La machine de guerre étasunienne en Afrique
Pendant des années, AFRICOM a vendu la fiction que Djibouti est le site de sa seule « base » en Afrique. Alors que les États-Unis maintiennent un vaste réseau d’installations militaires dans le monde entier, avec des complexes militaires énormes et difficiles à ne pas voir en Europe et en Asie, les bases d’Afrique ont été mieux dissimulées. [color=#ffffff]Le général Thomas Waldhauser semblait un peu mal à l’aise. « Je dirais simplement qu’ils sont sur le terrain. Ils essaient d’influencer l’action », a commenté le chef du Commandement africain des États-Unis (AFRICOM) lors d’une conférence de presse au Pentagone, en mars, lorsqu’on lui a posé des questions sur le personnel militaire russe opérant en Afrique du Nord. « Nous regardons ce qu’ils font avec une grande préoccupation. »
Et les Russes ne sont pas les seuls étrangers qui occupent l’esprit de Waldhauser. Il se méfie également d’une « base militaire » chinoise qui se construit non loin du Camp Lemonnier, la grande base américaine installée dans la minuscule nation de Djibouti. « Ils n’ont jamais eu de base à l’étranger, et nous n’avons jamais eu de base […] un concurrent sérieux aussi proche d’une de nos bases que celui-là, a-t-il déclaré, cela entraine des problèmes de sécurité opérationnelle très importants. »
Lors de cette conférence de presse, Waldhauser a mentionné encore une autre base, une américaine, exposée par le Washington Post, en octobre dernier, dans un article intitulé : Les États-Unis ont secrètement élargi leur réseau mondial de bases de drones en Afrique du Nord. Cinq mois plus tard, le commandant de l’AFRICOM en semblait encore affligé. « L’histoire du Washington Post qui a déclaré ‘volant depuis une base secrète située en Tunisie’. Ce n’est pas une base secrète et ce n’est pas notre base […] Nous n’avons pas l’intention d’établir une base là-bas. »
L’affirmation de Waldhauser selon laquelle les États-Unis n’avaient pas de base en Tunisie joue sur les mots, puisque cet aérodrome étranger fonctionne clairement comme un avant-poste américain. Pendant des années, AFRICOM a vendu la fiction que Djibouti est le site de sa seule « base » en Afrique. « Nous continuons à maintenir un avant-poste sur le continent, le Camp Lemonnier », lit-on dans l’état des lieux sur le sujet, datant de 2017. Le porte-parole du commandement affirme régulièrement que tous les autres avant-postes des États-Unis sont peu nombreux et temporaires – « expéditionnaires » dans le langage militaire.
Alors que les États-Unis maintiennent un vaste réseau d’installations militaires dans le monde entier, avec des complexes militaires énormes et difficiles à ne pas voir en Europe et en Asie, les bases d’Afrique ont été mieux dissimulées. Et si vous écoutez les fonctionnaires d’AFRICOM, vous pourriez même supposer que l’empreinte de l’armée américaine en Afrique sera bientôt éclipsée par celle des Chinois ou des Russes.
Les fichiers AFRICOM internes, classés secret, offrent une image radicalement différente. Un ensemble de documents précédemment secrets, obtenu par TomDispatch via la Freedom of Information Act [Loi sur la liberté d’information, NdT], offre des preuves évidentes d’un réseau remarquable, étendu et en expansion, de postes avancés, étalés sur l’ensemble du continent. Dans les plans officiels pour les opérations de 2015, rédigés et publiés l’année précédente, le Commandement pour l’Afrique énumère 36 postes américains, dispersés dans 24 pays africains. Ceux-ci incluent des emplacements discrets – du Kenya, au Soudan du Sud, à un obscur aérodrome libyen – qui n’ont jamais été mentionnés dans les rapports publiés précédemment. Aujourd’hui, selon un porte-parole de l’AFRICOM, le nombre de ces sites a en fait gonflé à 46, y compris « 15 emplacements durables ». Les chiffres récemment divulgués et les documents expurgés contredisent plus de dix ans de dénégation par l’US Africa Command et apportent une nouvelle lumière sur une constellation de bases intégrées à l’expansion des opérations militaires américaines sur le continent africain et au Moyen-Orient.
Une constellation de basesAFRICOM n’a pas répondu aux demandes répétées pour plus d’informations sur les 46 bases, avant-postes et les zones de présence qui saupoudrent actuellement le continent. Néanmoins, les projets nouvellement divulgués concernant 2015 offrent des connaissances uniques sur le vaste réseau d’avant-postes, une constellation de bases qui fournit aux militaires américains une présence sans précédent sur ce continent.
Ces documents divisent les bases américaines en trois catégories : les sites d’opérations avancées (FOS), les emplacements de sécurité coopératifs (CSL) et les emplacements de contingence (CL). « Au total, pour l’année financière 2015, les emplacements proposés seront 2 FOS, 10 CSL et 22 CL », indiquent les documents. Au printemps 2015, le nombre de CSL avait déjà augmenté pour s’établir à 11, selon le général David Rodriguez de l’AFRICOM, afin de permettre aux forces étasuniennes de réaction aux crises d’atteindre des points chauds potentiels en Afrique de l’Ouest. Une annexe au plan, également obtenue par TomDispatch, répertorie en fait 23 CL, pas 22. Une autre annexe mentionne un autre emplacement de contingence.
Ces avant-postes – dont les sites d’exploitation avancés sont les endroits les plus permanents et les emplacements de contingence les plus temporaires – constituent l’épine dorsale des opérations militaires américaines sur le continent et se sont développés à un rythme rapide, en particulier depuis l’attentat de septembre 2012 contre la Mission américaine à Benghazi, en Libye, qui a coûté la vie à l’ambassadeur J. Christopher Stevens et à trois autres américains. Les plans indiquent également que l’armée américaine jongle régulièrement avec les emplacements, en fermant certains et en ouvrant d’autres, tout en transformant les emplacements de contingence en sites de sécurité coopératifs en réponse aux conditions changeantes comme, selon les documents, « des menaces accrues émanant de l’Est, du Nord-Ouest, et des régions centrales » du continent.
L’énoncé des emplacements de l’AFRICOM de 2017 note, par exemple, de récentes modifications dans l’inventaire des postes du Commandement africain. Le document explique que l’armée des États-Unis « a fermé cinq emplacements de contingence et a désigné sept nouveaux centres d’urgence sur le continent en raison des exigences changeantes et des lacunes identifiées dans notre capacité à contrer les menaces et à soutenir les opérations en cours ». Aujourd’hui, selon le porte-parole de l’AFRICOM, Chuck Prichard, le nombre total de sites est passé des 36 sites cités dans les plans de 2015 à 46 – un réseau composé désormais de deux avant-postes, de 13 sites de sécurité coopératifs et de 31 emplacements de contingence.
Emplacement, emplacement, emplacementLe vaste réseau de bases de l’AFRICOM est crucial pour la stratégie de formation, à l’échelle continentale, des forces armées proxys et des alliés africains et pour mener une campagne multi-fronts visant à lutter contre une ribambelle disparate et nombreuse de groupes terroristes. Les principaux domaines d’action du Commandement impliquent : une guerre de l’ombre contre le groupe militant al-Shabaab en Somalie (une campagne à long terme, continuant sous l’ère Trump, sans fin en vue) ; les tentatives de contenir les incessantes retombées dues à l’intervention militaire des États-Unis et de leurs alliés, en 2011, pour évincer le dictateur libyen Mouammar Kadhafi (un effort à long terme sans fin en vue) ; la neutralisation des « organisations extrémistes violentes » dans toute l’Afrique du nord-ouest, les terres du Sahel et du Maghreb (un effort à long terme sans fin en vue) ; la lutte contre le groupe militant islamiste Boko Haram dans les pays du bassin du lac Tchad, regroupant le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad (un effort à long terme – à hauteur de 156 millions de dollars l’année dernière rien que pour l’appui des forces proxys régionales là-bas – sans fin en vue) ; la lutte contre le piratage dans le golfe de Guinée (un effort à long terme sans fin en vue), et achever la tentative extrêmement coûteuse d’éliminer Joseph Kony et sa meurtrière Armée de résistance du Seigneur, en Afrique centrale (tous les deux encore vivants, malgré le long effort américain).
Le nombre croissant d’avant-postes de l’armée américaine est également susceptible de s’avérer vital pour les guerres en expansion de l’administration Trump au Moyen-Orient. Les bases africaines ont longtemps été essentielles, par exemple, à la guerre parallèle continue de Washington au Yémen, qui a connu une augmentation significative des frappes de drones sous l’administration de Trump. Elles ont également fait partie intégrante des opérations contre État islamique en Irak et en Syrie, où une augmentation substantielle (et mortelle) de la puissance aérienne américaine (et des pertes civiles) a été évidente ces derniers mois.
En 2015, le porte-parole de l’AFRICOM, Anthony Falvo, a noté que la position et la présence stratégique du commandement reposent sur le concept d’une présence sur mesure, souple et légère qui s’appuie sur, et soutient, la présence des partenaires, soutenue par une infrastructure expéditionnaire. « Les documents secrets déclassifiés indiquent explicitement que le réseau américain de bases africaines n’est ni négligeable ni provisoire. La mission de l’USAFRICOM nécessite un réseau de sites durables et temporaires dans tout le continent, disent les plans 2015. Un réseau développé de FOS, CSL et CL temporaires dans des pays clés […] est nécessaire pour soutenir les opérations et les engagements du commandement. »
Selon les fichiers, les deux bases les plus intégrées d’AFRICOM sont le Camp Lemonnier à Djibouti et une base sur l’île anglaise de l’Ascension au large de la côte ouest de l’Afrique. Décrits comme des « emplacements durables » avec une présence de troupes soutenue et des « biens immobiliers appartenant aux États-Unis », ils servent de centres pour exécuter des missions sur tout le continent et pour y fournir le réseau croissant de bases.
Lemonnier, le joyau de la couronne des bases africaines étasuniennes, est passé de 88 acres à environ 600 acres depuis 2002, le personnel a également augmenté de façon exponentielle. « Camp Lemonnier sert de plaque tournante pour de multiples opérations et activités de coopération en matière de sécurité », indique l’AFRICOM pour 2017. « Cette base est essentielle aux efforts américains en Afrique de l’Est et dans la péninsule arabique. » En effet, les anciens documents secrets notent que la base soutient « les opérations américaines en Somalie CT [contre-terrorisme], au Yémen CT, dans le golfe d’Aden (contre-piraterie) et pour un large éventail d’activités et de programmes d’aide à la sécurité dans toute la région ».
En 2015, lorsqu’il a annoncé l’augmentation du nombre de sites de sécurité coopératifs, le chef de l’AFRICOM de l’époque, David Rodriguez, a mentionné le Sénégal, le Ghana et le Gabon comme zones de rassemblement pour les forces de réaction rapide du commandement. En juin dernier, le commandant sortant de l’AFRICOM, le général Darryl Williams, a attiré l’attention sur un CSL en Ouganda et un autre en train d’être mis en place au Botswana.
Le CSL Entebbe en Ouganda a, par exemple, été depuis longtemps une base aérienne importante pour les forces américaines en Afrique, servant de plaque tournante pour les avions de surveillance. Il a également été essentiel à l’opération Oaken Steel, le déploiement rapide de troupes, en juillet 2016, à l’ambassade des États-Unis à Juba, au Sud Soudan, pendant que cet État failli (et l’échec de la tentative de nation building des États-Unis) coulait dans encore plus de violence.
Libreville, Gabon, figure dans les documents en tant que « CSL proposée », mais a été utilisé en 2014 et 2015 comme base clé pour l’opération Echo Casemate, la réponse militaire conjointe entre les États-Unis, la France et l’Afrique aux troubles en République centrafricaine.
Le plan 2015 d’AFRICOM liste également des sites de sécurité coopératifs à Accra, au Ghana ; Gaborone, Botswana ; Dakar, Sénégal ; Douala, Cameroun ; Ouagadougou, Burkina Faso ; et Mombasa, au Kenya. Bien qu’officiellement définis par les militaires comme des locaux temporaires pouvant être mis à niveau pour des opérations plus vastes, l’un de ces CSL en Afrique « peut également fonctionner comme un centre logistique majeur », selon les documents.
Des plans de contingenceLes anciens fichiers secrets d’AFRICOM notent que le commandement a désigné cinq emplacements de contingence comme « semi-permanents », treize comme « temporaires » et quatre comme « initiaux ». Ils comprennent un certain nombre de sites qui n’ont jamais été divulgués, y compris des avant-postes dans plusieurs pays qui étaient en guerre lorsque les documents ont été écrits. Parmi les CL, par exemple, il y en a un à Juba, la capitale du Sud-Soudan, déjà en pleine guerre civile en 2014 ; un à Bangui, la capitale de la République centrafricaine périodiquement instable ; et un autre à Al-Wigh, un aérodrome saharien dans le sud de la Libye situé à proximité des frontières de ce pays avec le Niger, le Tchad et l’Algérie.
Classés officiellement comme des lieux « temporaires », ces CL sont néanmoins parmi les sites les plus intégrés pour les opérations américaines sur le continent. Aujourd’hui, selon Prichard, ces 31 emplacements de contingence fournissent « l’accès pour soutenir les partenaires, contrer les menaces et protéger les intérêts des États-Unis en Afrique de l’Est, du Nord et de l’Ouest ».
L’AFRICOM n’a pas fourni les emplacements spécifiques de ce bouquet de CL, déclarant seulement qu’ils « s’efforcent d’accroître l’accès aux zones cruciales ». Les plans de 2015 fournissent cependant suffisamment de détails pour connaître les régions les plus importantes pour le commandement, à ce moment-là. Un tel site est Camp Simba dans la baie de Manda, au Kenya, également mentionné dans une étude interne du Pentagone de 2013 sur les opérations secrètes de drones en Somalie et au Yémen. Au moins deux avions de surveillance équipés étaient basés là à l’époque.
L’aérodrome de Chabelley à Djibouti est également mentionné dans le plan 2015 d’AFRICOM. Autrefois un poste spartiate de la Légion étrangère française, il a connu une expansion substantielle au cours des dernières années, alors que les opérations américaines de drones dans ce pays ont été déplacées du Camp Lemonnier vers cet endroit plus éloigné. Il est rapidement devenu un centre régional pour les drones, non seulement pour l’Afrique mais aussi pour le Moyen-Orient. Au début d’octobre 2015, par exemple, les drones décollant de Chabelley avaient déjà enregistré plus de 24 000 heures de missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance et étaient également, selon la Force aérienne, « responsables de la neutralisation de 69 combattants ennemis, y compris cinq individus très valorisés, dans la guerre contre État islamique en Irak et en Syrie ».
L’inventaire des CL de l’AFRICOM liste également des sites à Nzara, au Sud-Soudan ; Arlit, Niger ; Bamako et Gao, au Mali ; Kasenyi, Ouganda ; Victoria, la capitale des Seychelles ; Monrovia, Libéria ; Ouassa et Nema, Mauritanie ; Faya Largeau, Tchad ; Bujumbura, Burundi ; Lakipia, le site d’une base de la Force aérienne kényane ; et un autre aérodrome kényan à Wajir qui a été amélioré et élargi par la marine américaine au début de cette décennie, ainsi qu’un avant-poste à Arba Minch, en Éthiopie, qui aurait été fermé en 2015 après quelque cinq ans d’opération.
Un emplacement de contingence de longue date, à Niamey, la capitale du Niger, a connu une croissance marquée au cours des dernières années, ainsi qu’une localité plus éloignée, une base militaire nigérienne à Agadez, parmi les CSL proposés dans les documents AFRICOM. Les États-Unis, en fait, ont donné 100 millions de dollars pour l’extension de la base, selon une enquête menée en 2016 par Intercept. N’Djamena, au Tchad, le site d’un autre « CSL proposé », est déjà utilisé par les militaires étasuniens depuis des années. Des troupes et un drone ont été expédiés là-bas en 2014 pour aider les opérations contre Boko Haram et des « installations de base » y ont été aussi construites.
La liste des CL proposés comprend également des sites à Berbera, une ville de la République auto déclarée de Somali land et à Mogadiscio, la capitale de la Somalie voisine (une autre localité utilisée par les troupes américaines depuis des années), ainsi que dans les villes de Baidoa et Bosaso. Ces avant-postes risquent de jouer un rôle de plus en plus important si l’administration Trump augmente ses activités militaires en Somalie, cet État failli depuis longtemps et où 18 militaires américains ont été tués au cours de la désastreuse mission « Black Hawk Down » de 1993. Le mois dernier, par exemple, le président Trump a relâché les règles visant à épargner les pertes civiles lorsque les États-Unis effectuent des frappes de drones et des raids de commando dans ce pays, jetant ainsi les bases d’une future escalade de la guerre contre Al-Shabaab. Ce mois-ci, AFRICOM a confirmé que des dizaines de soldats de la 101e Division aérienne de l’armée, une unité d’infanterie légère, seraient déployés dans ce pays afin d’entraîner les forces locales à − comme l’a déclaré un porte-parole −« mieux se battre » contre al-Shabaab.
De nombreux autres sites précédemment identifiés comme des avant-postes américains ou des zones de rassemblement ne sont pas listés dans les plans de l’AFRICOM 2015, comme les bases de Djema, Sam Ouandja et Obo en République centrafricaine qui ont été révélées, ces dernières années, par le Washington Post. Manque aussi la nouvelle base aérienne de Garoua, au Cameroun, sans parler de la base aérienne tunisienne depuis laquelle les États-Unis font voler des drones, selon Waldhauser de l’AFRICOM, « depuis un certain temps ».
Certaines bases ont peut-être été fermées, alors que d’autres n’étaient peut-être pas mises en service lorsque les documents ont été produits. En fin de compte, les raisons pour lesquelles ces nombreuses bases déjà identifiées ne sont pas incluses dans les fichiers secrets diffusés ne sont pas claires en raison du refus de l’AFRICOM de fournir des commentaires, des éclaircissements ou des informations supplémentaires sur les emplacements de ses bases.
Désirs de base« Pendant que les États-Unis poursuivent des intérêts stratégiques en Afrique, ses concurrents internationaux, dont la Chine et la Russie, font de même, déplore AFRICOM dans sa déclaration de 2017. Nous continuons à voir les concurrents internationaux s’engager avec des partenaires africains de manière contraire aux normes internationales de transparence. »
Depuis qu’il a été établi comme commandement indépendant, en 2008, l’AFRICOM lui-même a été peu transparent sur ses activités sur le continent. L’empreinte physique du commandement peut, en fait, avoir été le secret le plus jalousement gardé. Aujourd’hui, grâce aux documents internes d’AFRICOM, ce secret est diffusé et, de l’aveu d’AFRICOM lui-même, qu’il opérait actuellement sur « 15 emplacements durables », la fiction qui a tant duré d’un commandement n’ayant qu’une seule base dans sa région d’activité est terminée.
« En raison de la taille de l’Afrique, en raison du temps, de l’espace et des distances, et en ce qui concerne les activités spéciales de type crise-réponse, nous avons besoin d’accès à différents endroits du continent », a déclaré le chef de l’AFRICOM, Waldhauser, lors de sa conférence de presse de mars. Ces « différents endroits » ont également été partie intégrante de l’escalade des guerres de l’ombre américaines, y compris la campagne aérienne à grande échelle contre État islamique en Libye, baptisée Opération Odyssey Lightning, qui s’est terminée à la fin de l’année dernière ; des missions de collecte de renseignements en cours et une présence permanente de troupes étasuniennes dans ce pays ; les assassinats par drone et l’augmentation des déploiements de troupes en Somalie pour contrer al-Shabaab ; l’engagement croissant dans une guerre par procuration contre les militants de Boko Haram dans la région du lac Tchad en Afrique centrale. Pour ces missions militaires à peine publiques, le réseau de bases étasuniennes croissant, en constante expansion, fournit l’infrastructure cruciale pour les combats des États-Unis et des forces alliées sur le continent tout en comptant sur un système de soutien discret.
Sans ses vastes constellations de bases, il serait presque impossible pour les États-Unis de mener des activités militaires ininterrompues sur l’ensemble du continent. En conséquence, AFRICOM continue de préférer l’ombre à la lumière du soleil. Alors que le commandement a fourni des chiffres sur le nombre total de bases militaires américaines, avant-postes et zones de transit en Afrique, ses porte-paroles n’ont pas répondu aux demandes répétées pour fournir les emplacements des 46 sites actuels. Alors que l’endroit où se trouvent les nouveaux avant-postes peut encore être secret, il y a peu de doute quant à la trajectoire de l’empreinte américaine de l’Afrique, qui a augmenté de 10 sites – soit 28% – en un peu plus de deux ans.
Ses bases africaines « permanentes » donnent aux États-Unis « des options en cas de crise et permettent le renforcement des capacités des partenaires », selon Chuck Prichard, de l’AFRICOM. Elles ont également joué un rôle essentiel dans les conflits, du Yémen à l’Irak, du Nigeria à la Somalie. Avec l’administration Trump augmentant la pression de ses guerres en Afrique et au Moyen-Orient et un potentiel pour plus de crises – des famines catastrophiques à la propagation des guerres – à l’horizon, il y a toutes les raisons de croire que l’empreinte de l’armée américaine sur le continent continuera à évoluer et grandir dans les années à venir, avant-poste par avant-poste et base par base.
Source : Tom Dispatch, vu sur Investig'Action