargée de réformer le texte suprême datant de 1999 et qui serait conformée de 500 membres dont « 200 à 250 seront élus par la base de la classe ouvrière, des communes, des missions, des Indigènes, des paysans, des quartiers, des mouvements sociaux », l’autre moitié étant élue au scrutin direct « selon un système territorial » sur la base des circonscriptions municipales.
Les députés de l’opposition ont dénoncé le fait que« les constituants ne seront pas élus par des votes libres, secrets et universels » et que« le gouvernement obtiendrait le contrôle de tous les pouvoirs », y compris du Parlement, dont la majorité lui est opposée depuis les législatives de décembre 2015. Nicmer Evans, dirigeant de Marea Socialista, voit dans la décision de Maduro « un coup contre la Constitution promue par Hugo Chavez, la mort du projet chaviste décidée par le gouvernement ».
L’opposition continue à exiger des élections générales anticipées et rejette la convocation de cette assemblée constituante, affirmant qu’il s’agit d’une manoeuvre pour repousser le scrutin présidentiel prévu fin 2018 et s’accrocher au pouvoir. Elle redouble d’imagination chaque jour pour maintenir la pression dans les rues. Elle a ainsi fait manifester plusieurs milliers de grands-parents à Caracas, a organisé des cortèges de voitures, de motos, de vélos et même de chevaux à travers le pays. Elle a réuni une nouvelle manifestation à l’occasion de la fête des Mères, et le 20 mai environ 200 000 dans plusieurs ville, notamment à Caracas. L’opposition entend désormais rendre le Vénézuela « ingouvernable », y compris par le bloquage des autoroutes. Quelques jours avant, 2 600 militaires ont été déployés dans l’Etat de Tachira, à la frontière de la Colombie, après une série de pillages et d’attaques contre des installations de la police et de l’armée. Des troubles agitent aussi d’autres régions du pays.
Maduro affirme bénéficier de la «loyauté inconditionnelle» de l’armée, et accuse ses adversaires de mener une «insurrection armée» pour favoriser un coup d’État avec le soutien logistique et financier des États-Unis. “Nous ne pouvons pas parler de manifestations. Il s’agit d’actions subversives (…) qui virent déjà à l’insurrection armée”, a accusé le ministre de la Défense le général Padrino Lopez. “L’idée est de transformer le Venezuela en une Syrie et (l’Etat de) Tachira en un Alep ».
Dans le même temps, le régime s’est attaqué aux formations politiques jusque-là proches du « chavisme critique » et indépendantes du parti du régime (le Parti socialiste unifié du Venezuela -PSUV) comme Marea Socialista ou le PC Vénézuélien. Elle doivent désormais se plier à des conditions draconiennes pour tenter de conserver une existence légale. La plupart des entreprises publiques ont été militarisées, et les garanties constitutionnelles sont éliminées par l’Etat d’exception.
Isolement diplomatique
Hugo Chavez avait créé l’ ALBA (Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique, en français « Aube ») , une tentative de plus de la bourgeoisie latino-américaine pour avoir une politique plus indépendante de l’impérialisme. Elle est aujourd’hui agonisante du fait de l’isolement du Vénézuela et des reculs des gauches dites progressistes du sous-continent.
Les Etats-Unis et les régimes de droite ont profité de cette crise pour isoler le régime chaviste. Obama avait déclaré en 2015 que le Venezuela était une menace pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis . Washington a depuis, tout en niant financer toute action violente au Venezuela, exprimé à plusieurs reprises son inquiétude quant à la situation du pays sud-américain, comme l’ont également fait l’ONU, l’Union européenne et l’Organisation des États américains (OEA). En réponse, Caracas a décidé de quitter l’OEA. Des pays de centre-gauche comme le Chili ou l’Uruguay font des pressions. Le régime de Maduro a aussi fait l’objet de condamnation de la part d’une quantité d’ONG, comme par exemple American Watch, Amnesty International ou Reporters sans Frontières. Le 17 mai, le Conseil de sécurité de l’ONU a abordé le sujet du Vénézuela pour la première fois, à la demande de Washington. Durant la réunion, les Etats-Unis ont affirmé le risque que cette crise « ne dégénère en un conflit d’envergure, similaire à la situation en Syrie ou au Soudan du Sud ».
« Union nationale » entre exploiteurs et prédateurs ?
La Déclaration récente de mouvements et organisations de gauche du Vénézuela parle de la dictature d’une « droite unifié (MUD-PSUV-militaires-Eglise catholique)…criminalisant toutes les positions dissidentes qui remettent en question leur actuel pacte bipartisan dont la trompeuse dispute vise non pas l’amélioration des conditions de vie dégradantes de la majorité de la population – qui vit exclusivement de son travail – mais l’administration de la rente pétrolière… ».
La constitution d’une « Union nationale » formalisant l’existence de cette « droite unifiée » serait peut-être la seule issue capable d’éviter une guerre civile à court terme. Elle demanderait une négociation sur les mécanismes institutionnels et la répartition du gâteau entre les deux secteurs bourgeois en conflit: la bourgeoisie classique, représentée grossièrement par les dirigeants du MUD, et la bourgeoisie émergente, dite « boli-bourgeoisie », qui dispose de l’Etat comme un levier d’«accumulation primitive».L’accumulation de la première repose sur l’exploitation directe du travail, celle de la seconde sur toutes les formes de prédation, notamment ici l’appropriation de la rente pétrolière et minière. La conclusion d’un accord est d’autant plus difficile que le MUD est lui même très divisé. Il réclame la démission de Maduro, mais n’a pas de programme commun.
Fort de ses services reconnus lors des négociations entre les Etats-Unis et Cuba, le Vatican a tenté une médiation entre les deux secteurs, mais celle n’a pas abouti, y compris faute de soutien de la Conférence Episcopale vénézuélienne.
Coup d’Etat militaire ?
C’est le moins probable, car l’armée gère déjà le pays. Un tiers des ministères et la moitié des gouverneurs sont aux mains des militaires. Ils se substituent même de plus en plus à la Justice. Ils sont placés à des postes clés de la gestion publique où les niveaux de corruption sont particulièrement importants: allocation des devises, ports, distribution alimentaire. Les militaires contrôlent la production et la distribution d’aliments de première nécessité, mais aussi une société pétrolière, une télévision, une banque, une usine d’assemblage automobile et une entreprise de construction.
Toutefois les militaires ont manifesté plus de soutien à Chavez qu’à Maduro. Ce dernier, visiblement inquiet, vient de demander aux militaires de faire des propositions afin de renforcer « l’union de l’armée avec le peuple bolivien ». Précédemment, il avait écarté des cadres et renforcé les privilèges de l’Etat major. Depuis décembre ces dépenses ne sont plus contrôlées par des cours de justice de la République…
Invasion impérialiste ?
Alors que en 2015 Obama avait déclaré le Vénézuela une menace pour la sécurité des Etats-Unis, le Vénézuela est sans doute devenu deux ans plus tard une menace secondaire, pour trois raisons: les Etats-Unis disposent de « meilleurs ennemis » au Moyen-Orient, le Venezuela a perdu tout le poids gagné sur le continent à l’époque de Chavez, et les Etats-Unis sont devenus autosuffisants en pétrole. Mais la rupture du Venezuela avec l’OEA, et la personnalité de Trump ne peuvent exclure une invasion militaire, notamment en cas de guerre civile. Le risque existe donc que les Etats-Unis attendent que le fruit mûrisse pour donner le « coup de pouce », avec ou sans l’appui de l’OEA.
Une issue progessiste ?
La situation des classes populaires est dramatique, et exige la reconstruction d’un instrument un instrument qui redonne espoir aux travailleurs, aux jeunes, aux femmes, aux intellectuels qui entendent renouer avec la lutte pour l’émancipation. C’est la seule voie qui puisse éviter la barbarie, en établissant enfin à terme un pouvoir des travailleurs.
C’est l’issue que défend la gauche vénézuélienne et qui mérite le soutien des progressistes du monde entier. La Déclaration de mouvements et organisations de gauche déjà citée lance un appel pressant « Nous sommes convaincu·e·s de l’urgente nécessité de consolider un nouveau pôle politique de référence, c’est-à-dire un mouvement éthico-social ample qui exprime les véritables aspirations et les besoins des hommes et des femmes vénézuéliens. C’est la raison pour laquelle nous convoquons tous les secteurs sociaux et politiques de l’Etat ainsi que du pays (travailleurs ruraux et urbains, étudiants, commerçants, producteurs, communautés organisées, autres organisations populaires et le peuple en général) à construire ce mouvement politico-social sans dirigeants ni corrompus. »
Quelle solidarité ?
Premièrement, il faut défendre le peuple du Vénézuela, pris en étau dans un conflit entre deux bourgeoisies: l’ancienne, qui a raté son coup d’Etat en 2002, mais loin d’avoir disparue, et la « boli-bourgeoisie », monstre née de la corruption et des trafics divers sous la protection de l’armée. Face à la menace impérialiste, il faut exiger le respect du principe de non intervention, les manoeuvres des Etats-Unis et de l’OEA comme les préparatifs d’agression directe.
Deuxièmement, ce serait tirer dans le dos du peuple vénézuélien que de défendre le régime en place, totalement bourgeois. C’est l’ornière dans laquelle sont tombées beaucoup de secteurs de la gauche latino-américaine et bien au delà, y compris en France.
Troisièmement, le Vénézuela est l’occasion de comprendre, une fois de plus, que s’arrêter à mi-chemin sur le chemin de l’expropriation de la bourgeoisie, de la socialisation des grands moyens de production, et d’un pouvoir des travailleurs, c’est nécessairement aboutir au chaos économique et au désastre politique.
Source : Le Blog mediapart, Jean-Marc B, 21-05-2017
=========================================== Le “socialisme” du Vénézuela n’est que soumission au capital
Les statistiques officielles du Vénézuela confirment que la “révolution bolivarienne” chantée par certains politiciens réformistes n’a jamais eu lieu. La vieille bourgeoisie a pu augmenter la rentabilité du capital, comme empêcher les nationalisations. Elle ne s’oppose sur le fond à la nouvelle “bolibourgeoisie” que pour accaparer les rentes du pétrole et de divers trafics.
Dans “Où va le Venezuela ?, article publié il y a quelques semaines, nous expliquions que le régime « chaviste », après avoir déréglé les mécanismes de l’économie de marché, sans avoir jamais commencé à leur substituer la logique d’une économie socialiste, ni d’un pouvoir des travailleurs, connaissait un effondrement économique sans précédent, et des affrontements croissants entre la nouvelle et la vieille bourgeoisie.
Nous disposons maintenant des statistiques officielles qui confirment la soumission absolue au capital du régime soit disant “socialiste” du Vénézuela. Elles sont reprises d’un article de défense de la bolibourgeoisie, posté sur un blog MDP, bien entendu pas ouvert aux commentaires…
Première constatation lue dans les statistiques officielles: un aspect essentiel du modèle néolibéral s’est imposé. Alors que la production dans le secteur privé a augmenté en moyenne de 35% entre 1999 et 2015, la valeur ajoutée par les institutions financières et d’assurance, principalement privée, a littéralement explosé (375 %) durant la même période.
Deuxième constatation: non seulement le produit intérieur brut du secteur privé a augmenté, mais le taux de rentabilité du capital a plus que doublé entre 2003 et 2008, se situant alors à 22 % en 2008. C’est la dernière mesure disponible. Elle correspond au niveau le plus élevé depuis que cette donnée est mesurée, soit depuis 1970 (14 %).
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Troisième constatation lue dans les statistiques officielles: sur 28.222 unités économiques correspondant en 2015 à l’activité industrielle, seules 363, soit 1,2 % sont aux mains du secteur public. Ce chiffre tombe à 0,12 % pour les unités économiques liées aux activités commerciales, et à 0,88 % pour celles du secteur des services.
“L’option militaire” de Trump contre le Venezuela est à l’ordre du jour depuis la constitution de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Celle-ci prend place au moment où l’opposition est à nouveau divisée. Cependant, cette ingérence n’est pas l’improvisation d’un président névrosé, elle fait partie depuis le début d’un scénario violent voulu par une fraction de l’opposition. (...) La suite sur le lien.
orné Modérateur
Messages : 1259 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 51 Localisation : où ça ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Mer 16 Aoû - 18:48
La « guerre économique » pour les Nuls (et les journalistes), par Maurice Lemoine
Citation :
Suite de notre série sur le Venezuela, avec différents articles visant à compléter la vision biaisée diffusée par nos médias.
Sous la forme d’un feuilleton en quatre parties que vous pourrez retrouver chaque jour à partir du 11 août 2017, Mémoire des luttes publie une enquête exclusive de Maurice Lemoine consacrée à la question de la « guerre économique » au Venezuela.
Alors que la vague de violence déclenchée par une opposition décidée à le renverser a provoqué la mort de plus de cent dix personnes depuis début avril, le président « chaviste » Nicolás Maduro a réussi son pari : faire élire une Assemblée nationale constituante le 30 juillet. Malgré une situation extrêmement tendue et les menaces proférées contre les électeurs par les groupes de choc d’extrême droite, plus de 8 millions de citoyens (41,5 % de l’électorat) se sont déplacés et ont choisi leurs représentants.
Largement traitée par des médias totalement acquis à l’opposition, la grave crise que traverse le Venezuela comporte une dimension systématiquement passée sous silence : comme dans le Chili de Salvador Allende, une sournoise mais féroce « guerre économique » déstabilise le pays.
PARTIE 1
Le 18 janvier 2013, alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (en anglais FAO) vient de publier son rapport annuel [1], son ambassadeur Marcelo Resende de Souza visite au Venezuela un marché de Valencia (Etat de Carabobo), accompagné du vice-président de l’époque Nicolás Maduro. « Nous possédons toutes les données sur la faim dans le monde, déclare-t-il. Huit cents millions de personnes ont faim ; 49 millions en Amérique latine et dans la Caraïbe, mais aucune au Venezuela parce qu’ici la sécurité alimentaire est assurée. »
Etrangement, quatre mois à peine se sont écoulés que, la maladie ayant emporté Hugo Chávez et son ex-vice-président venant d’être élu chef de l’Etat, le quotidien (et porte-parole officieux des multinationales espagnoles) El País entonne une toute autre chanson : « Le désapprovisionnement accule Maduro » [2]. Certes, la pénurie concerne principalement, à ce moment, le papier hygiénique (qui, pendant de longues semaines, va fournir un passionnant sujet de dissertation aux pisse-copies du monde entier), mais, mentionne El País, elle s’ajoute à « une absence cyclique (…) de la farine, du poulet, des déodorants, de l’huile de maïs, du sucre et du fromage (…) dans les supermarchés ».
Ainsi débute médiatiquement ce qui va devenir « la pire crise économique » connue par ce pays, « potentiellement l’un des plus riches au monde », du fait de sa « dépendance à l’or noir », de « la baisse du prix du baril de pétrole » et de « la gabegie du gouvernement ». Alors que les porte-paroles de l’opposition incriminent en vrac l’excessive intervention de l’Etat, la régulation « autoritaire » des prix, l’impossibilité qui en découle pour l’entreprise privée de couvrir ses coûts de production, le manque de devises octroyées par le pouvoir pour importer matières premières et produits finis, les pénuries deviennent chroniques, les rayons des supermarchés désespérément vides, les files d’attente interminables, le « marché noir » omniprésent. « Au Venezuela, la baisse du pétrole fait flamber les prix des préservatifs » pourra bientôt titrer Le Figaro (17 février 2015). Même les médicaments deviennent introuvables, attisant l’angoisse et les souffrances de la population.
Une telle situation a de quoi émouvoir les humanistes du monde entier. « S’il y a une crise humanitaire importante, c’est-à-dire un effondrement de l’économie, au point qu’ils[les Vénézuéliens] aient désespérément besoin d’aliments, d’eau et de choses comme ça, alors nous pourrions réagir », annonce sur CNN, le 28 octobre 2015, le chef du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis (Southern Command), le général John Kelly, en réponse aux appels « désespérés » de la « société civile » vénézuélienne. Dès 2014, alors que la Table d’unité démocratique (MUD) appelait au renversement du chef de l’Etat en lançant l’opération « La Salida » (« la sortie »), l’une de ses dirigeantes, María Corina Machado, avait tracé la voie : « Certains disent que nous devons attendre les élections dans quelques années. Est-ce que ceux qui n’arrivent pas à alimenter leurs enfants peuvent attendre ? (…) Le Venezuela ne peut plus attendre ! » La violente séquence subversive échoua, mais se solda par 43 morts et plus de 800 blessés. Et les Vénézuéliens continuèrent à éprouver des difficultés chaque jour plus insupportables pour s’approvisionner.
Le 6 décembre 2015, lors des élections législatives, les tracas, les privations et le mécontentement ayant érodé le moral des citoyens de tous bords, le chavisme perd 1 900 000 voix et devient minoritaire à l’Assemblée. Inversant les termes de l’équation, la grande internationale néolibérale célèbre ce triomphe de la « démocratie » sur le « chaos ». Soumis à une information triée et rassemblée pour conforter cet a priori, bien peu, en particulier à l’étranger, ont conscience de ce que cette victoire a reposé fondamentalement sur un torpillage de la « révolution bolivarienne » par une déstabilisation économique similaire à celle employée dans les années 1970 au Chili contre Salvador Allende. Dénoncée en son temps par les progressistes (plus organisés, lucides et courageux à l’époque qu’aujourd’hui), cette dernière fut officiellement confirmée, trente-cinq années plus tard, par la déclassification de vingt mille documents des archives secrètes du gouvernement des Etats-Unis. S’agissant de la « crise vénézuélienne », on peut donc espérer voir cesser la déconnexion entre discours médiatique et réalité dans environ… trois décennies. Ce qui, malheureusement, arrivera un peu tard pour la compréhension des événements et la défense urgente, sur la terre de Bolivar, d’une démocratie particulièrement menacée. Mais permettra sans doute à ceux qui, actuellement, ferment volontairement ou détournent lâchement les yeux, de vendre du papier en publiant et commentant avec une indignation de bon aloi ces « stupéfiantes révélations ».
Rien de nouveau sous le soleil, pourtant. En matière de « déstabilisation économique » débouchant sur un coup d’Etat, le Chili de l’Unité populaire (4 septembre 1970 – 11 septembre 1973) demeure évidemment une référence incontestée. Rien de plus clair que l’ordre donné par Richard Nixon à la Central Intelligence Agency (CIA) : « Make the economy scream ! » (« faites crier l’économie »). Ainsi que la multiplication des mesures de rétorsion mises en œuvre contre Santiago : blocage des biens et avoirs chiliens aux Etats-Unis, disparition des machines et pièces de rechange pour les mines, manœuvres à l’international pour empêcher la consolidation de la dette chilienne, pressions sur le cours du cuivre, saisie-arrêt des exportations de ce métal vers l’Europe… En 1972, du fait des mesures sociales et de l’augmentation du pouvoir d’achat, la consommation populaire augmente considérablement. Suspendant la mise en vente de leurs stocks, retenant leurs marchandises, les entreprises privées provoquent délibérément des problèmes de ravitaillement. Des files d’attente interminables se forment à l’entrée des magasins. La majorité des biens de première nécessité – dont l’inévitable papier hygiénique ! – ne se trouvent plus qu’au marché noir. Quotidien chilien « de référence », El Mercurio se délecte : « Le socialisme c’est la pénurie ». Casseroles vides à la main, des milliers d’opposants se rassemblent dans les rues. Le 25 juillet 1973, grassement « arrosée » de 2 millions de dollars par la CIA, la puissante fédération des camionneurs déclare une grève illimitée et immobilise sa flotte de poids lourds pour empêcher les aliments de parvenir à la population. Dans très peu de temps, il ne restera au général Augusto Pinochet qu’à intervenir pour mettre un terme à la débâcle de l’« économie socialiste ».
Les difficultés du peuple constituant un ferment constant de révoltes, des techniques relevant de la même philosophie avaient déjà été utilisées contre Cuba. Prenant acte du fait qu’on ne pouvait compter sur un soulèvement populaire pour renverser Fidel Castro, le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires internationales Lester D. Malory conseilla dans son rapport du 6 avril 1960 : « Le seul moyen prévisible de réduire le soutien interne passe par le désenchantement et le découragement basés sur l’insatisfaction et les difficultés économiques (…) Tout moyen pour affaiblir la vie économique de Cuba doit être utilisé rapidement (…) dans le but de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement. » Le 3 février 1962, dans le but d’étrangler l’île, John Fitzgerald Kennedy annoncera la mise en place de l’embargo – toujours en vigueur actuellement. Sans résultat dans ce cas, à l’exception des souffrances inutiles infligées au peuple cubain.
Vingt ans après Cuba avec Fulgencio Batista, le Nicaragua sandiniste s’est débarrassé en 1979 de son dictateur Anastasio Somoza. Alors que les premières élections libres doivent avoir lieu le 4 novembre 1984 et que les troupes contre-révolutionnaires – la « contra » –, financées, entraînées et approvisionnées par les
Etats-Unis, harcèlent le pays depuis le Honduras et le Costa Rica voisins, des agents des forces spéciales américaines minent les eaux de plusieurs ports nicaraguayens en début d’année. De nombreux navires ayant été endommagés, les primes d’assurance augmentent, les bateaux marchands étrangers évitent la destination, affectant très fortement l’économie par la réduction drastique des importations et des exportations. Objectif atteint ! « La pénurie au cœur des élections », titre et développe Libération, le 2 novembre 1984 : « Au marché noir, on peut pratiquement tout acheter, à condition d’y mettre le prix : 65 cordobas les deux piles de radio (produit rare), 160 le tube de dentifrice. L’occupation principale de quelques centaines de “hiboux” consiste à se procurer des dollars au marché noir (environ dix fois le taux officiel) puis à partir s’approvisionner au Costa Rica ou au Guatemala. Les produits sont ensuite revendus jusqu’à vingt fois le prix officiel, dans les baraques [du marché] de “l’Oriental” de Managua. (…) L’étatisation économique se renforce de jour en jour. (…) Les partis d’opposition affirment que les problèmes de ravitaillement ont constitué le thème le plus mobilisateur [c’est nous qui soulignons]. »
Les Nicaraguayens n’étant pas tombés dans le piège et le sandiniste Daniel Ortega ayant malgré tout été élu président de la République avec 67 % des voix, Washington doublera la mise en imposant au Nicaragua un embargo commercial total en 1985. Cette agression militaire et économique entraînant une très forte dégradation de la situation, le pays s’endettera, s’enlisera dans une gestion de survie et devra mettre genoux à terre, « vaincu par la faim et la guerre », lors de l’élection présidentielle du 25 février 1990.
Au Venezuela, si Hugo Chávez a évoqué le concept de « guerre économique » dès 2010, le premier à la théoriser, en 2013, a été Luis Salas. La source d’inspiration initiale de ce chercheur du Centre stratégique latino-américain de géopolitique (Celag), très éphémère ministre de l’économie en 2016, a de quoi surprendre : loin des exemples latino-américains précédemment cités, il explique avoir fondé les prémices de sa réflexion sur l’ouvrage Les problèmes politiques du plein emploi [3] que l’auteur polonais Michal Kalecki (1899 – 1970) écrivit en se basant sur son expérience vécue… en France, sous le Front populaire. « Il y dit que, d’un point de vue marxiste conventionnel, on ne peut pas comprendre ce qui s’est passé. Car, paradoxalement, pendant ses trois années, à travers les hausses salariales et l’augmentation de la consommation ainsi que la croissance enregistrée, le gouvernement de Léon Blum avait permis un enrichissement des entrepreneurs et des commerçants. »
Or, et même en supposant que ceux-ci ont tout intérêt à ce qu’un gouvernement, à travers le plein emploi, augmente le pouvoir d’achat de la population, ce type de politique pose au capital un problème fondamental. « Pour les patrons, le plein emploi rend la main d’œuvre plus chère et les travailleurs moins dociles, moins susceptibles d’accepter n’importe quoi. Entre autres inconvénients, le capital ne peut plus jouer sur la menace de licenciement. Par ailleurs, le gouvernement Blum avait commencé à assumer de nombreuses tâches qui, normalement, appartenaient aux patrons, comme la distribution des aliments. Leur pouvoir reposait là-dessus… » Politique à court terme, le problème devient économique à long terme. «
Leur pouvoir, en tant que classe, pouvait être déplacé. » La presse de droite se déchaîna alors contre les « salopards en casquette » qui allaient profiter des congés payés ; financiers et industriels spéculèrent et transférèrent leurs capitaux vers l’étranger. La suite appartient à l’Histoire de France. Mais présente de fait quelques similitudes avec ce qui se passe au Venezuela où, s’estimant menacé, le « monde de l’entreprise » participe activement au sabotage de l’économie.
« En 2013, quand Maduro est arrivé au pouvoir, rappelle Salas, la loi du travail, la dernière qu’a signée Chávez [le 30 avril 2012], venait d’être approuvée. Et cette loi, bien qu’elle n’altère pas la relation capital/travail, crée un nouveau rapport qui complique la domination sur les travailleurs. Elle octroie la stabilité salariale, réduit la durée du travail à quarante heures hebdomadaires, sanctionne les licenciements injustifiés, rend les vacances obligatoires, crée des avantages nouveaux, etc. Dès lors, patronat et négociants ont affiné leurs techniques pour se débarrasser de Maduro. »
« Affiner » est bien le mot, car ils n’en étaient pas à leur coup d’essai. En 2001, après la signature de 49 décrets-lois emblématiques – loi sur les hydrocarbures, loi sur la terre et le développement agraire, loi de la pêche, etc. –, puis, surtout, fin 2002, après l’échec du fugace coup d’Etat américano-militaro-médiatico-patronal d’avril, Chávez lui-même a dû affronter ce type de déstabilisation. Du 2 décembre 2002 au 9 février 2003, alors que ses hauts cadres dirigeants paralysaient la compagnie pétrolière PDVSA et que le pays sombrait, victime non d’une « grève générale » mais d’un « lock out » patronal, les aliments et autres biens de première nécessité disparurent dans les « barrios ». C’est l’époque où, dans l’Etat de Zulia, on put voir des producteurs de lait jeter dans les rivières des millions de litres de leur production pour générer la pénurie.
Particulièrement affectée et ouvertement poussée à se révolter comme elle le fit (spontanément) lors du « caracazo » en 1989 [4], la population modeste, base sociale du chavisme, conserva son sang-froid et ne tomba pas dans la provocation. Au terme d’une bataille de soixante-trois jours, le « comandante » reprit le contrôle, mais, la paralysie de l’activité économique avait coûté 20 milliards de dollars au pays et une remontée spectaculaire de la pauvreté – passée de 60 % en 1997 à 39 % fin 2001, elle atteignit 48 % en 2002 puis 55,1 % en 2003. Près de 590 000 travailleurs, essentiellement des femmes, se retrouvèrent sans travail de 2001 à 2003 ; les morts par dénutrition augmentèrent de 31 %.
La reprise du contrôle de PDVSA et l’affectation des revenus pétroliers au financement des politiques sociales permettront de renverser la situation (21,2 % de pauvreté en 2012) jusqu’à l’actuelle phase de déstabilisation.
Ainsi, donc, à en croire la vulgate en vogue, depuis que la crise financière internationale a orienté le cours du pétrole à la baisse en 2008, la rente ne suffit plus à couvrir la facture des importations. Etonnant, non ? Ayant pulvérisé les sommets à la mi-2008 (150 dollars le baril), l’or noir est certes redescendu à 38 dollars en 2015 avant d’osciller entre 21 et 24 dollars en 2016, mais il se vendait à… 7 dollars le baril en 1998, lors de l’arrivée au pouvoir de Chávez. Et personne ne se souvient avoir vu à l’époque de longues files d’attente devant les commerces – depuis les échoppes jusqu’aux supermarchés.
D’aucuns pourraient objecter que, plongés alors en masse dans la pauvreté, les Vénézuéliens consommaient beaucoup moins à l’époque qu’à l’heure actuelle (ce qui est vrai !) ; bien peu le font car ce serait évidemment un hommage rendu implicitement par le vice à la vertu. Mais en tout état de cause, avec un pétrole remonté en 2017 aux alentours de 40 dollars, la théorie de la population « au bord de la famine » à cause du « pays en faillite » résiste mal à la réflexion (pour peu, bien sûr, qu’il y ait une réflexion).
Commençons par le commencement – d’après les porte-parole officiels et officieux du patronat, le gouvernement n’octroie pas aux entreprises les dollars nécessaires à l’importation et à la production – et tentons d’analyser la situation…
Quatre-vingt-quinze pour cent des devises du pays proviennent de l’exportation du pétrole. Cette situation structurelle date de 1920, année où a été approuvée la première loi sur les hydrocarbures et où s’est établi le mécanisme à travers lequel l’Etat capte une partie, plus ou moins importante selon les périodes, de la rente pétrolière. Depuis le début de ce XXe siècle, la bourgeoisie s’est ingéniée à se réapproprier cette rente en échangeant ses bolivars contre des dollars et à l’utiliser essentiellement pour importer – ce qui ne présente aucun risque et ne requiert aucun investissement. Il en résulte que, pour en revenir à la période actuelle, les 10 % des exportations non pétrolières du Venezuela sont constitués de produits minéraux (26 %), chimiques (45 %), de plastiques et de caoutchouc (3 %), de métaux (10 %), tous produits par… des entreprises publiques. La contribution du secteur privé, en moyenne, ne dépasse pas 1 % du total des exportations [5]. Ce n’est donc pas le pétrole en soi qui constitue un problème, mais le fait que si les devises se trouvent initialement et en quasi-totalité entre les mains de l’Etat c’est parce que le secteur privé, moteur autoproclamé d’une économie « dynamique » et « efficace », se limite (dans le meilleur des cas) à fournir par l’importation le marché intérieur, en prenant une confortable marge au passage, et ne participe quasiment pas à l’accroissement de la richesse nationale. Plutôt que d’investir, il n’a pour préoccupation que de récupérer le magot et de l’utiliser à son profit.
Une fois ce cadre global établi, on cherchera l’erreur : depuis qu’en 2003 a été instauré un contrôle des changes pour éviter la fuite des capitaux, les entreprises privées ont reçu de l’Etat 338,341 milliards de dollars pour l’importation de biens et de services. En 2004, alors qu’elles ont disposé à cette fin de 15,75 milliards de dollars, on n’a constaté aucune pénurie. En 2013, alors que la somme attribuée a quasiment doublé pour atteindre 30,859 milliards de dollars, les principaux biens essentiels ont disparu [6]. Doit-on parler de magie ? Peut-être. Mais, dans ce cas, de magie noire.
Si la crise économique mondiale et la baisse des prix du pétrole ont évidemment un rôle dans la dégradation de la situation, elles n’en sont aucunement la cause principale. La conviction des néolibéraux nationaux et internationaux qu’il fallait profiter de la mort de Chávez pour « achever » la « révolution bolivarienne » a incontestablement marqué le point d’inflexion vers l’organisation du désastre. Dès lors, d’après Pascualina Curcio, professeure de sciences économiques à l’Université
Simón Bolivar, s’articulent quatre phénomènes : une pénurie programmée et sélective des biens de première nécessité ; une inflation artificiellement provoquée ; un embargo commercial camouflé ; un blocus financier international. Auxquels on ajoutera, depuis avril 2017, la violence insurrectionnelle soutenue par les Etats-Unis, leurs alliés régionaux (Argentine, Brésil, Mexique) ainsi que l’Union européenne, sanctifiée par les commissaires politiques des médias. Ce que d’aucuns appellent « une guerre de quatrième génération ».
En 2004, tandis qu’étaient importés pour 2,1 milliards de dollars d’aliments, chacun pouvait se nourrir dans des conditions normales. En 2014, avec 7,7 milliards, une augmentation de 91 % – sachant que, depuis 2004, le gouvernement octroie les dollars à un taux préférentiel pour l’achat des biens essentiels –, on ne trouve plus ni beurre, ni huile, ni farine de maïs précuite, ni riz, ni lait en poudre, ni pâtes alimentaires, ni lait pasteurisé, ni viande de bœuf, ni fromages, ni mayonnaise, ni sucre, ni café sur les rayons des commerces et des grandes surfaces. En revanche, les gondoles croulent sous les boissons gazeuses, les galettes, les biscuits, les friandises, les gourmandises et autres sucreries, les conserves exotiques, les surgelés sophistiqués. De quoi s’interroger sur la curieuse « crise humanitaire » dont le monde entier a entendu parler.
Le 20 mai 2016, Agustín Otxotorena, un entrepreneur basque pas spécialement « chaviste » résidant à Caracas, fatigué de répondre à ses amis et proches qui, depuis l’Espagne, s’alarmaient pour sa santé dans un pays affecté par une famine similaire à celles qui frappent la Somalie ou l’Ethiopie, en fut réduit à publier sur sa page Facebook une série de photographies particulièrement édifiantes prises dans les établissements commerciaux des secteurs des classes moyenne et supérieure de l’est et du sud-est de Caracas (les fiefs de l’opposition). « Si tu as de l’argent, persiflait-il, il y a du whisky 18 ans d’âge, du rhum vénézuélien exquis, du champagne français, de la vodka russe ou suédoise, des bonbons belges, des viandes savoureuses, des langoustes, des vêtements de marque, des restaurants exclusifs, des discothèques spectaculaires, des plages avec des yachts, des clubs de golf et hippiques, des terrains de tennis et de football, et tout un pays à l’intérieur d’un autre pays, où il n’y a pas de pauvres, où les femmes et les enfants sont blonds, vont dans des collèges exclusifs, des universités exclusives, et se divertissent dans l’Ile de la Tortue ou dans l’archipel de Los Roques, là où les uniques Noirs ou pauvres sont les serveurs, le personnel des services ou de la sécurité », avant de conclure l’une de ses dernières livraisons d’un rageur (et en majuscules) : « JE SUIS FATIGUÉ DES MENSONGES ! [7] » D’où la question que tout un chacun (à condition de ne pas être journaliste) se pose forcément : pourquoi y a-t-il pénurie de certains produits et pas d’autres, pourquoi des aliments sont-ils si difficiles à obtenir et d’autres non ? Pourquoi les fruits et les légumes, par exemple, n’ont-ils pas disparu ? Photographie : Maurice Lemoine
Source : Mémoire des luttes, Maurice Lemoine, 11-08-2017
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akasha Administrateur
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Marche ou crève : le bras de fer de l’oligarchie financière américaine. ...
Marche ou crève : le bras de fer de l’oligarchie financière américaine. Exemple du Venezuela
Le Venezuela est un pays d’Amérique du sud qui possède des gisements de pétrole d’environ 300 milliards de barils, ce qui le place avant l’Arabie Saoudite qui est elle-même considérée comme la station-essence du monde. Du fait de cette richesse, rien ne devrait gêner l’aisance des 30 millions de Vénézuéliens ! – Mais c’est loin d’être le cas ! Economiquement le Venezuela est dans une situation catastrophique. Souvent les gens ne peuvent même pas acheter le pain pour survivre. Par conséquent le pays en vient à la violence. A cause de la misère, cette violence a pris des proportions jamais atteintes dans ce pays sud-américain. Les instances officielles du Venezuela ont informé récemment que 12 personnes ont été tuées lors de pillages dans la capitale. Il y a eu d’autres morts à El Valle, où selon l’information de l’opposition 13 personnes ont été mortellement blessées, lorsqu’elles avaient essayé de piller une boulangerie protégée par une clôture électrique.
Selon un rapport du site internet konjunktion.info la population du Venezuela lutte pour sa survie. L’an dernier 74% des Vénézuéliens auraient perdu en moyenne 20% de leur poids. Et tout cela bien que dans le sous-sol du Venezuela il y ait plus de réserves de pétrole que chez les Saoudiens, ce qui devrait permettre en fait un avenir bien meilleur au pays. Comment est-ce conciliable ? Dire en faite en non fai
Une analyse détaillée de toutes les relations de cause à effet de cette catastrophe sortirait du cadre de cette émission. Mais une grande relation, un fil rouge, s’affirme très nettement : Jusqu’à la découverte de « l’or noir » au début du 20e siècle, le Venezuela comptait parmi les pays les plus pauvres d’Amérique latine et des Caraïbes. Dans les années vingt, a commencé un processus de modernisation rapide qui a bénéficié surtout à la classe supérieure, et pas à toute la population. Parmi la population pauvre l’idée s’est alors formée que le devoir prioritaire du gouvernement serait de les faire participer à l’extraction des réserves presque illimitées de la matière première. L’avant-dernier président du Venezuela, Hugo Chávez, avait reconnu les attentes des couches les plus pauvres de la population et il a pu les satisfaire un temps. Le gouvernement s’est concentré sur l’exportation du pétrole nationalisé et sur la distribution des rentrées d’argent. Tout comme au Brésil pour la nationalisation des forages de pétrole, au Venezuela il a fallu également faire barrage à la liquidation de la matière première par des grands consortiums américains. Le slogan « Aujourd’hui le Venezuela appartient à tous » reflète le but visé par cette politique.
Mais de la même façon que l’ancienne présidente Dilma Roussef a été exposée à des attaques permanentes venant d’une opposition proche des grands consortiums américains, il en a été de même pour l’ancien président du Venezuela Hugo Chávez et aussi pour son successeur le président en exercice Nicolás Maduro. Finalement la présidente du Brésil Dilma Roussef a été relevée de ses fonctions par une procédure de destitution illégale et sans preuve d’une culpabilité quelconque et ses fonctions ont été transmises à Michel Temer, un politicien proche des Etats-Unis. Nous en avons parlé dans nos émissions « La procédure de destitution contre Dilma Rousseff – fait-elle partie d’un plan pour la prédominance globale ? » et (seulement en allemand) « La procédure de destitution contre Dilma Rousseff – est-elle un putsch commandé par des Etats-Unis ? »
Une énorme pression a également été exercée sur le président du Venezuela. L’ancien président des Etats-Unis Barack Obama avait décrété des sanctions économiques. Le constructeur automobile General Motors a suspendu toute son activité au Venezuela. Le gouvernement du Venezuela reproche aux Etats-Unis leur « pression belliqueuse ». Car la baisse du prix du pétrole sur le marché mondial fait diminuer les gains que le Venezuela tire de l’exportation de son pétrole ; et le pays ne peut pas compenser cette diminution par des rentrées d’argent provenant d’autres branches de l’économie.
Les médias occidentaux d’autre part insinuent que la situation du Venezuela est due au « dictateur » sans scrupule, violent et incompétent qu’est Nicolás Maduro. Et ceci seulement parce qu’il continue la nationalisation des exportations de la matière première dans la ligne de son prédécesseur Hugo Chávez, ce qui profite à la population.
Depuis que le Venezuela a annoncé son retrait de l’organisation des Etats Américains, l’OEA, Mark Toner, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis, fait encore plus fortement pression pour un changement de gouvernement au Venezuela. Le jeudi 27 avril 2017, il a souligné qu’un « successeur du président Nicolás Maduro devrait prendre la décision finale du retrait du Venezuela de l’OEA ». Voilà pourquoi il semble que le rêve des Vénézuéliens, « Aujourd’hui le Venezuela appartient à tous » est terminé pour l’instant. Avec un taux d’inflation d’environ 600%, la banqueroute de l’Etat est imminente. Et à sa suite immédiate les oligarques financiers des Etats-Unis vont aussi mettre une fin rapide à la nationalisation de l’extraction du pétrole. Cela se passe aussi brutalement que ça : « Marche ou crève ».
de hm Sources / Liens : https://www.konjunktion.info/2017/04/venezuela-wenn-menschen-fuer-einen-laib-brot-sterben-muessen/
La garde nationale surveille une vente d’oeufs à Caracas
Lors des trois dernières années, la crise au Venezuela est allée de mal en pis.
Ce sont les trois années durant lesquelles j’ai été correspondant. Pendant cette période, j’ai essayé de sortir du pays régulièrement ; pour prendre l’air, certes, mais aussi pour voir la réalité d’un autre point de vue.
À chaque fois que je quitte le pays, ma famille et mes collègues me posent des questions, pour savoir si tout est vraiment aussi grave, aussi catastrophique que ce que rapportent les médias.
À cause de la polarisation et de la politisation, beaucoup de ces questions reposent sur des impressions exagérées de la situation d’un pays qui a été riche et qui maintenant est pauvre, et personne n’a l’air de comprendre comment cela est arrivé, entre autres mystères.
Lors de ces conversations, j’ai identifié cinq mythes qui paraissent être enkystés dans l’opinion de nombreuses personnes sur le Venezuela.
1. « ll y a la famine au Venezuela »
La faim est présente dans certaines zones du Venezuela, mais cela ne concerne pas la majeure partie de la population.
Dans l’enquête Encovi en 2015, 90% des Vénézuéliens ont répondu qu’ils mangent moins et que la nourriture est de moins bonne qualité.
En 2016, la crise alimentaire s’est aggravée. On voit plus de queues et on rapporte qu’il y a davantage de malnutrition et de personnes qui mangent deux fois par jour, voire moins.
Mais est-ce vraiment la famine ?
Mais il ne s’agit pas de la famine telle que définie par le programme alimentaire mondial des Nations Unies : il faut qu’au moins 20% des foyers subissent une pénurie grave, qu’il y ait plus de 30% de mal nourris et que 2 personnes sur 10 000 meurent chaque jour.
Voyons.
Selon Datanalisis, le sondeur le plus souvent cité sur ce sujet, la pénurie dans les ménages est de 43%, mais cela concerne des produits de base tels que le riz, la farine ou le lait.
Et quel que soit leur prix, les Vénézuéliens ont des fruits et légumes disponibles à tous les coins de rue.
Selon Bengoa Foundation, spécialiste dans ce domaine, la malnutrition se situe entre 20 et 25 %.
Mais deux décès par jour pour 10 000 habitants ne semblent pas réalistes à l’heure actuelle.
Les chiffres les plus alarmants sur la malnutrition ont été donnés par l’opposition en juin : 28 décès par jour.
Mais selon l’ONU, une famine au Venezuela, peuplé de 30 millions d’habitants, impliquerait 6 000 décès par jour dus à la malnutrition.
Les experts vénézuéliens s’accordent sur le fait que ce qui se passe ici n’est pas comparable à l’Éthiopie des années 80 ou à la Corée du Nord des années 90.
Mais plus d’un m’a dit : « Mais attention, nous sommes au bord de la famine ».
2. « Le Venezuela est comme Cuba »
En général, trois éléments permettent de soutenir que « le Venezuela se ’’cubanise’’ » comme certains le disent : les files d’attente pour acheter des produits rationnés, la dualité de l’économie et la militarisation du gouvernement (où les services de renseignement et le gouvernement cubains exercent une certaine influence).
Mais la comparaison s’arrête là.
Maduro a essayé de maintenir la relation privilégiée avec Cuba qui a débuté sous le gouvernement Chavez
Le Venezuela est un pays capitaliste où le secteur privé a une certaine activité en dépit des restrictions et expropriations de l’État, qui exerce un contrôle croissant sur l’économie. A Cuba, le secteur privé est minime.
Ici, l’Internet est le plus lent de la région, mais nous avons presque tous une connexion avec accès à Facebook, Netflix et les médias internationaux critiques du gouvernement. Ce qui n’est pas le cas à Cuba.
McDonald’s – qui n’existe pas à Cuba – a du mal à importer des pommes de terre frites, mais quantité de gens y mangent des glaces le dimanche.
Chez Zara ou chez Bershka, il n’y a pas de vêtements ou alors il sont hors de prix. Mais les enseignes sont bien là, dans un immense centre commercial. Rien de tel à Cuba, même en version plus petite.
Les voitures dernier modèle ne se vendent plus qu’en dollars, mais il y a des gens qui les achètent. Et on les voit dans les rues. À Cuba, seulement dans les films hollywoodiens.
Ici on trouve des banques espagnoles et américaines, des succursales des plus grandes multinationales au monde et des médias indépendants du monde entier. Pas à Cuba.
De plus, le Venezuela est un pays pétrolier avec d’énormes réserves de pétrole brut et ce n’est pas une île, deux éléments déterminant sa condition qui, pour aussi tragique qu’elle devienne, va générer des situations qui ne peuvent se produire à Cuba : pensez, par exemple, à la contrebande frontalière.
3. « Le Venezuela est une dictature »
On peut encore se procurer des biens de luxe au Venezuela
C’est un débat qui a déjà quelques années : le Venezuela est-il une « dictature moderne » ou bien un « régime hybride » ?
Mais ici et ailleurs, peu d’experts évoquent une dictature traditionnelle.
Premièrement, disent-ils, parce que, ici, il y a une opposition, même si elle est privée des aides de l’État, emprisonnée ou empêchée d’exercer ses droits politiques.
Et il y a des élections, même si l’Assemblée nationale, élue par la voie des urnes, est délestée de son pouvoir quand elle est contrôlée par l’opposition.
Deuxièmement, la presse indépendante au Venezuela a du mal à importer du papier à imprimer, elle est rachetée par des sociétés anonymes proches du gouvernement, et nombre de ses journalistes sont mis en examen, voire emprisonnés. Mais il y a une presse d’opposition.
Certains Vénézuéliens disent que les indices de démocratie sont « la façade du régime » vénézuélien. [sont là pour masquer la réalité du régime, NdT]
Sans aucun doute : s’il y a peu d’experts qui parlent de dictature, seule une minorité reconnaît une réelle démocratie.
4. « Tout le monde hait Maduro »
A l’étranger, certains entendent les déclarations de Maduro et se demandent : « pourquoi ne le renversent-ils pas ? Qui veut de ce type ? »
Selon diverses enquêtes, Maduro est soutenu par 20 à 30% de la population.
J’ai parlé avec des Vénézuéliens qui se disent chavistes, qui disent soutenir Maduro dans ces sondages, mais lorsque je cesse l’enregistrement, la parole se libère et coule alors un flot d’insultes contre le Président.
Ce sont des personnes dont la gratitude pour les avancées sociales obtenues par le passé les empêchent de critiquer ouvertement le gouvernement.
Ou bien des personnes qui ont peur de perdre leur maison, leur pension ou les bons alimentaires qu’elles perçoivent.
Alors que le soutien à Maduro au Venezuela se situe entre 20 et 30%, celui du défunt Hugo Chavez est de 60 %
Il y a aussi des milliers de Vénézuéliens qui sont « pistonnés », comme on dit ici en référence au réseau de corruption qui tire des bénéfices du gouvernement.
Dans tous les cas, 30% de soutien, c’est plus que ce qu’enregistrent aujourd’hui les présidents du Brésil, du Chili ou de Colombie.
Certains disent que le chavisme est en phase terminale, mais Chavez continue d’être crédité de 60% d’opinions favorables. La crise a beau être aiguë, il est difficile d’envisager la fin du chavisme.
5. « On ne peut pas sortir dans la rue »
La délinquance rampante et la peur qu’elle génère font que certains préfèrent voir un film chez eux que sortir dans un bar le soir.
Mais il y a encore beaucoup de personnes, non seulement à Caracas mais dans tout le pays, qui sortent en discothèque, dans les bars et les restaurants.
Paradoxalement, là où il y a le plus d’homicides, dans les quartiers populaires, la nuit est aussi active que dans n’importe quelle ville, mais dans les quartiers des classes supérieures, les rues restent assez désertes après 9 heures du soir.
Au Venezuela, il faut faire profil bas, ne pas parler au téléphone ou sortir un appareil photo dans la rue. Plus votre voiture est vieille et vos vêtements élimés, mieux c’est.
Avoir une escorte ou une voiture blindée peut être, parfois, contre-productif.
Malgré cela, pendant la journée, les centres-villes et les villages sont aussi animés, folkloriques et amusants que dans n’importe quel autre endroit d’Amérique latine.
Les rues vénézuéliennes sont marron, sombres, vertes, jaunes, rouges, bleues. Ici, au moins pendant la journée, il y a de la vie.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Quelle forme aurait une intervention militaire US au Venezuela?
Les États-Unis jouent plusieurs cartes simultanément . Ils parient sur l’une ou l’autre selon l’évolution du scénario, en fonction du résultat du jeu. Ils n’en écartent aucune, même celle qui pourrait sembler la plus lointaine: l’intervention militaire. Donald Trump lui-même s’est chargé de l’annoncer, personnellement et en direct pour le monde entier. La question serait : pourquoi en cet instant du conflit?
Les élections du 30 juin ont porté un coup à l’accumulation de force insurrectionnelle par la droite. Il s’est agi d’une égalisation du chavisme, d’une reprise d’initiative, comme un boxeur dans les cordes qui rebondit en portant un direct à son adversaire et restabilise le combat. Avec un avantage évident : la subjectivité. Celui qui sentait qu’il allait gagner s’est retrouvé déconcerté, démoralisé. La droite se voyait déjà – du moins sa base y croyait – en train de prendre le pouvoir, dans un déploiement qui semblait ne pas avoir de limite. Il n’a fallu que deux semaines pour qu’elle perde la rue, l’initiative, le discours, l’épopée : les militants de base accusent les leaders de la Table de l’Unité Démocratique d’être des traîtres et des lâches.
La conclusion du résultat est que la droite n’a pas de corrélation de forces – et ne semble pas non plus en condition de la construire – à l’intérieur du Venezuela pour sortir le gouvernement par la force. Pire encore: ce qu’elle annonçait comme une victoire assurée quel que soit le scénario électoral ne l’est plus. Il est difficile de savoir qui gagnera les élections des gouverneurs qui auront lieu en octobre. Les chants de victoire qu’annonçait déjà la droite ne fonctionnent plus. La défaite a un « effet domino ».
Avec ce scénario, les autres cartes, prévues à l’avance, ont commencé à bouger. D’un côté, et toujours comme transversale et permanente, la carte économique: les attaques se sont accentuées sur la monnaie et les prix. D’un autre côté, publiquement, les annonces de participation électorale: presque toute l’opposition a fini par inscrire ses candidatures. Enfin, en même temps que la carte de la violence souterraine, la carte internationale, liée à la précédente, l’économique et la diplomatique. Un mot résume cette stratégie: intégralité.
La carte souterraine
Un bras armé de la droite, toujours – apparemment – à l’état de germination est en construction. On l’a vu agir depuis le début de l’escalade du mois d’avril. D’un côté, les actions paramilitaires dans plusieurs lieux du pays, avec des attaques de casernes militaires, de commissariats, de corps de sécurité de l’État, de contrôles du territoire, de commerce et de transport. D’un autre côté, et connectés, le développement de groupes de choc qui, au fil des mois, par exemple, à Caracas, ont montré une transformation de l’esthétique, des méthodes, de l’organisation et de la capacité. Entre les premiers encapuchonnés de début avril et les « écuyers » de juin/juillet, une évolution a eu lieu. Où sont ces groupes maintenant que les rues sont calmes ?
A leur tour se sont multipliées les vidéos sur les réseaux de groupes armés, qui, avec des capuches, des armes longues et une esthétique militaire, ont annoncé être préparés pour la confrontation militaire. Leurs objectifs sont, répètent-ils, doubles : tant le gouvernement que les organisations du chavisme.
Ces groupes ont essayé de créer des héros: le premier, Oscar Pérez, qui a lancé les grenades sur le Tribunal Suprême de Justice, et ensuite apparu interviewé sur les écrans. Le second, Juan Caguaripano, qui s’est attribué la direction de l’assaut de la caserne de Fuerte Paramacay où ont été volées plus de cent armes, et qui a été arrêté le vendredi soir. L’objectif semblerait être la création de mythes, de figures qui puissent rassembler et servir de référents à une droite en panne de dirigeant visible. Sous la table certes, elle a des dirigeants: des secteurs nord-américains, ceux-là mêmes qui ont planifié l’escalade insurrectionnelle, et qui battent les cartes avec de manière subordonnée, la droite vénézuélienne, comme Voluntad Popular.
Cette force semble en processus de développement. Elle a mené des essais, suivi des entraînements. Elle essaie d’émerger, de se structurer et de se consolider, maintenant que la perte de la rue par la droite est impossible à cacher.
La carte internationale
C’est celle qui est devenue la plus forte après le 30 juin. Les Etats-Unis ont déployé un éventail de mesures contre le Venezuela, depuis les sanctions économiques, les blocus financiers, les tentatives de sièges et isolements diplomatiques, jusqu’à l’annonce récente par Donald Trump de la possibilité de l’intervention militaire. Remettre l’initiative dans les mains du front international met en évidence la dépendance et l’incapacité de l’opposition au niveau national. Là, comme dans la stratégie générale, ils jouent de toutes les cartes simultanément. Ils mesurent, préparent, évaluent les possibilités pour les discours: les conditions dans le continent ne sont pas les mêmes qu’au Moyen-Orient, en termes militaires, diplomatiques, politiques. Elles ne le sont pas non plus en géopolitique globale.
Ainsi le vice-président des Etats-Unis, Mike Pence, lors de sa conférence de presse de dimanche, après s’être réuni avec le président de Colombie, Juan Manuel Santos, a affirmé que les sanctions seraient économiques et diplomatiques. Il a écarté publiquement la possible intervention militaire qui avait été annoncée par le président états-unien. Cela pourrait s’expliquer par le rejet manifesté par Santos – allié-clef dans le conflit contre le Venezuela – d’une voie militaire, après avoir évalué qu’il n’existe pas de consensus en Amérique Latine pour poser une preuve frontale d’impérialisme disparue depuis des années. Et parce que pour intervenir militairement il n’est pas nécessaire d’annoncer qu’on le fera – ils le font déjà, de fait, à travers l’élaboration d’actions et de financement, direct ou indirect, des groupes armés de la droite.
Pour imaginer l’hypothèse de l’intervention militaire il faut se débarrasser de l’image d’un débarquement de soldats mâchant du chewing-gum, avec l’emblème des Etats-Unis sur le front. Ils n’offriront pas l’a preuvede l’action: la guerre sur chacun de leurs fronts a été posée ainsi. Il semble plus adroit de chercher dans des formes souterraines, comme le déclenchement d’actions qui serviraient de prétetxtes, des attaques depuis d’autres frontières avec le Venezuela, avec d’autres identités. C’est là que rentre par exemple la connexion avec la tentative de développement d’un bras armé qui pourrait avoir un nom, une direction publique, et se déployer avec une puissance de feu dans certaines zones. La tactique se construirait en fonction du développement de cette structure, sa capacité ou non à avancer et construire un pouvoir. Pour l’instant ce n’est qu’en germe.
Toutes les cartes sont sur la table. Le cours des événements indiquera lesquelles prendront le plus de poids et lesquelles seront écartées. La décision et le rôle des États-Unis est claire, ils posent des temps, des tactiques, ils déploient une force que la droite n’a pas au niveau national. Les élections régionales d’octobre seront des élections-clé: un bon résultat du chavisme enlèverait du poids au secteur de la droite vénézuélienne qui parie sur la résolution électorale. Cela renforcerait la thèse qu’on ne peut sortir le chavisme du gouvernement que par la force, par un bras armé, articulé avec une intervention plus grande venant d’une autre frontière, comme la Colombie ou le Brésil.
Marco Teruggi
akasha Administrateur
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Jeu 24 Aoû - 1:47
Le Monde ressuscite les morts pour mentir sur le Venezuela
Fanny Louise Troubiand du Villars (1775- 1837) et le Libertador Simon Bolivar (1783-1830)
Depuis plusieurs années, le journal Le Monde compte sur les habituels pamphlets antichavistes de ses collaborateurs Marie Delcas et Paolo Paranagua. La première est correspondante du journal pour couvrir les évènements au Venezuela. Petit détail, elle est en poste à Bogota, soit à 1400 kilomètres de Caracas.
Cela peut paraître assez étrange. On imagine assez mal un correspondant en Espagne relatant les derniers évènements tragiques de Catalogne depuis Paris. Pourtant la distance entre les deux villes européennes est plus courte que celle qui sépare les deux capitales latinos. Pour remédier à l´éloignement, la dite correspondance relève plus du commentaire élogieux des opinions de l´opposition à la Révolution bolivarienne. Mais ça, le lecteur du Monde n´en saura rien.
La deuxième personne est un éditorialiste. Il s´agit de Paolo Paranagua, alias le Comandante Saúl, responsable de plusieurs attentats dans les années 70 comme le rappelait encore Jean-Luc Mélenchon (1).
Viscéralement opposé aux gouvernements populaires d´Amérique Latine, M. Paranagua confond, depuis maintenant de nombreuses années, propagande politique et journalisme, et massacre régulièrement la notion d´information honnête et équilibrée. Mais ça, le lecteur du Monde ne le sait pas.
A ces deux militants politiques qui, sous couvert de leur carte de presse, relaient les tracts les plus odieux de l´extrême droite vénézuélienne, s´ajoute désormais un troisième larron.
Depuis maintenant deux semaines une envoyée spéciale du Monde, Fanny du Villars, rédige des écrits à charge contre la Révolution Bolivarienne dans le plus grand mépris de toute déontologie et en claire violation de la Charte de Munich (au moins en ce qui concerne les articles 1,3,6,8,9 relatifs aux devoirs des journalistes). Or Fanny du Villars n´existe au Monde que depuis deux semaines, et n´a jamais rien écrit auparavant pour ce journal, ni pour aucun autre média.
Articles de propagande écrits par "l´envoyée spéciale" du journal Le Monde, Fanny du Villars
Fanny du Villars n´est pourtant pas une inconnue au Venezuela. Née en 1775 en France, c´est une lointaine cousine du Libertador Simon Bolivar, avec qui celui-ci aurait entretenu une relation amoureuse et a correspondu jusqu´à la fin de sa vie. Fanny du Villars est décédée le 21 décembre 1837, prés de Lyon.
Ce que l´on sait moins c´est que, visiblement, elle serait revenue à la vie, et travaillerait désormais pour le groupe de communication de messieurs Pigasse, Bergé et Niel.
Certaines mauvaises langues qui ne croiront pas un seul instant à cette histoire de réincarnation pencheront plutôt pour dire qu´il s´agit là d´un pseudonyme. Or le titre « d´envoyée spéciale » confère une certaine légitimité aux faits rapportés par une personne qui est sur place, et qui est censée nous proposer une vision fidèle des évènements. Mais si cette personne n´existe pas, on peut se demander s´il y a vraiment un envoyé spécial du journal Le Monde au Venezuela ? Et si oui, pourquoi alors utiliser un pseudonyme ? Il y a, à Caracas, des dizaines de journalistes étrangers travaillant pour des médias ou des agences internationales, et à notre connaissance, aucun ne se cache derrière le masque de l´anonymat. Ce qui nous amène à nous demander qui est derrière ce pseudonyme et surtout d´où vient l´information que Le Monde offre à ses lecteurs.
En effet, « Fanny du Villars » est-elle une personne directement liée aux franges les plus radicales de l´opposition vénézuélienne et dont la crédibilité ne résisterait pas à l´examen de son curriculum politique ? Est-ce un membre de la « Resistencia », ces groupes connus pour avoir brulé vif des afro-vénézuéliens parce qu´ils ressemblaient à des chavistes ? Qui écrit ? Qui nous informe ? Un journaliste qui nous rapporte des faits ou un mercenaire de l´information, payé pour tergiverser et mentir sur la réalité du Venezuela ?
Les articles du spectre Fanny du Villars sont tellement caricaturaux qu´on peut aussi légitimement se demander s´il ne s´agit pas de travaux élaborés par un bureau de diplomatie publique, et qui échouent dans les pages d´un journal qui se prêterait au jeu de la propagande. Un grand classique qui nous renvoie aux actions menées par Otto Reich et à la Office of Public Diplomacy for Latin America and the Caribbean du gouvernement des Etats-Unis lors de la guerre contre le Nicaragua Sandiniste (2).
Il ne s´agit là, évidemment, que d´hypothèses mais une chose est sûre : les articles de « l´envoyée spéciale » Fanny du Villars ne sont pas l´œuvre d´un journaliste honnête dont le but est d´informer ses lecteurs.
Le journal Le Monde est une nouvelle fois pris la main dans le sac de la propagande de guerre. Derrière « Fanny du Villars », c´est notre droit à être informé qui est piétiné par le quotidien de référence au pouvoir dominant.
(1) Jean Luc Mélenchon est le seul homme politique à avoir dénoncé le passé obscur et le parti pris idéologique de Paolo Paranagua, voir http://www.jean-luc-melenchon.fr/2012/10/21/retour-de-voyage-dans-la-v.... Le leader de la France insoumise dénonce aussi les attentats commis par Paolo Paranagua et son groupe dans les années 70. A l´heure où les attentats endeuillent plusieurs pays d´Europe, des dirigeants historiques de l´ancienne LCR ont condamné…..Jean Luc Mélenchon et se sont solidarisés avec l´éditorialiste du Monde. Voir : https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/19...
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Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Mar 29 Aoû - 2:09
« Real news », « fake news », à vous de juger !
Regardez la grosse crotte que je viens de sortir de mon nez
Récemment, j’ai commenté sur Facebook une très courte émission parue sur le profil de Donald Trump[1]. Il s’agissait d’un « teaser » ressemblant à s’y méprendre à un véritable journal télévisé d’information et animé par une ex-journaliste de CNN…sauf que chaque phrase était à la gloire du Président. Alors que les autres commentaires s’offusquaient de la manœuvre, l’apparentant à de la propagande (ce qui est clairement le cas), j’expliquais qu’il n’y avait là, pour moi, pas grand-chose de nouveau. Le Président français, Emmanuel Macron, ne venait-il pas de « choisir » ses journalistes[2] ? Nicolas Sarkozy n’avait-il pas fêté sa victoire sur le yacht de son ami Bolloré qui est à la tête de Vivendi et de Canal+ ? N’avions-nous pas l’habitude de regarder, lire et écouter des journalistes payés par des subsides d’État ? Qui plus est, l’émission de Trump étant diffusée sur sa page Facebook, pas sur une chaîne d’information, il était selon moi clair qu’il s’agissait de communication politique et pas de travail journalistique[3]. Je terminais en rappelant que l’essentiel était en réalité d’effectuer une rigoureuse critique des sources quoique l’on ait comme document devant ses yeux. À ceci, « l’ami d’un ami » a répondu qu’il voulait comprendre comment « évaluer » un média. Cet article se propose de donner quelques clefs en partant d’un article du Soir, en Belgique.
Depuis l’élection de Donald Trump, on n’a jamais entendu autant parler de « fake news » en lui opposant l’idée de « vérité ». Rappelons en préambule qu’il n’a pas fallu attendre 2017 pour que des médias transmettent des mensonges éhontés : le charnier de Timisoara ou les armes de destruction massive en sont deux exemples connus. La singularité, ici, c’est que les « fake news » sont exclusivement attribuées aux médias « non-traditionnels ». Cet aspect pose question car il accable certains acteurs (les médias indépendants) en en disculpant d’autres a priori (la presse mainstream[4]). On est en droit de penser qu’il y a là un positionnement politique partial plus qu’une volonté de « dire la vérité ». Par exemple, on a pu montrer combien le Décodex du journal Le Monde peinait à argumenter les raisons de son lynchage de sites comme Le Grand Soir[5].
D’autre part, beaucoup de sites « de gauche » ont vu leur fréquentation décroître subitement suite à la mise en place par Google d’un nouvel algorithme censé lutter contre ces « fake news »[6]. Le World Socialist Web Site en est peut-être la victime la plus marquante.
Face aux « fake news » se pose la question du statut à donner à la « vérité ». C’est une question qui obsède les journalistes et les observateurs de la presse depuis que cette dernière existe. Certains pensent que les faits peuvent être dissociés des commentaires sur les faits. D’autres pensent que les faits « n’existent pas » indépendamment d’un contexte, selon la perspective, les valeurs ou la sensibilité de celui qui les raconte. Imaginons par exemple un vol à l’arraché. Un article qui titre : « Un immigré agresse une vieille femme et lui vole son sac » …relate le même événement qu’un article titrant : « Un réfugié SDF vole une riche rentière ». Pourtant, ces deux articles disent des choses différentes parce que les valeurs qui sous-tendent l’écriture sont elles-mêmes sensiblement différentes. Il faut alors éviter de tomber dans le piège du relativisme complet voulant qu’il n’y a « pas de vérité » mais, de toute évidence, il faut aussi éviter le piège d’une Vérité avec majuscule qui, officielle, suffirait à discréditer toute façon alternative[7] de voir le monde.
Pour arriver à cette juste distance, il faut comprendre qu’aucun acteur n’est désintéressé. Ni le magnat de la presse qui cherche, par le truchement de celle-ci, à gagner beaucoup d’argent ou à faire du lobbying ; ni le militant de gauche dont l’agenda est le renversement d’un système qu’il juge oppresseur. Ce sont précisément ces intérêts qu’une véritable critique des sources doit pouvoir faire émerger. Libre ensuite au « consommateur » d’information de se faire sa propre opinion, selon ses propres valeurs.
La critique des sources permet d’aborder une production journalistique comme un historien aborde un document : c’est-à-dire en effectuant une critique externe et une critique interne. Lors de la critique externe, on se pose une série de questions sur le contexte de production du message, son authenticité, son auteur, etc. Lors de la critique interne, on s’intéresse au contenu du message. Comme me l’a proposé cet « ami d’ami » sur Facebook, je vais m’intéresser au journal belge Le Soir en prenant un article[8] disponible au moment d’écrire ces lignes et intitulé : « Venezuela: Nicolas Maduro embarrassé face caméra par le rejet de sa carte d’électeur ». Le choix du journal Le Soir me paraît pertinent parce qu’il n’est a priori pas du tout polémique. Considéré comme un journal « de qualité », Le Soir propose une couverture généraliste de l’actualité. Pour commencer, il faut d’abord lire l’article ! Cela peut prêter à sourire mais nombreux sont ceux pensant qu’il est possible de juger un contenu sans même en avoir pris connaissance. On y apprend que M. Maduro a vu sa carte d’électeur rejetée lorsque, en direct à la télévision, il a tenté de la valider pour déposer son vote à la consultation proposant de choisir les candidats à l’Assemblée Nationale Constituante.
La critique externe
La critique externe peut être excessivement détaillée, mais je propose de ne procéder qu’à trois étapes : 1) Que sait-on du média qui publie l’info ? 2) Que sait-on de l’auteur de l’article ? 3) Que nous apprend le contexte d’énonciation de l’article ?
Sur le média, il est important de poser la question du financement car aucun média ne publie d’informations allant contre les intérêts de celui qui le finance. Les informations concernant le financement du Soir ne sont pas accessibles facilement, il n’existe par exemple pas de rubrique dédiée sur le site. On perçoit toutefois au moins trois sources de revenus : les subsides publics (le journal percevait en 2015 la somme d’1.2millions d’€[9]), le financement par la publicité et, on peut le supposer, un financement via les abonnements et l’achat du journal payant par les lecteurs. La répartition de ces ressources dans le budget global nous est inconnue, en dépit de l’intérêt évident de cette donnée. En effet, si la plus grande partie du budget est couverte par les abonnements et les achats, le degré d’indépendance est lui aussi beaucoup plus grand… Le Soir est édité par la société anonyme Rossel & Cie, elle-même appartenant au Groupe Rossel dont il n’est pas anodin de remarquer qu’il est non seulement actif dans la presse mais aussi dans le marketing et la communication financière (via Mediafin). Par ailleurs, il est aussi lié à la presse audiovisuelle privée (RTL) avec des participations dans différentes holdings[10].
Ici déjà se tisse un réseau de dépendances qui n’est pas innocent : comment avoir une parole libre par rapport aux politiques quand la viabilité de son média en dépend ? Comment avoir une parole critique sur la finance quand le groupe auquel vous appartenez a une part de son business lié à celle-ci ? Comment dénoncer les intérêts des grands groupes de presse privés quand vous faites partie de la même holding ? Comment enquêter sérieusement sur des multinationales ou de gros industriels quand ce sont eux précisément qui peuvent acheter vos encarts publicitaires ? Ainsi, les valeurs qui sous-tendent n’importe quel discours publié par Le Soir doivent être compatibles avec ces éléments. Un discours explicitement anticapitaliste, par exemple, n’y aurait pas droit de cité (à part, peut-être, sous la forme d’une « carte blanche » qui n’engage pas la Rédaction).
Intéressons-nous maintenant à l’auteur. Un lecteur non avisé pourrait être étonné car, en dépit de la réputation de « sérieux » dudit journal, l’article n’a pas d’auteur. Il s’agit en fait d’un copié-collé d’une dépêche de l’AFP (Agence France Presse) à laquelle aucune modification n’a été apportée. Retour donc en partie à la case départ et le travail effectué sur le financement du Soir devrait être complété par un travail similaire sur l’AFP. Vous avez compris le principe, je ne vais pas le refaire ici[11]! Toutefois, outre le fait qu’une information soit répétée par plusieurs médias sans commentaires ni précisions, ces dépêches posent plusieurs problèmes. On ne sait pas, par exemple, si le journaliste de l’AFP était présent sur place lors des événements relatés (on est même fortement en droit d’en douter dans la mesure où rien n’indique que ce fut le cas). Le journaliste de l’AFP, s’il n’a pas été présent, place donc sa confiance dans un autre document : une vidéo de M. Maduro. L’AFP a-t-elle correctement authentifié cette vidéo ? Rien ne l’indique. La critique externe invite également à questionner l’indépendance du témoignage. Or, présente dans le corps de l’article, cette vidéo est estampillée « El estimulo », un média vénézuélien privé. Ce n’est pas innocent tant on sait que les médias privés sont pleinement partie prenante dans les conflits au Venezuela[12]. Ainsi, en diffusant cette vidéo sans expliciter le parti-pris pro-opposition de la vidéo, l’AFP et, à sa suite, le Soir sont partiaux dans leur couverture informationnelle. C’est d’autant plus dommageable que ce positionnement est subtil, invisible au premier coup d’œil, surtout pour un lectorat qui ne connaît pas bien le contexte historique et politique de ce pays.
Enfin, si on ne connaît pas exactement l’auteur de l’article, on peut cependant rappeler quelques réalités du métier actuel de journaliste. D’abord, les conditions économiques des journalistes se sont largement dégradées en quelques décennies. Souvent à la pige, ils sont moins bien payés et n’ont pas la même protection sociale que sous un contrat d’employé. Pire : comme ils doivent « se » vendre à chaque fois qu’ils vendent un article, ils ne peuvent surtout pas déplaire, au risque de ne plus gagner leur croûte la fois suivante. Cette précarité mène à une soumission idéologique évidente. Et comme ils sont payés à la pige, ils doivent produire beaucoup pour gagner juste assez. Fort logiquement, l’obligation de privilégier le volume a des conséquences sur la qualité du traitement des sujets et sur le choix de ceux-ci (sujets légers qui demandent peu de travail d’enquête). Dans notre exemple, l’article ne fait que relater ce qui se passe sur une courte vidéo. Sans contextualisation, la valeur informative est presque nulle. Les articles produits ont alors tendance à être courts (cet article-ci serait impubliable !) et à présenter les faits comme si l’on pouvait se départir de toute analyse. Du reste, ces contraintes correspondent à des médias qui attendent justement des articles courts, plus rentables parce qu’ils amènent le lecteur à surfer plus vite et donc à consommer plus de publicité. Le travail à la pige oblige enfin le journaliste à écrire sur différents sujets. Il n’est plus le spécialiste d’une rubrique mais peut parler de la politique du Venezuela un jour et des inondations dans un petit bourg le lendemain. Dans ces conditions, l’expertise vient nécessairement à manquer, surtout lorsque les formations en journalisme sont de moins en moins construites sur un socle de culture générale fort mais plutôt autour de savoir-faire médiatiques. À titre de comparaison, j’écris cet article sur mon temps de vacances puisque j’ai la chance de travailler dans l’enseignement. Mon salaire ne dépend pas de sa publication, mon degré d’indépendance est donc plus assuré.
La critique externe se clôt sur une analyse du contexte d’énonciation. Une véritable analyse sémiotique pourrait ici être pertinente[13] mais cela demanderait trop de temps et d’espace. Notons simplement l’omniprésence de la publicité entourant l’article. Lors de ma visite sur le site du Soir, c’est une publicité pour la chaîne de restauration Starbucks qui prend le plus de place. De haut en bas, une grande capture de vidéo succède directement au titre et est suivie par un court chapeau (cinq lignes) puis une nouvelle publicité (cette fois pour une marque de voiture). Un lien vers un autre article au titre accrocheur est placé juste en-dessous de la vidéo (il s’agit que l’internaute ne reste pas trop longtemps sur une page, comme je le disais plus haut) puis, enfin, sept lignes de « contenu » interrompu par la vidéo de M. Maduro (empruntée au média El estimulo et laquelle ne démarre qu’après 15 secondes d’une nouvelle publicité pour une voiture). Quatre lignes de texte puis une nouvelle capture d’écran sur « l’info » (on voit que le lecteur de carte ne reconnaît pas celle de M. Maduro). À nouveau quatre lignes de texte interrompues par un énième lien accrocheur vers un autre article et, enfin, les deux dernières lignes de l’article. Si on fait le compte, on remarque que l’article est composé de 21 lignes d’une police très grande et composées d’à peine une douzaine de mots par ligne. Cette « économie » corrobore les éléments précités sur la nécessité de textes courts. Toutefois, l’œil du lecteur, même pour un article aussi court, aura été interrompu pas moins de huit fois, ce qui complique terriblement la lecture.
La critique interne
La critique interne consiste à juger le contenu du document, c’est-à-dire le « sens » de celui-ci. C’est évidemment très compliqué car, par définition, si l’on s’informe, c’est qu’on ignore ! Un premier point est le degré de sensibilité du propos. Par exemple, un article sur les résultats d’une compétition sportive n’est pas aussi sensible que celui sur les enjeux du transfert de Neymar au PSG, lequel a, peut-être déjà, des implications (géo)politiques. De façon générale, on peut considérer que des informations touchant à la politique, à l’économie et aux relations internationales sont les plus sensibles. Dans notre cas, l’article sur le Venezuela est donc potentiellement très sensible et notre œil de lecteur devrait être aiguisé.
La critique interne s’intéresse également à une série d’aspects qu’on a déjà évoqués plus haut : la question des intermédiaires (ici Le soir/AFP/El estimulo), les capacités physiques et intellectuelles du journaliste, les intérêts défendus par chacun de ces acteurs. Sur ce dernier point pourtant, nous devrions comme lecteurs nous interroger sur les propres valeurs qui nous animent. Deux questions très pratiques à se poser : qu’est-ce que j’ai envie de voir de l’événement ? Qu’est-ce que je m’attends à voir de l’événement ? Par exemple, si j’ai envie de voir M. Maduro humilié, ce peut être un indice de mon aversion pour son projet politique et, éventuellement, pour une gestion socialiste de la société. Et vice versa… Ce qu’on « s’attend à voir » donne une indication sur nos a priori. Par exemple, je m’attendais personnellement à voir un extrait de propagande anti-chaviste à travers cette vidéo et mes recherches sur le média privé El estimulo tendent à me conforter dans cet a priori. Quelqu’un qui s’attend à voir un « dictateur risible » risquera fort probablement d’être, lui aussi, conforté dans son opinion et ce à partir de la même vidéo. Autrement dit, on a tous tendance à faire correspondre une nouvelle information à ce qu’on sait/pense déjà. C’est un biais cognitif bien connu mais qu’il est bon de se rappeler au moment de la lecture d’un article.
Sur le contenu en lui-même, quelques remarques. Le titre promet d’assister à « l’embarras » de M. Maduro. Or la vidéo d’El estimulo coupe directement, sans qu’on puisse voir la réaction du Président. Ici, deux options : soit la vidéo est coupée par le média d’État qui retransmettait l’événement en direct, soit la vidéo est coupée par El estimulo. Cela fait une différence fondamentale puisque, dans le premier cas, il y aurait une forme de « censure d’État » mais dans le second cas il s’agirait au contraire d’une forme de mensonge médiatique (le fameux « embarras » constitue l’accroche de cet article). En réalité, la télévision vénézuélienne a continué sa retransmission[14], il s’agit donc bien d’une manipulation d’El estimulo relayée sans état d’âme par l’AFP puis par le journal Le Soir. Comment peut-on le savoir ? Hé bien parce que l’AFPes (c’est-à-dire l’AFP en espagnol) a diffusé sur YouTube une autre vidéo dans laquelle on peut voir le fameux « embarras » de M. Maduro ! Pourquoi El estimulo n’a-t-il pas montré la séquence en entier ? Tout simplement parce que ce problème technique est tout au plus une anecdote. Extraire la vidéo de son contexte permettait de monter en épingle une situation qui vraisemblablement n’en valait pas la peine. La vidéo d’El estimulo s’inscrit dans un contexte de propagande évident. Ce média est un acteur du conflit, pas un observateur.
La partie écrite de l’article mérite, enfin, un peu d’attention. Au titre directement succède une information qui n’a pourtant rien à voir avec ce dernier : on y parle d’une « douzaine de personnes décédées » lors du scrutin qui serait « décrié ».
La façon de présenter les choses suggère un rapport de cause à effet entre ces deux informations, impliquant de facto une responsabilité du pouvoir. Ainsi, le lecteur de l’article, avant même le chapeau (c’est-à-dire le paragraphe d’introduction), adopte inconsciemment une position défavorable à M. Maduro. Le chapeau en lui-même est factuel et ne prête à aucun commentaire spécifique. Les deux paragraphes suivants ne font que répéter ce que disait déjà l’introduction, en ajoutant seulement un ou deux éléments. Cependant, l’auteur de l’article qualifie la situation non plus « d’embarrassante » mais de « particulièrement embarrassante » pour le Président vénézuélien. La nuance est subtile mais vient s’ajouter à tous les autres éléments qui construisent une image négative de M. Maduro. Le troisième paragraphe est quant à lui beaucoup plus grave puisqu’il est tout simplement mensonger : « Les caméras ont rapidement cessé de filmer cet instant d’embarras pour Maduro ».
On a vu plus haut que c’était faux, que les caméras avaient bien continué de filmer et, qui plus est, il existe même une vidéo de l’AFP pour le prouver ! Impossible en revanche de savoir si l’auteur de l’article a été abusé par la coupure intentionnelle d’El estimulo ou si le mensonge est volontaire… La phrase mensongère se conclut sur le rappel de la contestation contre Maduro et sur une allégation de « guerre civile » qui serait décidément très proche.
À ce moment, inutile de dire que le lecteur lambda voit Maduro comme un affreux dictateur et ce uniquement par la présentation qui lui est faite de l’information (mais aussi sur base de fausses informations, des « fake news » pourtant relayées par une presse qui peut difficilement être plus « traditionnelle »).
L’article se conclut : (1) sur le partage sur les réseaux sociaux de ladite vidéo en ne relayant que les commentaires anti-Maduro. C’est ici un nouveau mensonge, mais cette fois par omission : en ne signalant pas le soutien populaire dont jouit encore Maduro, le journaliste renforce encore le sentiment que ce pays est une dictature ; (2) sur le fait que ni l’UE, ni les USA, ni plusieurs autres pays d’Amérique latine (non cités, et pour cause, ils sont tous à droite de l’échiquier politique) ne reconnaissent le scrutin. Le sarcasme me pousserait à souligner que l’UE n’est en effet pas très encline à reconnaître les consultations populaires, il n’y a qu’à voir le sort qui avait été réservé au « non » français au projet de constitution européenne… Pour bien faire son travail, l’auteur de l’article aurait aussi pu expliquer pourquoi ces pays ne soutiennent pas Maduro, les intérêts qui sont en jeu, les valeurs qui soutiennent les politiques, etc. (3) Enfin, l’article se conclut sur la même phrase (mot pour mot) que celle qui l’a amorcé : un rappel des personnes décédées et le caractère « décrié » du scrutin.
Qu’en conclure ?
L’analyse que je viens de produire me pousse à conclure que j’ai eu ici affaire à un article correspondant, au même titre que la ridicule émission de Trump, à de la propagande – c’est-à-dire un document construit dans l’objectif de provoquer l’adhésion à une façon particulière de voir le monde, en omettant les éléments qui auraient pu nuancer le propos voire le retourner. Comme le notait Morelli[15], le chef du camp adverse « a le visage du diable », l’ennemi provoque des atrocités, la cause défendue par l’opposition est noble, etc. Je voudrais insister sur le fait que je n’ai pas sélectionné cet article parce qu’il pouvait servir mon propos. J’ai pris le premier article en libre accès traitant du Venezuela sur le site du Soir et j’aurais pu faire le même travail avec n’importe quel autre article.
Je vais conclure en proposant une courte synthèse des questions nécessaires à une critique des sources. Bien sûr, on n’a pas le temps de faire ce travail ardu pour chaque article ou émission, mais le simple fait d’avoir les questions à se poser bien en tête aide déjà à aiguiser son esprit critique : quel est le média, qui le finance et, par conséquent, quels sont ses intérêts ? Qui est l’auteur, quel est son contexte, notamment économique (est-il par exemple employé ? est-il responsable d’une rubrique ?) Comment l’article est-il construit, est-il long, détaillé, y a-t-il des sources pour me permettre de valider ce qui est dit ? Le sujet de l’article est-il sensible ? Quelles sont mes valeurs, qu’ai-je envie de voir/lire et à quoi est-ce que je m’attends ? Est-ce que tout est dit, est-ce que tout est vérifiable ? La parole est-elle donnée à toutes les parties ? L’article cherche-t-il à expliquer ou seulement à décrire des faits ? Dans le second cas, la description est-elle exempte de connotations ?
J’ai tendance à croire que ce travail est encore plus important pour les médias qu’on a l’habitude de visiter et auxquels on fait habituellement confiance. Parce que c’est précisément lorsqu’on a confiance que notre conscience s’endort. Une véritable critique des sources commence par une critique et une connaissance de soi-même, ses préjugés et ses valeurs.
[3] Je reconnais là un peu de naïveté tant il apparaît que ce seul recul critique n’est pas intégré, non par manque d’intelligence mais par manque de formation.
[4] En dépit du bon sens : le charnier de Timisoara et les armes de destruction massive ont justement été relayés par la presse mainstream.
[11] Pourtant, il aurait été intéressant d’en dire un mot. Par exemple, si les statuts de l’AFP lui interdisent d’être subventionnée par l’État, on apprend que 40% de ses revenus sont des abonnements par…les services publics !
Un récent rapport a découvert que sur les 124 morts liées aux manifestations des derniers mois, 46 étaient imputables aux forces de sécurité et 27 à des groupes armés progouvernementaux.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a accusé, mercredi 30 août, le Venezuela de « réprimer des voix critiques et d’instiller la peur parmi la population ». « L’usage systématique et généralisé de la force lors des manifestations et la détention arbitraire de manifestants ou d’opposants politiques indiquent qu’il ne s’agit pas d’actes illégaux et secrets d’officiels isolés », estime le rapport.
Le président vénézuélien Nicolas Maduro « a été élu par le peuple », a reconnu le Haut-Commissaire Zeid Ra’ad Al-Hussein devant les médias à Genève, mais les récentes actions du gouvernement « donnent l’impression que ce qu’il reste de la vie démocratique au Venezuela est en train d’être écrasé ». […]
L’analyse réalisée par le Haut-Commissariat a découvert que sur les 124 morts liées aux manifestations et violences des derniers mois, 46 étaient imputables aux forces de sécurité et 27 à des groupes armés progouvernementaux. En s’appuyant sur un rapport de l’avocat général vénézuelien, l’ONU estime que cinq morts sont dues aux militants anti-Maduro et que d’autres cas restent troubles. […]
Suite à lire sur Le Monde, AFP, 30-08-2017
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Bien. Allons voir ce rapport alors.
Citation :
On note bien d’abord que ce n’est pas “un rapport de l’ONU” (qui viendrait de l’Assemblée générale ou du Conseil de Sécurité), mais un rapport d’une des administrations de l’ONU, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. (HCDH). À ne pas confondre avec le Conseil des droits de l’homme (élu par l’AG), le HCDH fait partie du Secrétariat des Nations Unies et dépend du Secrétaire général.
GENÈVE (30 août 2017) – Les violations massives des droits de l’homme et des abus graves de ces droits commis au Venezuela dans le cadre de manifestations hostiles au gouvernement trahissent «l’existence d’une volonté politique de réprimer des voix critiques et d’instiller la peur parmi la population, afin de mettre un terme aux protestations», selon un rapport* du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
«Le recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d’opposants politiques présumés, indiquent qu’il ne s’agit pas d’actes isolés et illégaux de la part de quelques officiers», déclare le rapport.
Le rapport invite le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à envisager de prendre des mesures afin d’empêcher que la situation des droits de l’homme au Venezuela, qui siège actuellement au Conseil, ne se détériore encore plus.
L’analyse menée par le Haut-Commissariat indique que sur les 124 décès liés au mouvement de contestation et sur lesquels le ministère public enquêtait en date du 31 juillet, 46 pouvaient être imputés aux forces de sécurité et 27 aux colectivos, les groupes armés pro-gouvernement. Pour les 51 morts restants, aucune responsabilité n’a pu encore être établie.
Pendant la période couverte par le rapport, à savoir du 1er avril au 31 juillet, le ministère public a ouvert une enquête sur au moins 1 958 cas de blessures encourues dans le contexte des manifestations. L’examen de ces blessures réalisé dans le rapport indique une intensification progressive de l’utilisation de la force. Si, début avril, la majorité des blessures relevaient de l’inhalation de gaz lacrymogènes, en juillet le personnel médical soignaient des blessures par balles.
«La réaction des autorités vénézuéliennes aux récentes protestations s’est faite aux dépens des droits et des libertés des citoyens, a déclaré le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein. Le gouvernement doit garantir qu’une enquête rapide, indépendante et efficace sera menée sur les violations des droits de l’homme dont les forces de sécurité se seraient rendues coupables et sur les graves abus commis par les colectivos ou des manifestants violents. Cela implique que les enquêtes ouvertes par le ministère public pendant la période couverte par le rapport se poursuivent et soient scrupuleusement et visiblement impartiales», a-t-il ajouté.
«Le droit de rassemblement pacifique a été systématiquement violé, et un grand nombre de manifestants et de personnes identifiées comme des opposants politiques ont été détenus. Le rapport fait également état de graves violations du droit à un procès équitable et de traitements dégradants assimilables dans certains cas à de la torture», a annoncé M. Zeid.
D’après les estimations fiables d’une ONG locale, plus de 5 000 personnes ont été détenus depuis le 1er avril, et plus de 1 000 étaient encore détenues en date du 31 juillet. Au moins 609 civils arrêtés dans le contexte des manifestations ont été déférés devant des tribunaux militaires. Le rapport invite le gouvernement vénézuélien a mettre un terme aux détentions arbitraires et au recours aux tribunaux militaires pour juger des civils.
Des groupes de manifestants anti-gouvernement organisés de manière informel ont eux aussi versé dans la violence, utilisant des armes improvisées allant du lance-pierres aux cocktails Molotov et mortiers artisanaux. Au moins quatre personnes auraient été tuées par des groupes ou individus hostiles au pouvoir en place et, selon le gouvernement, neuf membres des forces de sécurité avaient été tués au 31 juillet. Le rapport appelle les partis d’opposition à condamner tous les actes de violence, en particulier ceux commis par des groupes violentes de manifestants.
Le rapport documente des attaques menées par les forces de sécurité contre les journalistes et les travailleurs des médias afin de les empêcher de couvrir les manifestations. «Des manifestants et des journalistes ont été qualifiés d’ennemis ou de terroristes par les autorités, des mots qui n’ont rien fait pour atténuer le climat de violence et de polarisation, voire qui y ont contribué», a dénoncé le Haut-Commissaire.
S’il reconnaît que le nombre de manifestations, d’arrestations et de décès a diminué depuis le 1er août, M. Zeid s’est dit préoccupé par les récentes mesures prises par les autorités pour criminaliser les leaders de l’opposition politique par le biais de la Commission de vérité, de justice et de paix.
«La Commission, établie récemment par l’Assemblée constituante, ne remplit pas les critères fondamentaux de transparence et d’impartialité, indispensables pour mener des enquêtes indépendantes et non motivées par des considérations politiques sur les violations des droits de l’homme et les abus commis», a-t-il commenté.
Le Haut-Commissaire a averti que la crise économique et sociale persistante et les tensions politiques croissantes risquent d’ aggraver la situation du Venezuela.
«J’encourage le gouvernement vénézuélien à suivre les recommandations formulées dans le rapport et à se servir des conclusions de celui-ci comme lignes directrices pour la recherche de la vérité et de la justice pour les victimes de violations et d’abus. Je réitère mon appel au gouvernement à renoncer à toute mesure susceptible d’aggraver les tensions politiques et invite toutes les parties à poursuivre un vrai dialogue afin de mettre un terme à la crise», a conclu M. Zeid.
FIN
*Le gouvernement vénézuélien n’ayant pas répondu aux demandes d’accès au terrain, une équipe d’enquêteurs a mené des investigations à distance sur les violations des droits de l’homme entre le 6 juin et le 31 juillet. Le rapport se base sur l’analyse faite par ces enquêteurs des informations qu’ils ont collectées, notamment à travers 135 entretiens avec des victimes et membres de leur famille, des témoins, des organisations de la société civile, des journalistes, des avocats, des docteurs, des urgentistes et des représentants du ministère public.
Ce rapport est très intéressant (édifiant sur les témoignages de mauvais traitements en prison), mais quelques questions surgissent quant au bilan.
Il est à noter que pour ce point, la source première “de l’ONU” est le Ministère Public du Venezuela et qu’ils ont ensuite “enquêté” :
Et c’est là qu’il y a une chose qui peut sembler étonnante : ils indiquent que sur 124 morts, 46 ont été tués par les forces de sécurité, 27 par les colectivos armés et qu’il y en a 51 où on ne connaît pas la responsabilité.
Or les colectivos armés sont “pro-gouvernement” :
On pourrait donc penser avec une lecture rapide qu’il y a 124-46-27-51 = 0 mort dus aux manifestants.
Ce qui est faux car on connaît bien des victimes des manifestants.
En fait, il semble y avoir ici une “hyper-précision” du HCDH : “la responsabilité” dans ces cas n’est pas connue car on ne sait pas qui a tiré depuis une barricade, mais on sait que ça venait de là – comme pour les 7 policiers tués par exemple, ou pour le jeune brûlé vif :
Cela a conduit à des imprécisions dans la presse, alors que le HCDH précise bien plus loin dans son rapport (et dans le communiqué de presse précédent) qu’au moins 4 personnes ont été tuées par des groupes anti-gouvernement :
On trouve par ailleurs des informations très intéressantes :
Ou ceci :
dont la source est là en fait (Défenseur du Peuple) :
Ainsi, sur près de 2 000 blessés, il y a eu 507 policiers blessés, dont 424 blessés par des objets contondants, et 77 policiers blessés par des armes à feu. Pas si “Pacifiques” les manifestants – ce qui n’étonnera personne ici…
Bref, on peut trouver le rapport intéressant pour pointer d’inacceptables atteintes aux droits de l’homme, mais il aurait gagné à se montrer plus neutre. Cela apparaît déjà sur la couverture :
alors qu’avec ceci, on change de perspective :
(sachant que si l’opposition manifestait au Venezuela avec de simples drapeaux, il n’y aurait aucune violence et donc aucun mort)
Bref, la presse s’est jetée sur ce rapport (qui ne contient pas les noms détaillés des victimes), mais il faut savoir qu’il y a une assez bonne transparence des pouvoirs publics au Venezuela sur le bilan humain.
C’est ce que nous allons voir dans le prochain billet avec un bilan humain plus détaillé, qui illustre certaines limites de l’exercice “de l’ONU”…
« Le Venezuela a rejeté ce jeudi le rapport du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies (ACNUDH ) comme exprimant une position “partiale et tendancieuse” sur la réalité du pays
Le gouvernement vénézuélien affirme que le rapport du ACNUDH […] se fonde sur les critères d’un “suivi à distance” des faits ayant eu lieu durant les manifestations violentes de l’opposition.
Ledit rapport précise que le haut commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Zeid Raad al-Husein, a déployé une équipe pour réaliser un suivi à distance, y compris depuis le Panama.
Pour le gouvernement vénézuélien, il n’est pas possible qu’il soit accusé de violation des droits de l’homme quand l’équipe censée avoir été déployée par l’ONU a travaillé à distance et s’est servi “de fausses nouvelles répandues par des médias sans scrupules et sans vérification aucune”.
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères affirme que l’ ACNUDH a omis “la documentation abondante, éclairante et digne de foi qu’a fournie l’Etat vénézuélien”, et qui démontre la responsabilité des dirigeants de l’opposition dans l’organisation, la promotion et le financement des actes de violence.
“Les conclusions fausses de l’autoproclamée équipe d’experts de l’ONU avalisées par le Haut-Commissariat ont porté un coup sérieux à la probité, l’impartialité, l’équité , l’honnêteté et la bonne foi qui doivent prévaloir dans les actions de ladite officine, et représentent un danger pour les Nations Unies”, dit le communiqué de la Chancellerie. »
(Billet édité)
akasha Administrateur
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Sam 7 Oct - 4:24
Le 30 juillet 2017 a eu lieu l’élection de ce qu’on appelle une « Assemblée constituante » ou convention constitutionnelle. Celle-ci est très controversée, car elle n’a été reconnue ni par l’opposition, ni par de nombreux Etats. On reproche au chef d’Etat socialiste Nicolás Maduro de transformer le pays en dictature.
Mais qu’est-ce qu’une assemblée constituante exactement et qu’est-ce qui s’est réellement passé au Venezuela ? L’élection d’une telle instance était-elle légale ou non ?
De manière générale tout Etat peut convoquer une assemblée constituante pour un temps limité, pour rédiger une nouvelle constitution ou modifier une constitution existante. Elle n’est convoquée que pour créer la constitution et les lois de l’Etat nécessaires pour que celui-ci puisse fonctionner et agir de manière efficace à travers ses organes constitutionnels. Elle est élue par le peuple et possède le pouvoir constitutionnel du peuple. Concernant des décisions au sujet contenu de la future constitution elle est donc placée d’après le droit démocratique au-dessus d’autres organes tels que le parlement ou le gouvernement. En Allemagne, selon l’article 146 de la loi fondamentale pour la République Fédérale d’Allemagne, il existe la possibilité de convoquer une assemblée constituante fédérale allemande.
Venons-en maintenant au Venezuela. Walter Suter est une des personnes qui étaient sur place lors des élections pour l’assemblée constituante le 30 juillet en tant qu’observateur indépendant. De 2003 à 2007 il a été ambassadeur de Suisse au Venezuela et il connaît très bien le pays. Dans la suite nous allons vous présenter quelques déclarations de Walter Suter provenant d’une interview avec le journal suisse « Zeitgeschehen im Fokus » en français « Focus sur l’actualité », paru dans l’édition du 19 août 2017.
Concernant la situation dans la capitale avant les élections pour l’assemblée constituante, Suter rapporte que dans les quartiers des gens plus fortunés, des barricades avaient été érigées et qu’il fallait s’attendre à des violences. « L’opposition a voulu empêcher les habitants de ces quartiers de participer au vote » dit Suter. Suite à cela, il y a eu des violences récurrentes.
Les autorités ont convoqué l’armée pour garantir la sécurité et pour protéger les bureaux de vote. Cela a bien fonctionné. Les membres des bureaux de vote ont été tirés au sort parmi les électeurs inscrits. Les membres de l’opposition ont été invités à aider dans les bureaux de vote et s’ils ont décidé de ne pas venir, c’est leur problème, affirme Suter. Walter Suter poursuit :
« La participation électorale a été de 42%, ce qui représente plus de 8 millions de personnes. La loi de vote ne requiert pas de participation minimale. C’est pourquoi ce vote est valable. » A la question : « Pourquoi le président Nicolás Maduro a-t-il convoqué une assemblée constituante et est-ce qu’il veut faire du Venezuela une dictature ? », Suter a répondu littéralement : « L’idée de Maduro de convoquer une assemblée constituante a résulté du blocage qui s’est produit après les élections parlementaires de l’automne 2015. Le gouvernement avait plusieurs fois invité l’opposition au dialogue. Mais celle-ci l’a constamment refusé. Pour dissoudre le blocage et empêcher un surcroît de violence organisée par l’opposition, le président a vu là la possibilité d’arriver à quelque chose de constructif et à la paix dans le pays. » De plus le gouvernement avait proposé d’inscrire dans la constitution tous les acquis sociaux dans le domaine de l’éducation, des services de santé, de la construction de logements sociaux, etc.
En outre Walter Suter a été interrogé au sujet des membres du conseil constitutionnel : Ce qui, d’après lui, est nouveau c’est que ce ne sont pas seulement les représentant des 335 communes qui ont été élus, mais aussi des représentants de différentes professions, afin que toutes les couches sociales, mais aussi des personnes âgées ou handicapées soient représentées. Walter Suter dit textuellement : « On veut maintenant une large participation de toutes les couches de la population, c’est ce qu’au Venezuela on comprend par démocratie participative. L’opposition était également invitée à venir et elle aurait pu s’inscrire pour le vote. Et si 80 % de la population soutenait l’opposition, comme celle-ci le prétend toujours, alors elle aurait eu la majorité à cette commission et elle aurait pu influencer la constitution à son goût. »
L’ancien ambassadeur résume : L’opposition a toujours été invitée à participer à un dialogue constructif. Mais elle a refusé celui-ci sur toute la ligne. Le conseil d’experts latino-américain (CEELA), qui est plutôt de droite, a également confirmé la légalité de la mise en pratique de l’assemblée constituante du Venezuela. Les médias du mainstream passent cela sous silence car sinon il serait évident que le Venezuela est dénigré au moyen de la propagande. Voilà ce qu’affirme Walter Suter.
Concernant l’information des médias et des politiciens occidentaux selon laquelle le Venezuela se trouve sur le chemin d’une dictature, cela laisse quelques points d’interrogation en suspens. Car des observateurs indépendants des élections comme Walter Suter en viennent à un autre résultat, c’est-à-dire celui que les processus au Venezuela sont loin d’être ceux d’une dictature. Les médias et politiciens occidentaux sont-ils en train de dormir, n’ont-ils pas fait leur devoir ou est-ce qu’une stratégie ciblée se cache derrière cela ? Vous trouverez les réponses à ces questions dans notre série d’émissions en langue allemande : Le Venezuela trompé.
Ce dimanche 15 octobre, plus de 18 millions de vénézuéliens étaient invités à élire les 23 gouverneurs de 23 états parmi 226 candidats de droite ou bolivariens (= chavistes) – sauf à Caracas qui n’est pas un État. À cet effet le Centre National Électoral avait installé dans tout le pays 13.559 centres de vote et 30.274 tables électorales. Le taux de participation a été de 61,4 %, un taux très élevé pour un scrutin régional.
Les bolivariens remportent une large victoire avec 17 états contre 5 pour l’opposition. Celle-ci gagne notamment dans les états stratégiques de Mérida, Táchira, Zulia, proches de la Colombie, foyers de violence paramilitaire. Les bolivariens récupèrent trois états historiquement gouvernés par la droite : les états d’Amazonas, de Lara et – victoire hautement symbolique – celle du jeune candidat chaviste Hector Rodriguez dans l’État de Miranda, longtemps gouverné par le milliardaire et ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles Radonsky.
Pour mieux comprendre le ressort vivant du chavisme, il suffit de comparer deux images. En haut : une droite machiste, blanche, liée à l’entreprise privée, adoubée par Donald Trump, l’Union Européenne, Emmanuel Macron, Mariano Rajoy, Angela Merkel et les grands médias internationaux, pour « rétablir la démocratie ». En bas, les secteurs populaires – une population métissée, majoritaire, mais invisibilisée par les médias – font la fête à Petare, un des plus grands « barrios » d’Amérique Latine, après la victoire du candidat bolivarien Hector Rodriguez. (1)
Le candidat bolivarien Hector Rodriguez a gagné son pari de reprendre l’état de Miranda à la droite.
C’est le 22ème scrutin depuis que le chavisme est arrivé au gouvernement, et le deuxième de l’année (on peut y ajouter plusieurs consultations – organisées en interne et sans cadre légal – par les partis de droite en 2017). Cette élection des gouverneurs sera suivie par celle des maires puis, en 2018, par les élections présidentielles.
Ces résultats qui donnent au chavisme 54 % des votes nationaux contre 45 % à la droite sont d’autant plus intéressants que ces élections ont lieu dans un contexte difficile. Il y a deux mois et demi encore, une insurrection armée dirigée par l’extrême droite cherchait à renverser le gouvernement élu, avec un bilan de près de 200 morts (2). Cette déstabilisation prit fin le 30 juillet, lorsque la population jusque-là restée en marge de ces violences s’est mobilisée pour élire une Assemblée Constituante. Désavouée, la droite s’est alors déchirée entre un secteur radical maintenant l’objectif de revenir au pouvoir sans passer par les urnes et un secteur acceptant de revenir à la voie électorale. Pour tenter d’infléchir le scrutin en sa faveur, la droite, le secteur privé (80 % de l’économie) et les Etats-Unis ont remis toute la pression dans la guerre économique, avec l’envol astronomique des prix de certains de produits de base afin d’augmenter le mécontentement populaire. Comme d’habitude, soucieuse d’alimenter le storytelling international, la droite a contesté les résultats, évoquant une « fraude ». Le président Maduro a répondu en demandant un recomptage de 100 % des votes.
Les experts du Collège d’Experts Electoraux d’Amérique Latine (CEELA) ont suivi l’ensemble du processus électoral.
Parmi les observateurs internationaux dont 50 experts électoraux, le colombien Guillermo Reyes, porte-parole du respecté Collège d’Experts Electoraux d’Amérique Latine (formé d’ex-présidents de centres nationaux électoraux de nombreux pays) a rappelé que le système électronique du Venezuela est le plus moderne du continent et que plusieurs jours avant l’élection, l’ensemble des partis de droite et de gauche ont participé aux essais techniques du vote, signant le rapport concluant à sa fiabilité. En 2012 déjà, le système électoral automatisé du Venezuela a été qualifié par le Centre Carter de « meilleur du mondemeilleur du monde ». (3)
Avec 22 scrutins en 18 ans de processus bolivarien, le Venezuela continue donc à battre tous les records en nombre d’élections et même si les secteurs radicaux de la droite crient à la fraude quand les résultats ne les favorisent pas, celle-ci en a remporté plusieurs, comme les législatives de 2015.
Scènes de la campagne et de l’élection régionale du 15 octobre 2017.
Contrairement à ce que les médias veulent faire croire au monde entier, la droite vénézuélienne dispose de tous les moyens pour s’exprimer. La majorité des médias, privés, et des réseaux sociaux (bots y compris…) lui est largement favorable sur les plans local, régional, national et international (4). On comprend le silence des médias internationaux sur ce scrutin qui contredit, une fois de plus, le plus grand fake news de l’histoire contemporaine : « la dictature au Venezuela ». Les urnes répondent aux « journalistes » qu’il ne faut jamais oublier l’existence d’un peuple, et encore moins sous-estimer sa conscience.
Thierry Deronne, Caracas, le 15 octobre 2017
Pour Rafael Correa, « le Venezuela vient de vivre une fête démocratique (..) Avec ces résultats le peuple vénézuélien dénude la manipulation médiatique ». Evo Morales félicite le Venezuela parce que la démocratie a vaincu l’intervention et la conspiration. Le peuple défend sa souveraineté, sa dignité, ses ressources naturelles. La paix a triomphé face à la violence, le peuple face à l’Empire. Luis Almagro (secrétaire général de l’OEA, NdT) et son chef Trump ont perdu. »
Note :
Lire « On n’a encore rien dit du Venezuela », https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/09/25/on-na-encore-rien-dit-du-venezuela-le-journal-de-linsoumission/ Pour un graphique et un tableau précis et complet des victimes, des secteurs sociaux, des responsables et des personnes condamnées, voir https://venezuelanalysis.com/analysis/13081; Sur les assassinats racistes de la droite : Sous les Tropiques, les apprentis de l’Etat Islamique – 27 juillet 2017 ; Le Venezuela est attaqué parce que pour lui aussi « la vie des Noirs compte » (Truth Out) – 24 juillet 2017 « Former US President Carter: Venezuelan Electoral System “Best in the World” », https://venezuelanalysis.com/news/7272 Au Venezuela la majorité des médias, comme l’économie en général, sont privés et s’opposent aux politiques sociales du gouvernement bolivarien. Voir Mensonges médiatiques contre France insoumise, partie I : « Maduro a fermé 49 médias ». – 4 septembre 2017. On peut lire aussi, sur ce thème : Thomas Cluzel ou l’interdiction d’informer sur France Culture, http://wp.me/p2ahp2-1M7
akasha Administrateur
Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: Re: Dossier Venezuela : Les derniers événements Lun 30 Oct - 2:25
La Russie et la Chine mettent un frein à l’option militaire de Trump au Venezuela
Face à l’intention des Etats-Unis d’intervenir au Venezuela et de contrôler le pays, se place le facteur des alliances avec la Chine et la Russie, puissances qui remettent en cause l’hégémonie étasunienne au niveau mondial. Une investigation de Mision Verdad
La Chine: une ceinture, une route
La Chine s’est proposé de réactiver la Route de la Soie, cette ancienne route commerciale qui s’étendit autrefois de la Chine à l’Occident sous l’Empire romain et par laquelle la soie orientale arriva pour la première fois en Europe. C’est par ce double couloir de commerce et de distribution de ressources énergétiques et de matières premières, que le président Xi Jinping cherche à rouvrir les canaux entre la Chine et l’Asie Centrale, le Moyen Orient et l’Europe.
L’Initiative « la Ceinture et la Route » (ICR) a été lancée en 2013. Elle englobera des routes terrestres (la Ceinture) et des routes maritimes (la Route) afin que le pays devienne moins dépendant du marché étasunien pour ses exportations et améliore ses relations commerciales dans la région, principalement à travers des investissements en infrastructure qui visent à renforcer le leadership économique chinois. La Chine prêtera à hauteur de 8000 milliards de dollars pour de l’infrastructure dans 68 pays, pour une population totale de 4400 millions d’habitants (65% de la population mondiale et un tiers du PIB mondial) et une part de 30% de l’économie mondiale. Cela représente 7 fois plus que le Plan Marshall des Etats-Unis pour reconstruire l’Europe après la Deuxième Guerre Mondiale.
La Ceinture couvre six couloirs économiques: le Nouveau Pont Continental Euro-asiatique, le couloir Chine-Mongolie-Russie, le couloir Chine-Asie Centrale-Asie Occidentale, le couloir Chine-Péninsule Indochinoise, le couloir Chine-Pakistan et le couloir Bangladesh-Chine-Inde-Myanmar. Elle s’étendra également vers l’Amérique Latine par voie maritime.
Au-delà d’évacuer le surplus de produits, avec l’ICR, le gouvernement chinois envisage de déplacer les excédents manufacturiers moyennant la délocalisation industrielle vers les pays périphériques, le long des divers couloirs de l’Initiative. Par la fabrication de produits industriels de haut de gamme il parviendrait à commercialiser des trains à grande vitesse, des générateurs d’énergie et des équipements de télécommunications.
La Russie en réajustement géostratégique
De son côté, la Russie maintient une politique extérieure qui a été considérée comme « intelligente » par différents analystes et lui a permis de contourner une crise provoquée par le ralentissement économique, les sanctions de l’Occident et la chute des prix du pétrole. Sa stratégie est dirigée par la création de l’Union Economique Euro-asiatique qui réunit le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Arménie, dans l’intention de constituer un marché commun unique avec la libre circulation des marchandises, des services, du capital et des personnes, et, en outre, un espace doté d’une politique migratoire, éducative, englobant même l’information.
Après l’adhésion de la Crimée, la guerre à l’est de l’Ukraine et son engagement en Syrie, le Kremlin poursuit de multiples objectifs de stabilité interne et de présence internationale qui sont passés par la stabilisation de sa relation avec la Turquie, ce qui lui a aussi permis de consolider son influence dans la victoire contre les groupes terroristes en Syrie.
La Russie a réorienté ses alliances géopolitiques après que les Etats-Unis ont conçu et soutenu le renversement du gouvernement ukrainien de Viktor Ianoukovitch et installé un régime d’extrême droite dans le but de resserrer l’encerclement. Washington et ses agences ont pour cela dépensé 5 milliards de dollars dans le financement de « programmes de diffusion de valeurs et de formation politique » en Ukraine, ont fomenté une révolution orange avec la prise de la place de Maïdan et tout le processus de tensions bien connu qui déboucha sur les sanctions imposées à Moscou, aux côtés de l’Europe.
Un des objectifs de sa conception de la politique extérieure énoncée en Novembre 2016, est de renforcer la position de la Russie comme un pays prédominant dans le monde moderne et de retrouver son influence dans la stabilité et la sécurité du système démocratique mondial. Voici, parmi d’autres, quelques directions spécifiques :
- Lutter contre la pression politique et économique des Etats-Unis et de leurs alliés, qui conduisent à la déstabilisation mondiale. - Poursuivre le travail conjoint avec l’Union Européenne (UE) qui reste pour la Russie un important partenaire politique et économique. - Maintenir l’objectif de stabilisation de la situation au Moyen Orient et en Afrique du Nord. - S’opposer aux tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures de la Russie afin d’obtenir des changements de pouvoir non constitutionnels. - Utiliser les nouvelles technologies pour renforcer la position des moyens de communication de la Russie à l’extérieur et accroître la sécurité informatique du pays. - Considérer le projet de construction d’un système de défense antiaérien des Etats-Unis comme une menace pour la sécurité nationale, ce qui donne à la Russie le droit de prendre les mesures de réponse nécessaires. - Considérer comme intolérable toute tentative de pression des Etats-Unis et réagir avec force à toute action hostile. - Construire des relations mutuellement bénéfiques avec les Etats-Unis. - Renforcer les liens de la Russie avec l’Amérique Latine et la Caraïbe.
Le bloc Chine-Russie gagne des espaces par une vision multipolaire
Les deux nations partagent de plus en plus les éléments d’une vision du monde pluri-polaire, elles privilégient l’importance de maintenir des Etats-nations forts qui jouissent d’une pleine liberté d’action au niveau international.
Elles partagent des critiques envers les gouvernements occidentaux et dénoncent ce qu’elles considèrent comme une couverture médiatique occidentale biaisée. Elles dénoncent aussi le financement étranger d’organisations non gouvernementales (ONG) et l’utilisation de techniques de mobilisation sur les réseaux sociaux pour fomenter l’instabilité. En 2011-2012, Poutine a rejeté sur les ONG parrainées par les Etats-Unis la responsabilité des manifestations de rue tenues à Moscou ; en 2014 Pékin a vu une main étrangère derrière le mouvement de protestation à Hong Kong.
Récemment le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a menacé la Chine de l’exclure du système international du dollar américain si elle n’appuie pas les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, ce qui a suscité chez l’analyste Paul Craig Roberts la réflexion suivante : « le Gouvernement des Etats-Unis, Etat en faillite, dont la dette dépasse les 20000 milliards de dollars, qui se voit obligé de créer de la monnaie pour acheter ses propres titres de créance, menace la deuxième plus forte économie mondiale, dont le pouvoir d’achat est supérieur à celui de l’économie des Etats-Unis « , et cela à partir du scénario prévu selon lequel une énorme quantité de transactions économiques sortiraient du système du dollar provoquant la réduction de son volume et de son importance.
La Russie et la Chine achètent de plus en plus d’or pour soutenir leurs économies et faire face à la valeur artificielle du dollar pendant que les pays de l’axe asiatique commencent à réaliser des échanges commerciaux dans leurs propres monnaies, y compris pour le pétrole, coup sévère porté au pétrodollar.
L’Amérique Latine à l’horizon
Des analystes affirment que l’existence même du groupement des Brics (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud) favorise l’autonomie des Etats latino-américains au niveau international et élargit leur marge de manœuvre en politique extérieure. Il s’agit d’un groupe qui occupe 29% de la terre ferme de la planète (sans compter l’Antarctique), concentre 43% de la population mondiale et près de 27% du PIB mondial en termes de parité du pouvoir d’achat.
Au cours du sommet qui s’est tenu en septembre dernier, le bloc est convenu de créer la Nouvelle Banque de Développement, qui prévoit d’accorder des prêts à hauteur de 4 000 millions de dollars en 2018 tout en finançant des projets à moyen terme du secteur privé. Il a aussi été convenu de créer un fond d’obligations en devises nationales pour « contribuer à assurer la stabilité des investissements dans les pays du Brics, stimuler le développement de marchés obligataires nationaux et régionaux des pays du Brics, y compris l’augmentation de la participation du capital privé étranger et l’amélioration de la stabilité financière des pays du Brics « .
De nombreux analystes affirment que si la Chine parvient à redessiner la carte du commerce mondial, elle créera des opportunités pour que les exportations latino-américaines trouvent de nouveaux débouchés en Asie. On parle également d’un câble de fibre optique Trans-Pacifique pour unir les deux régions, tandis que la Chine s’intéresse au financement de tunnels, routes et chemins de fer qui aideront à acheminer les produits des pays de la côte atlantique de l’Amérique Latine vers la Chine et vice-versa.
Le commerce et les investissements de la Chine en Amérique latine ont connu une croissance exponentielle depuis l’an 2000, les exportations de l’Amérique latine vers la Chine, après l’escalade des sanctions de 2014, ont augmenté de 5000 millions de dollars en 2000 à 120000 millions de dollars en 2012, de même qu’ont augmenté les importations depuis la Chine, générant une balance commerciale totale d’environ 230 000 millions de dollars par an. Pour plusieurs des principales économies de l’Amérique latine, comme le Brésil, l’Argentine, le Chili et le Pérou, la Chine a remplacé les Etats-Unis en tant que principal partenaire économique, mais non en tant qu’investisseur. Voilà un défi crucial pour l’hégémonie économique dont ont joui les Etats-Unis dans la région, depuis le déclin de l’empire britannique, fruit de la Seconde Guerre Mondiale.
La collaboration stratégique de la Russie avec le Brésil, en particulier dans le cadre des Brics, ainsi que la coopération avec l’Argentine, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et d’autres Etats de l’Amérique latine et de la Caraïbe, recherche des réponses aux nouveaux défis et menaces. L’incorporation d’entreprises russes dans les secteurs dynamiques de l’industrie, l’énergie, les communications et le transport dans les pays de la zone s’est vue accompagnée de la consolidation des liens à travers la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (Celac).
La relation de la Russie avec les partenaires latino-américains (en particulier l’Argentine, le Brésil, le Chili, l’Uruguay et l’Equateur) a franchi un nouveau pas après l’escalade des sanctions de 2014, qui limitaient l’importation de produits alimentaires en provenance de l’UE, des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Norvège. La Russie les a remplacés par des livraisons venues de l’Amérique latine et a mis en route la mission de rendre leur économie plus compétitive et plus diversifiée en accordant un plus fort appui au développement de leur économie agricole.
Le commerce estimé de la Russie avec l’Amérique latine et la Caraïbe s’est élevé à 24000 millions de dollars en 2013 tandis que la Chine continue à détrôner d’autres concurrents étrangers, par le biais de fusions et rachats qui ont atteint 102200 millions de dollars investis par la Banque de développement de Chine (CDB) et la Banque Chinoise d’import-export (Chexim) entre 2005 et 2013.
Il faut souligner qu’aucun des pays de la dite Alliance du Pacifique, bloc commercial latino-américain qui inclut actuellement le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou, n’a pris la décision, en son temps, de rompre les relations avec la Chine, alors même que ce bloc apparaissait comme un partenaire proche des Etats-Unis et du Canada. Ses membres (moins la Colombie) figuraient parmi les pays désireux d’établir le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) annulé par Trump en janvier dernier.
Comme elle compte peu de positions dans le Pacifique en raison de la barrière de contention géographique que représentent le Japon, Taiwan, l’Indonésie et d’autres lieux contrôlés par les USA, la logique d’expansion chinoise est orientée vers le Pacifique sud.
La dissuasion au Venezuela
Le Venezuela est la première destination latino-américaine des investissements chinois. Depuis 2001, se sont développés quelques 800 projets de coopération qui ont permis le développement de secteurs aussi stratégiques que l’énergie, le pétrole, l’éducation, la santé, la technologie, le commerce, l’agro-industrie, l’agriculture, l’infrastructure, l’industrie, la culture et le sport. En 2013, le commerce bilatéral avait été multiplié par 13714, passant de 1,4 million de dollars en 1974 à 19 200 millions de dollars.
La Russie dispose d’importants investissements dans la Ceinture Pétrolifère de l’Orénoque au travers de l’entreprise Rosneft qui ont été consolidés et seront augmentés après la rencontre à Moscou des présidents Poutine et Maduro début octobre. La coopération agricole également devrait augmenter, au moyen de la mise en route d’usines de transformation de denrées alimentaires de haute technologie.
La coopération militaire engage plus de 11000 millions de dollars dans divers systèmes de missiles, de défense, sol-sol, sol-air, des systèmes d’artillerie, défense antiaérienne, fusils, hélicoptères, avions de combat et équipement logistique. L’échange commercial entre les deux pays a connu son apogée en 2013, lorsqu’il atteignit 2 450 millions de dollars.
En mai 2013 un accord de confidentialité permit à Rosneft d’obtenir des données géologiques sur les blocs pétrolifères en mer du Venezuela pour leur possible future exploitation, dans la claire intention de protéger les intérêts commerciaux chinois et d’assurer l’accès russe aux futurs gisements de pétrole et de gaz au Venezuela.
La Chine et la Russie déjouent l’intérêt qu’ont les Etats-Unis à intervenir d’une manière plus décisive dans la politique vénézuélienne car les alliances passées par le pays caribéen sont vitales pour leurs objectifs géostratégiques. Les déclarations depuis Moscou et Pékin à chaque agression réalisée par les Etats-Unis ces dernières années, ont été claires. Les deux gouvernements ont appelé à la résolution souveraine des conflits et à la non-ingérence, car les sanctions imposées par l’Administration Trump représentent une attaque directe aux alliances passées avec le pays sud-américain. D’où précisément leur appui à une résolution des conflits au Venezuela par la voie des élections, sous l’autorité de l’Etat vénézuélien et de son institution électorale, objet des attaques, le CNE.
Une partie du conflit global se déroule sur un territoire local, ce qui permet au Venezuela, dans les reconfigurations des dynamiques géopolitiques, de jouer un rôle décisif en faveur du multipolaire comme recherche d’un équilibre politique global qui lui permette d’exercer son droit à exister de manière souveraine.
Traduit de l’espagnol par Michèle Elichirigoity pour Venezuela Infos