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Messages : 3783 Date d'inscription : 10/09/2014 Age : 47 Localisation : ben là au bout tu vois pas ?
Sujet: La secte des Assassins et le Vieux de la Montagne Mer 2 Déc - 3:22
La secte des Assassins et le Vieux de la Montagne
Aujourd’hui, la légende “du vieux de la montagne” – qui montre que certains procédés ne datent pas d’hier…
Soulignons qu’il est en l’espèce difficile de faire la part entre la légende et l’Histoire…
Un peu d’histoire, dans notre grande série « Intégrisme et manipulation mentale »…
Le Vieux de la Montagne (Chayr al-Jabal [peut se traduire « Vieux de la montagne » mais aussi le « Sage de la Montagne » ou encore le « Chef de la Montagne » selon le sens qu’on donne au mot « chayr »]) est l’appellation commune que les Templiers donnaient à leur ennemi juré, le grand-maître de la secte des Assassins, Hassan Sabbah(Sayyidna Hasan Bin Sabbah) (1034-1124). C’était un homme de grand savoir, grand savant, qui connaissait parfaitement les plantes et leurs vertus curatives, sédatives ou stimulantes. Il cultivait toutes sortes d’herbes et soignait ses fidèles quand ils étaient malades, sachant leur prescrire des potions pour leur rafraîchir le tempérament. Être sensé de raison et de savoir ou fou, aimable ou exécrable, préférant les mots vrais aux mots plaisants, aimant et méprisant les honneurs, » le paradis et l’enfer sont en toi » ainsi dit le grand savant Omar Khayyam (1047-1122) à son propos.
Ses hommes étaient connus sous l’appellation péjorative de Haschischins ou Haschischioun, parce qu’ils auraient consommé beaucoup de haschisch avant de se lancer dans des commandos-suicide. Leur célébrité est telle qu’ils sont à l’origine du mot « assassins ». en réalité, aucune recherche sérieuse n’a permis d’attester le recours à des drogues afin de fanatiser les hommes. Selon les textes provenant d’Alamout, Hassan lui-même aimait appeler ses adeptes « Assassiyoun », ceux qui sont fidèles au Assas, au » fondement » de la foi. Le terme pourrait aussi simplement provenir du nom d’Hassan, (Hassanjins, les djins de Hassan).
La secte est issue d’une branche de l’Islam chiite. Ses membres se déclarèrent partisans du neveu de Mahomet, lequel, étant descendant du Prophète par les femmes n’était pas reconnu par l’ensemble des musulmans. Selon les témoignages du voyageur vénitien Marco Polo (1323) et de nombreux historiens persans, les Haschischins vivaient dans la forteresse d’Alamut, à 1800 mètres d’altitude, dans le Mazenderan, au sud de la mer Caspienne, dans l’Iran actuel. Confinés dans leurs montagnes et ne disposant pas des moyens d’entreprendre des guerres conventionnelles, ils imaginèrent d’envoyer des commandos de six hommes (les fidawis) chargés de poignarder des chefs ennemis, le plus souvent tandis qu’ils se livraient à leurs dévotions dans des mosquées.
Ceux désignés pour commettre les meurtres étaient anesthésiés avec du haschisch, introduit dans leur nourriture sous forme de pâte mélée à de la confiture de rose. Le Vieux de la Montagne leur parlait longuement et les hommes s’endormaient car le haschisch est une drogue soporifique et non pas excitante. Assoupis, ils étaient transportés dans un jardin secret, au fond de la forteresse d’Alamut. A leur réveil, ils s’y retrouvaient environnés de jeunes esclaves, filles et garçons, empressés à réaliser tous leurs désirs sexuels. Ils étaient arrivés en guenilles. Ils se découvraient en robe de soie verte rehaussée de fils d’or et, tout autour, c’était le Paradis: vaisselle de vermeil, vins suaves à profusion, roses aux délicats parfums, haschisch à volonté. Drogue, sexe, alcool, luxe et volupté. Ils étaient convaincus d’être dans les jardins d’Allah, d’autant plus que ce lieu était une oasis particulièrement rare en une région aride et montagneuse.
Ils étaient ensuite de nouveau anesthésiés à la pâte de haschisch, puis ramenés au point de départ dans leurs anciennes défroques. Le Vieux de la Montagne leur déclarait alors que, grâce à ses pouvoirs, ils avaient eu la chance de goûter furtivement au Paradis d’Allah. A eux d’y retourner définitivement en mourant en guerriers ! Le sourire aux lèvres, les fidawis partaient alors docilement assassiner vizirs et sultans. Arrêtés, ils marchaient au supplice, le visage extasié. II n’y avait que les prêtres haschischins de haut échelon (sixième degré) à connaître le secret des faux jardins d’Allah.
Aucune ville, aucune province, aucune route, ne sont épargnées. Devenu maître de la rue, Hassan impose sa loi, mais ayant une grande connaissance des inimitiés règnant dans les palais, les diwans et les cours, il devient aussi maître dans l’art d’amplifier les haines entre puissants, entre héritiers… Jouant leurs jeux pervers, il leur offre alors ses services selon ses propres desseins, pour faire exécuter, poignarder, assassiner dans l’ombre. Qu’il soit un brave homme croisé au coin d’une rue, un pauvre individu vêtu de guenilles, l’exécuteur va très vite, l’éclair d’une lame, en un seul mouvement, un poignard perce le corps. Puis il se laisse prendre, torturer, égorger ou jeter dans un feu… là est la grande puissance de l’Ordre. D’innombrables messagers de la mort, Assassins d’Alamout connaîtront un tel sort, ne cherchant jamais à fuir. Assassinats politiques de dirigeants chrétiens ou perses, musulmans shiites ou sunnites…
Prêt et formé à répondre à la torture, l’Assassin récitait alors une suite de noms appris par coeur, dénoncés comme faisant partie de la confrérie, mais ciblés en fait par Hassan parmi des ennemis de la Secte. Aussitôt on recherchait les soi-disant complices. De cette façon, les juges du pouvoir local exécutaient les volontés de Hassan sans même le savoir.
La secte s’occupa d’abord de ses propres intérêts en promouvant le message d’Hasan i-Sabbah. Puis les Vieux de la Montagne constatèrent que leurs sbires fanatisés pouvaient rapporter gros. Ils louèrent leurs services au plus offrant. Les assassins se précipitaient pour se porter volontaires quand leur chef demandait: « Lequel d’entre vous me débarrassera de tel ou tel ? » Ainsi périt, entre autres, la poêtesse Açma, fille de Marwan. qui avait osé médire de ses alliés médinois, lesquels firent aussitôt appel aux bras mercenaires des haschischins.
La forteresse d’Alamut fut conquise en 1253 par le grand khan mongol Hulagu, général du grand khan chinois Mongkha. Les assassins eurent beau réclamer l’appui des sultans qu’ils avaient aidés. ceux-ci se gardèrent bien d’intervenir, trop contents de se débarrasser de ces dangereux trublions. Les haschischins massacrés purent vérifier qu’ils n’avaient connu qu’un ersatz de Paradis. Un monde sacré artificiel, fabriqué par les hommes pour les illusionner.
Un témoignage… impressionné :
Quand Djélaleddin envoya un ambassadeur à Hassan pour qu’il eût à lui rendre hommage, celui-ci dit à un de ses fidèles : « Tue-toi » ; à un autre « Jette-toi par la fenêtre », et ils obéirent sans réplique. Ils sont soixante-dix mille, ajouta-t-il, également prêts à obéir à mon premier signe.
Henri de Champagne, passant sur le territoire des Ismaélites alla visiter leur souverain, qui l’accueillit avec honneur. Sur chacune des tours dont le château était couronné se tenaient deux blancs en sentinelle ; le Sire fit signe à deux d’entre eux, et ils tombèrent brisés au pied du comte épouvanté, à qui le Vieux de la Montagne disait froidement : « Pour peu que vous le désiriez, à un autre signe de moi vous allez les voir tous à terre ». Lorsque son hôte prit congé de lui, il lui entendit prononcer ces mots : « Si vous avez quelque ennemi, faites le moi savoir, et il ne vous tourmentera plus ».
Histoire universelle de Cesare Cantù
Finissons par les mots d’Hassan :
Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, nous ne sommes pas des meurtriers mais des exécuteurs, nous devons agir en public, pour l’exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille. Cependant, il ne suffit pas d’exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir,car si en tuant nous décourageons nos ennemis d’entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l’admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous. Mourir, est plus important que tuer.Nous tuons pour nous défendre, nous mourrons pour convertir ; pour conquérir. Conquérir est un but, se défendre n’est qu’un moyen. Vous n’êtes pas faits pour ce monde, mais pour l’autre.
La secte des Assassins (1090-1257) ou l’expérience politico-religieuse de Hassân es-Sabbah
Alep, été 1125. C’est la fin de la prière du vendredi, les croyants sortaient par groupes de la grande mosquée de la ville. A leur tête, un homme enturbanné, avec une grande barbe, plutôt bien habillé, cheminait d’un pas décidé. Ibn Al Khachab est son nom. Cadi de son état, orateur incandescent, politicien madré et patriote éclairé, cet homme avait auparavant mené de véritables campagnes de sensibilisation pour alerter les princes somnolents de l’Orient contre le danger « franc » (les troupes des croisés) qui les guettait. Il avait héroïquement organisé la défense de sa ville. C’est lui l’initiateur de la résistance qui allait se poursuivre et atteindre son apogée avec le général kurde Saladin, fondateur de la dynastie ayyoubide.
Ibn El Khachab était ce jour-là pressé de rentrer chez lui. Il finissait de converser sur le « problème franc » avec quelques notables parmi ses amis quand un homme, déguisé en ascète, bondit sur lui, le poignard à la main. Il lui asséna plusieurs coups à la poitrine en criant de toutes ses forces « Allah est grand ! ». Son crime commis, il s’éloigna en toute hâte, laissant derrière lui une assistance terrifiée. Personne n’avait osé le poursuivre, de peur de subir des représailles…
Hassân As-Sabbah
Cet homme appartenait en effet à la redoutable secte fondée en 1090 par Hassân as-Sabbah, la secte des Assassins. On les appela Hachâchîne, probablement parce qu’ils prenaient du hachich, en en faisant semble-t-il plusieurs usages : comme moyen d’atteindre l’extase et un brin de paradis, comme moyen pour ne pas faiblir au moment de l’exécution de leur victime, comme moyen pour le maître de tenir son élève à sa merci, etc. (versions contestées). Toujours est-il que le mot « hachâchîne » a donné, dans la prononciation déformée des croisés, « assassins ».[1]
Hassân était un esprit curieux, un homme assoiffé de science.
Le premier geste du doctrinaire et organisateur du crime politico-religieux que fut Hassân as-Sabbah est de se doter d’un repaire. Il trouva son « nid d’aigle » en la forteresse d’Alamout, dans une zone montagneuse quasi-inaccessible située près de la mer caspienne. Il en fut son centre d’opérations.
Une société organisée
Les Assassins forment une société rigoureusement hiérarchisée. A leur tête, le Grand Maître vénéré et au bas de la pyramide, le novice. Les adeptes sont classés selon leur niveau d’endoctrinement, selon leur capacité à tuer de sang-froid et selon leur aptitude à garder le secret.
Hassan es-Sabbah, après avoir été le Grand Maître, ou le « Vieux de la Montagne » (Cheikh al-Djabal) est devenu après sa mort le chef spirituel absent de tous les Assassins. Ses successeurs ont pris le même titre de Grand Maître. Les da’is (propagandistes) viennent juste en dessous ; ils sont chargés de l’enseignement de la doctrine ismaélienne et du recrutement de nouveaux adeptes. Les rafiq sont ceux qui commandent les forteresses et dirigent l’organisation de l’ordre. Les mujib ou mourîd sont des novices qui suivent l’éducation ismaélienne, des enfants convertis ou pris aux paysans alentour, appelés à gravir les échelons de l’organisation. Mais le bras armé et l’instrument de terreur par excellence est formé par les exécutants d’élite dits fidaïs (« ceux qui se sacrifient »), des novices fanatisés et préparés à mourir pour la mission que leur confie le Grand Maître.
Leurs activités quotidiennes principales se résument à deux :
- Un intense endoctrinement : on y apprenait notamment la doctrine du ta’lîm selon laquelle le sens véritable du Coran va au-delà du sens littéral manifeste et dépassait l’entendement commun. Il ferait partie du bâtin [sens latent, caché] (c’est pourquoi les assassins furent aussi surnommés les bâtinis) que seul l’Imam, aguerri aux exercices ésotériques, connaîtrait. Les novices sont par nature incapables d’atteindre les vérités transcendantales, sans suivre les instructions (awamir) du Cheikh (ou Grand Maître), personnage situé au plus haut degré spirituel, car proche de la divinité qui l’inspire. Aussi, est –il le Silencieux, que le novice ne peut voir et approcher, sauf durant le cycle d’épiphanie (dawr al kachf), court moment où le bâtine (caché) et le dhahir (manifeste) ne feraient qu’un.
On apprenait aussi à côté de cela les langues et divers enseignements utiles. La mort est pour eux un cadeau du Maître qui les délivrerait du monde d’ici bas afin de rejoindre le paradis.
- Un entraînement physique : véritable organisation militaire, les Assassinss’adonnaient à toutes sortes d’exercices physiques, en préparation des missions qu’ils reçoivent de leur Maître. Ils apprenaient aussi à manier les armes et à défendre leur forteresse en cas de siège.
Un rêve envolé
Les sectateurs sont les fanatiques d’un empire chiite. Leurs ennemis jurés sont d’abord les Turcs seldjoukides, partisans d’un sunnisme intégral qui a mis fin au chiisme iranien pour contrôler désormais l’empire abbasside. Hassân as-Sabbah avait de grands rêves politiques : il pensait porter au trône d’Egypte un Fatimide (chiite), le prince Nîzar, et préparer à partir de là une reconquête de la Perse. Mais le dernier bastion du chiisme s’effondra et le mouvement nizarite créé autour du fils d’Al Moustansir, échoua devant Al Afdhal, fils d’un vizir arménien tout puissant, qui entendait assurer lui-même la succession. Nizar fut emmuré vivant. Tirant la leçon de cet échec, Hassân changea de tactique et s’orienta vers l’activité clandestine. Il prêchera désormais la haine contre les représentants de l’islam officiel et verra, ainsi que ses successeurs, d’un bon œil l’arrivée des hordes de Croisés en Orient. Sa prochaine cible fut la Syrie, où il put recruter beaucoup de chiites intégristes et fonder toute une série de villages fortifiés. Massyaf devint l’Alamut de la Syrie et abrita Rachîdaddîn Sinân, un des plus célèbres Vieux de la secte.
Stratégies de terreur
1) L’assassinat spectaculaire : Quelques fois, un novice est admis à voir le Maître. Celui-ci lui demande alors s’il est prêt à recevoir le paradis. Le novice répond que oui. Il reçoit alors un poignard et le nom d’une cible à éliminer. La méthode exige que l’acte soit le plus spectaculairement possible. De préférence un jour de marché mais surtout le vendredi, juste après la prière collective, heure de grand rassemblement. « Frapper les esprits », semer la terreur, traumatiser les assistants, tels semblent être les objectifs du Cheikh al-Djabal[2]. Une telle opération exige minutie et préparation. Parfois cette dernière dure jusqu’à deux ans. Les fidaïs se déguisent en marchands, approchent l’entourage de leur future victime et gagnent sa confiance. Jusqu’à ce qu’il leur soit possible de passer à l’action.
2) L’infiltration : Pour créer une illusion d’ubiquité, les assassins tiennent à se montrer partout, surtout là où on ne les attend pas. Ils poussaient leurs missions jusqu’à l’entourage immédiat des princes et des rois, pour mieux les terrifier et les vassaliser par la suite. Qu’on en juge par cette histoire :
« Le sultan Sindjar, qui régnait dans le nord-ouest de la Perse, s’était déclaré l’ennemi des nouveaux sectaires : un matin à son réveil, il trouve un stylet près de sa tête, et au bout de quelques jours il reçoit une lettre ainsi conçue : « Si nous n’avions pas de bonnes intentions pour le sultan, nous aurions enfoncé dans son cœur le poignard qui a été placé près de sa tête. ». Sindjar fit la paix, par crainte, et accorda à Hassan, à titre de pension, une partie de ses revenus. »
3) La superstition : Faire croire, faire circuler une quantité incroyable de légendes à la fois terrifiantes et hagiographiques sur eux, telle fut l’autre stratégie des Assassins. Cette activité fut si bien menée qu’on ne pouvait, de leur vivant même, distinguer la vérité du tissu de récits fictifs, de croyances et de superstitions les entourant. On dit par exemple que Saladin avait décidé de les laisser tranquille envoyant un soir Sinân en personne à l’intérieur de sa tente bien gardée. Cette autre arme fut autrement plus efficace dans les cours d’Orient…
Un vizir qui a trahi : Nizâm al-Mulk
Il avait le tort d’être vizir au service des Suldjukides, d’avoir été un compagnon d’as-Sabbah et de Omar Khayyam (version contestée) et surtout, d’avoir réalisé le premier la dangerosité de cette secte et ses ambitions. Khayyam aurait fait jurer aux trois que le premier qui arriverait au pouvoir aiderait les deux autres. Mais Nizâm al-Mulk, devenu gouverneur du Khorassân, puis vizir du sultan Alep Arslan, a changé en chemin. Hassân l’accusa alors d’avoir trahi le pacte. Quand le vizir intellectuel, auteur du Traité du Gouvernement, décida de faire attaquer Alamut en 1092, il signa son arrêt de mort. Quelques mois plus tard, il tomba sous les coups de poignard d’un sectateur dépêché par Hassân. Il inaugure ainsi la longue liste des victimes des Assassins.
Comment assassiner Salah-Eddine (Saladin) ?
Début 1175.
Saladin était en campagne. Un soir, un compagnon de l’émir ayyoubide surprit des ombres suspectes autour de la tente royale, pourtant plantée au centre du campement. Il se saisit de son arme et décide de sortir vérifier ce qui se passe. A peine fit-il quelques pas, que deux bâtinis tombent sur lui en même temps, essayant chacun de le percer du mieux qu’il pouvait. Le brave lieutenant de l’émir se défendit avec courage mais fut grièvement blessé. D’autres assaillants surgirent mais les gardes étaient déjà là et les Assassins furent tous massacrés. Grâce à ce lieutenant, Saladin eut la vie sauve et l’alerte fut donnée.<
Quel était le crime de Saladin aux yeux des Assassins ? Eh bien, il a mis fin à la moribonde dynastie fatimide et c’est largement suffisant pour s’attirer leurs foudres.
22 mai 1176
Saladin, toujours en campagne dans la région d’Alep, dormait paisiblement dans sa tente. Un assassin y fit irruption et lui asséna de vigoureux coups de poignard sur la tête. Se rendant compte que c’était insuffisant, il visa de nouveau le cou à de nombreuses reprises. Un émir arrive et se saisit de l’arme de l’assassin d’une main et lui plante de l’autre son poignard dans le cœur. Le bâtini s’écroule mais deux autres surgirent, qui s’acharnaient de nouveau sur Saladin qui se relevait. Les gardes accoururent et les massacrèrent.
Fort heureusement, Saladin, sur ses gardes depuis le premier attentat, portait une coiffe de mailles sous son fez ainsi qu’une longue tunique renforcée de mailles au niveau du col (cou). La lame n’a pu le transpercer. Mais le kurde fut traumatisé et surpris d’être toujours en vie.
Août 1176, le siège de Massiaf
Le Kurde décide alors d’attaquer directement le repaire du danger, la forteresse de Massiafoù se réfugient les Assassins syriens et leur Maître, le commandant en chef de ces opérations, Rachîdaddîn Sinân, qui contrôlait une dizaine de forteresse à travers le pays. Alors, se produisit l’inexplicable. Après un siège qui s’annonçait réussi, Saladin décide brusquement de le lever et de quitter les lieux, changeant ainsi définitivement de politique envers les Assassins qu’il chercha désormais à se concilier. Jamais il ne les inquiéta de nouveau. Ils continuèrent leurs meurtres et Saladin ses conquêtes…
L’ouragan d’Houlagou
Les Bâtinis menèrent plusieurs tentatives d’assassinat infructueuses contre le petit-fils de Gengis Khan, Houlagou. Celui-ci était décidé de les rayer de la surface de la terre. En 1255, le dévastateur mongol assiège Alamout et finit par avoir raison de ses occupants. Il capture en 1257 le Grand Maître de l’époque, auquel il réserva le supplice d’être écorché vif, massacra ses adeptes et détruisit toute l’infrastructure ismaélite, y compris leur précieuse bibliothèque. Les autres places fortes tombèrent dans les mêmes conditions. Quelques Assassins ont continué à survivre, sans grande influence. Malheureusement, l’ouragan mongol continua vers Bagdad, qu’il mit à feu et à sang pour liquider aussi la dynastie des Abbassides.
Naravas
*** Notes *** [1] Amin Maalouf croit cependant que le mot « assassin » viendrait d’une autre étymologie : deHassandjin, qui veut dire « djinn de Hassan Es-Sabbah », génie envoyé par le Maître de la secte, qui entourait son activité de superstitions. L’usage de la drogue par les Assasssins reste un sujet controversé. certains pensent qu’il est réservé aux fidaïs, pour se donner le courage de ne pas fléchir de moment venu… [2] Titre contesté par quelques uns. (*) Nous nous contentons de noter que cette secte mobilise le fanatisme de ses adeptes à des fins politiques, sans suggérer aucune comparaison hâtive avec des mouvements contemporains. Son expérience est intéressante en elle-même et cet intérêt n’a d’ailleurs pas besoin d’être soutenu par une comparaison.
La secte des Assassins décrite par Marco Polo
D’un certain fameux tyran et de ses affaires.
Il y a par là un certain canton nommé Mulète [31], où commande un très méchant prince, appelé le Vieux des Montagnards, ou Vieux de la Montagne, dont j’appris beaucoup de choses, que je vais rapporter, comme les tenant des habitants du lieu. Voici ce qu’ils me racontèrent : Ce prince et tous ses sujets étaient mahométans ; il s’avisa d’une étrange malice. Car il assembla certains bandits appelés communément meurtriers, et par ces misérables enragés il faisait tuer tous ceux qu’il voulait, en sorte qu’il jeta bientôt la terreur dans tout le voisinage. De quoi il acheva de venir à bout par une autre imposture. Il y avait en ces quartiers-là une vallée très agréable, entourée de très hautes montagnes ; il fit faire un plantage dans ce lieu agréable, où les fleurs et les fruits de toutes sortes n’étaient pas épargnés ; il y fit aussi bâtir de superbes palais, qu’il orna des plus beaux meubles et des plus rares peintures. Il n’est pas besoin que je dise qu’il n’oublia rien de tout ce qui peut contribuer aux plaisirs de la vie. Il y avait plusieurs ruisseaux d’eau vive, en sorte que l’eau, le miel, le vin et le lait y coulaient de tous côtés ; les instruments de musique, les concerts, les danses, les exercices, les habits somptueux, en un mot tout ce qu’il y a au monde de plus délicieux.
Dans ce lieu enchanté il y avait des jeunes gens qui ne sortaient point et qui s’adonnaient sans souci à tous les plaisirs des sens ; il y avait à l’entrée de ce palais un fort château bien gardé et par où il fallait absolument passer pour y entrer. Ce vieillard, qui se nommait Alaodin, entretenait hors de ce lieu certains jeunes hommes courageux jusqu’à la témérité, et qui étaient les exécuteurs de ses détestables résolutions. Il les faisait élever dans la loi meurtrière de Mahomet, laquelle promet à ses sectateurs des voluptés sensuelles après la mort. Et afin de les rendre plus attachés et plus propres à affronter la mort, il faisait donner à quelques-uns un certain breuvage, qui les rendait comme enragés et les assoupissait [32]. Pendant leur assoupissement, on les portait dans le jardin enchanté, en sorte que lorsqu’ils venaient de se réveiller de leur assoupissement ; se trouvant dans un si bel endroit, ils s’imaginaient déjà être dans le paradis de Mahomet, et se réjouissaient d’être délivrés des misères de ce monde et de jouir d’une vie si heureuse. Mais quand ils avaient goûté pendant quelques jours de tous ces plaisirs, le vieux renard leur faisait donner une nouvelle dose du susdit breuvage, et les faisait sortir hors du paradis pendant son opération. Lorsqu’ils revenaient à eux et qu’ils faisaient réflexion combien peu de temps ils avaient joui de leur félicité, ils étaient inconsolables et au désespoir de s’en voir privés, eux qui croyaient que cela devait durer éternellement.
C’est pourquoi ils étaient si dégoûtés de la vie qu’ils cherchaient tous les moyens d’en sortir. Alors le tyran, qui leur faisait croire qu’il était prophète de Dieu, les voyant en l’état qu’il souhaitait, leur disait : « Écoutez-moi, ne vous affligez point ; si vous êtes prêts à vous exposer à la mort, au courage, dans toutes les occasions que je vous ordonnerai, je vous promets que vous jouirez des plaisirs dont vous avez goûté. » En sorte que ces misérables, envisageant la mort comme un bien, étaient prêts à tout entreprendre, dans l’espérance de jouir de cette vie bienheureuse. C’est de ces gens-là que le tyran se servait pour exécuter ses assassinats et ses homicides sans nombre.
Car, méprisant la vie, ils méprisaient aussi la mort ; en sorte qu’au moindre signe du tyran ils ravageaient tout dans le pays, et personne n’osait résister à leur fureur. D’où il arriva que plusieurs pays et plusieurs puissants seigneurs se rendirent tributaires du tyran pour éviter la rage de ces forcenés [33].
[31] Ou Alamont, dans la province actuelle de Ghilan, sur le versant méridional des montagnes qui bordent la mer Caspienne. [32] Ce breuvage enivrant n’était autre que le célèbre haschi ou hachisch, substance tirée des tiges du chanvre mis en fermentation : d’où le nom de hachischin donné à ceux qui en faisaient usage, et dont nous avons formé notre mot assassin. [33] L’histoire du Vieux de la Montagne, que Marco Polo fit connaître un des premiers en Europe, est restée fameuse. Elle a donné lieu à un grand nombre de recherches et d’écrits historiques, ainsi qu’à beaucoup de compositions romanesques. En réalité, ce prince redoutable était le chef d’une secte dite des ismaéliens, qu’il avait fondée. « Il se faisait passer, dit M. Pauthier, pour avoir une puissance surnaturelle et être le vicaire de Dieu sur la terre. » Il mourut trente-quatre ans après son entrée dans le château fort d’Alamont, sans en être sorti une seule fois, passant sa vie à lire et à écrire sur les dogmes de sa secte et à gouverner l’État qu’il avait créé. Source : : Le Livre des Merveilles de Marco Polo, , livre 28 (vers 1300)
Deux vidéos pour aller plus loin
Iran – Forteresse de Alamut (Vidéo en espagnol, pas de sous-titres disponibles)